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BERDIAEV (Nicolas)

BERDIAEV (Nicolas). Philosophe d'origine russe (1874-1948), il a d’abord cru pouvoir participer au socialisme soviétique. Mais, « chercheur de vérité » (comme il se définissait), il fut démis comme « adversaire idéologique du communisme », et vient s'installer en France. Sa philosophie est un existentialisme chrétien.

Berdiaev (ou Berdiaeff, Nicolas, 1874-1948.) Philosophe ukrainien. Professeur à l'université de Moscou, il est expulsé d'URSS en 1922, et s'installe finalement en France. ♦ Sa pensée relève d'une philosophie eschatologique : elle vise les fins dernières ou le salut dans une perspective chrétienne. Le temps, appréhendé sous ses trois formes (cosmique, historique et existentiel), est tendu vers l'éternité qui en constitue la fin. Berdiaev affirme le primat de l'existence et de la liberté sur l'être ; il rejette en conséquence une philosophie centrée sur la connaissance : avant de connaître, nous sommes plongés dans l'existence. L'homme est ainsi un « centre existentiel » qui a besoin de liberté, et la réalisation de la personne se fait - en liaison avec la liberté -par la transformation du monde insatisfaisant. Cette transformation peut toutefois se trouver entravée quand la science asservit l'homme. Le spiritualisme chrétien de Berdiaev fait une place importante à l'ascèse, la souffrance étant tenue pour nécessaire à l’élévation spirituelle. L'amour vrai est la difficile synthèse de l'amour « ascendant » (passionnel et sexuel) et de l’amour « descendant », qui ne doit pas tomber dans la complaisance. Cette approche religieuse et apocalyptique prévaut jusque dans l’appréciation du phénomène révolutionnaire : le totalitarisme bolchevique, contraire à la « vieille idée messianique russe », demeurerait étranger de ce point de vue à Marx, qui s'inspirait d’une culture classique.

Œuvres principales : De la Destination de l'homme (1931) ; Cinq Méditations sur l’existence (1936) ; Esprit et réalité (1938) ; Les Sources et le sens du communisme russe (1939).

BERDIAEV Nicolas. Philosophe russe né à Kiev (Russie) le 9 mars 1874, mort à Clamart (Seine) le 23 mars 1948. Issu d’une famille appartenant à la noblesse russe, Berdiaev avait également du sang français dans les veines, puisque son aïeule maternelle était une Choiseul. Ayant terminé ses études secondaires dans une « école des cadets », Berdiaev prit ses inscriptions à l’université de sa ville natale; il y eut comme condisciple Léon Chestov, avec lequel il se lia d’amitié. Ayant — comme tant d’autres jeunes gens de cette époque — fréquenté les milieux révolutionnaires, Berdiaev fut impliqué, en 1898, dans un « complot », jugé, exclu de l’université et déporté dans une petite ville du nord de la Russie. Son premier article, consacré à Th. Lange, parut pendant l’instruction de son affaire, en 1899, dans la revue allemande Die Neue Zeit; en 1901, lorsqu’il était encore en résidence forcée, il fit paraître son premier livre, consacré au critique russe N. K. Mikhaïlovsky : Subjectivisme et individualisme dans la philosophie sociale. Dans cet essai, Nicolas Berdiaev tend à faire une synthèse, en conciliant les thèses de l’idéalisme philosophique avec celles de la critique marxiste; cette œuvre de jeunesse se ressent encore de l’influence des révolutionnaires marxistes qui se trouvaient être déportés dans la même ville que Berdiaev et qu’il avait nécessairement beaucoup fréquentés. Dès sa libération, Berdiaev se rend à Heidelberg, où il étudiera la philosophie, ayant Windelband pour maître. De retour en Russie, il s’installe dans la capitale, prend une part active à la fondation d’une « Union pour la Libération », et rédige — avec Serge Boulgakov — la revue Questions de la Vie. Attiré de plus en plus vers la religion et la philosophie religieuse orthodoxe, Berdiaev publie un certain nombre d’articles qui, réunis en 1907 en volume sous le titre Sub specie aeternitatis, forment le fond doctrinal de la « Société philosophico-religieuse », qui fut fondée la même année, et dont l’influence dans les années qui précédèrent la Première Guerre mondiale, fut en Russie prépondérante chez les intellectuels non marxistes. En 1911, Berdiaev publie La Philosophie de la liberté, suivie, en 1912, de la monographie A. S. Khomjakov, consacrée à ce grand slavophile. Si, à cette époque, Berdiaev s’est entièrement réconcilié avec la foi orthodoxe, il dénonce d’autant plus violemment les tendances réactionnaires du haut clergé. Aussi n’échappe-t-il que de justesse — grâce à une amnistie promulguée à l’occasion de l’entrée en guerre de la Russie — à un nouvel emprisonnement pour avoir publié un article intitulé Les Eteignoirs de l’esprit, violente diatribe dirigée contre les tendances obscurantistes du Saint-Synode, la plus haute instance ecclésiastique russe de l’époque. En 1916, Berdiaev publie un livre très important pour la compréhension de l’évolution de sa pensée philosophique. Il s’agit du Sens de l’acte créateur. Essai d’une justification de l’homme. Dans cette œuvre, il pose comme postulat que le sens et le but de la vie humaine ne sont pas seulement la recherche du salut personnel, mais la continuation de l’œuvre créatrice divine, la tragédie inhérente à cette activité créatrice réside dans la non-concordance de la réalisation avec l’intention créatrice. Pour Berdiaev, l’œuvre créatrice est tout le contraire de l’évolution — c’est le règne du déterminisme, des conséquences; l’acte créateur, par contre, c’est la liberté qui rappelle l’acte primordial. En effet, le monde n’a pas fini de se faire; il n’est pas achevé : sa création continue. C’est en 1919 que Berdaiev fonde une « Académie Libre de Culture Spirituelle » (qui ne subsistera que jusqu’en 1922). Pendant les années révolutionnaires, il compose quatre livres, mais trois d’entre eux ne verront le jour qu’en émigration. Seule la Philosophie de Dostoïevski [1922] pourra paraître à Leningrad. En 1922 Berdiaev fait partie d’un groupe de plusieurs professeurs et savants qui, jugés indésirables en U.R.S.S., doivent prendre le chemin de l’exil. Berdiaev reçoit un très bon accueil à Berlin, où il fait paraître, au cours de l’année 1923, les trois livres qui n’avaient pu voir le jour en Russie. Ce sont : L’Esprit de Dostoïevski [1932], Le Sens de l’histoire [1949] et la Philosophie de l’inégalité, dont seul un fragment parut en français dans le n° d’octobre 1948 de la revue La Nef. En 1924 Berdiaev quitte Berlin, s’installe dans la banlieue parisienne, à Clamart, fait paraître une revue consacrée à la philosophie de la religion : Put’ [La Voie], et se révèle au monde occidental par un livre retentissant — Un nouveau Moyen Age. Dans cette œuvre, Berdiaev affirme que l’humanisme — qui signifiait primitivement la libération de ^activité créatrice de l’homme — s’est transformé, de nos jours, en autodivinisation de l’homme, devenant, par ce fait même, un antihumanisme, tel qu’il apparaît, par exemple, chez Marx et chez Nietzsche. L’irruption des masses dans le domaine culturel transforme la culture de fond en comble, abaisse sa qualité par une spécialisation excessive et détruit l’intégrité de l’être humain, en l’abaissant au rang d’une simple fonction. La pensée de Berdiaev a exercé un grand rayonnement, non seulement dans les milieux de l’émigration russe, mais sur des intellectuels catholiques français, tels que Jacques Maritain et Emmanuel Mounier. Malgré un amour fervent pour son pays natal, Berdiaev repoussera toujours les offres de retour faites par les dirigeants soviétiques, ses positions spirituelles étant inconciliables avec le communisme — Les Sources et le sens du communisme russe. Reçu, après la Libération, docteur « honoris causa » de l’Université de Cambridge, il mourut subitement dans sa petite maison de Clamart le 14 mars 1948. Berdiaev a écrit plus de vingt-cinq livres et des centaines d'articles. On peut citer, parmi les plus importants de ses ouvrages, Esprit et réalité et Essai de métaphysique eschatologique [1946], véritable synthèse de sa pensée. Bien qu’il ait été largement traduit en français et en quatorze autres langues (dont le japonais), sa pensée demeure d’un accès difficile. Elle déroute le lecteur occidental, non pas tant par ses sources (qui sont empruntées en partie au christianisme orthodoxe et en partie à l’idéalisme allemand), que par son dédain des procédés rationnels, logiques, par une confusion volontaire des données philosophiques avec des postulats de la religion, et par son appel continuel à une expérience intérieure. C’est une pensée d’inspiration essentiellement religieuse, mais quelque peu gnostique. En effet, le vrai maître de Berdiaev paraît être le mystique allemand Jakob Böhme, auquel il emprunta ses théories de l'Ungrund et surtout celles de la Sophia : la Gnose. On y trouve aussi une violente réaction contre le rationalisme, auquel Berdiaev reproche d’avoir ravalé la connaissance en soumettant l’esprit au monde naturel, acte que Marx déjà avait qualifié d’« aliénation de la nature humaine ».

♦ « Je me considère comme un représentant de l’existentialisme religieux et spiritualiste. » Nicolas Berdiaev. ♦ «Je considère cette philosophie non pas comme une théorie, mais comme une impulsion à une vie nouvelle. » Comte Hermann Keyserling. ♦ « Nicolas Berdiaev est le premier des penseurs russes ayant su se faire écouter non seulement dans sa propre patrie, mais à l’étranger. » Léon Chestov. « Un des rares hommes, à la fois libre et créateur, créateur parce que libre. Un penseur qui émerge de la quotidienneté et lutte avec violence contre la médiocrité et l’objectivation. Un doux et un violent à la fois. Un philosophe qui veut changer le monde par la puissance de l’esprit. » M.-M. Davy.

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