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BAIF Jean-Antoine

BAIF Jean-Antoine de 1532-1589

Après avoir suivi avec du Bellay et Ronsard les leçons de Dorat, il fit partie de la Pléïade. Esprit curieux et cultivé, inventif et féru de musique, Baïf participa au grand bouillonnement de la Renaissance; il tenta de renouveler la rythmique du français, et entreprit une réforme de l'orthographe en se fondant sur la linguistique.

Jean Antoine de Baïf, poète, né en 1532 à Venise, où son père est ambassadeur de France, mort à Paris en 1589, fait partie du groupe de la Pléiade. Exagérant le système de son ami Ronsard, il a essayé d'assujettir la versification française aux règles métriques de la poésie gréco-romaine ; tentative hardie, mais pas toujours convaincante, selon les classiques qui lui ont succédé.

Poète, né à Venise. Plus encore qu’un créateur en matière de poésie, ce condisciple de Ronsard dans le groupe de la Pléiade est un inventeur, un « homme à idées ». Certes, ses deux livres d’Amours (1552 et 1556) ne sont pas dénués de charme ; ils sont même plus libres, en un sens, plus frivoles et plus lascifs, que Les Amours et Les Folastries de Ronsard. Mais c’est surtout par ses Étrênes de poézie fransoéze (1574) qu’il va déterminer une série de remous, sinon de réformes, dans son siècle et (sur un point, tout au moins) au-delà : réforme de l’orthographe, qu’il veut phonétique ; réforme de la versification, surtout, qu’il veut régler non plus à partir du nombre de pieds, c’est-à-dire de syllabes supposées égales, mais, comme dans la métrique latine, sur la base des syllabes longues ou brèves. Baïf n’avait oublié qu’un point : la langue française ne conçoit pas les syllabes selon leur quantité (durée) mais selon leur qualité (intensité de l’accent). La prétendue réforme ne passa pas, et Baïf fut seul disciple de l’école « baïfine » ; disciple infidèle, au surplus, puisque dans un dernier recueil poétique, Les Mimes (1576) il retourne au train régulier d’octosyllabes. Non pas que ce charmant remueur d’idées ait abandonné la lutte. Au contraire : il décide, cette fois, de sceller une éternelle alliance entre la poésie et la musique (ce qui constituait moins, d’ailleurs, une réforme qu’un retour à la tradition française, inaugurée depuis plus de trois siècles déjà par les troubadours et par Adam de la Halle, Guillaume de Machaut, etc.). Il fonde à cet effet (1570) l’« académie de Poésie et de Musique » avec le compositeur Thibaut de Courville, et il s’avise bientôt que ces deux arts ont un point commun : le rythme. Si bien que, de proche en proche, il en vient à imaginer une triple alliance avec cet autre « art du rythme » : la danse ; et cette fois, c’est avec le théâtre grec que notre homme veut renouer la tradition. Que reste-t-il des idées de Baïf? Disons qu’il a tout au moins forcé les poètes de son temps à se poser des problèmes, à réfléchir sur les données essentielles de leur art. En outre, si le vers « baïfin » qu’il nomme mesuré à l’antique est peu convaincant à la lecture, il se révèle étonnamment léger, nerveux, savoureux lorsqu’on le réentend mis en musique ; car c’est ainsi, en définitive, à travers Thibaut de Courville et Claude le Jeune, que les ïambes, trochées, spondées et autres jeux rythmiques de Baïf ont exercé leur influence vivifiante jusqu’à l’opéra-ballet à l’époque de Versailles : ils ont libéré le théâtre lyrique français de la monotonie métrique. Comme quoi les « réformes » de cet écrivain singulier bénéficièrent à un tout autre art que le sien. C’est peut-être dommage ; et, l’eût-on mieux écouté, tout écrivain français serait aujourd’hui sans aucun doute, à la fois poète, musicien et danseur.

BAIF Jean-Antoine de. Poète français. Fils naturel de Lazare de Baïf, ambassadeur du roi de France auprès de la République de Venise, Jean-Antoine naquit à Venise le 19 février 1532; il mourut a Paris en octobre 1589. Jeune homme, il eut les meilleurs maîtres de son temps, en particulier le célèbre Jean Dorât, lé maître de Ronsard. Placé, après la mort de son père, au collège de Coqueret, il y fut le condisciple de Bertrand Berger et de Du Bellay. Dorât l’éveilla à la poésie, au service de laquelle il mit ses connaissances de parfait helléniste. A peine âgé de vingt ans, mais enflammé par la Défense et illustration de la langue française, que Joachim du Bellay venait de publier en 1549, Baïf, qui avait déjà composé un Tombeau de Marguerite de Navarre, fit paraître, en 1552, les premiers livres des Amours, les Amours de Méline, suivies, en 1555, de quatre livres des Amours de Francine. Traducteur de l'Antigone de Sophocle, de l'Eunuque de Térence, auteur dramatique qui fît représenter en 1567 à l’Hôtel de Guise une comédie, d’après Plaute : Le Brave, Baïf se sentait en outre une vocation de réformateur : il voulait simplifier l’orthographe en la réduisant à la phonétique, et appliquer à la poésie française le vers métrique, scandé comme l’hexamètre latin — v. ses Êtrénes de poézie fransoêze en vers mezurés (1574). Cherchant une concordance de la poésie et de la musique en les soumettant toutes deux aux mêmes lois mélodiques, il eut l’idée, pour assurer le succès de sa réforme, de fonder une « académie de musique et de poésie », à la fois Conservatoire et Académie Française, qui fut ouverte en 1570 sous la protection de Charles IX, et qui compta parmi ses membres Ronsard, Desportes, du Perron, Gui de Pibrac. Le roi Henri II y prit un tel intérêt qu’il faisait tenir les séances de l’Académie dans ses appartements. La société fondée par Baïf mourut malheureusement en même temps que le souverain. Mais l’idée d’un chant mesuré à l’antique, mise en valeur par Baïf, allait être féconde, non seulement en perfectionnant la chanson polyphonique de la Renaissance avec des musiciens comme Mauduit et Lejeune, mais surtout en jouant un rôle décisif dans la création de l’opéra : les érudits florentins groupés à la fin du siècle autour de Bardi, et dont les doctrines trouvèrent leur expression dans l'Euridice de Jacopo Perl, le premier des opéras (1600), avaient en effet, de même que l’Académie de Baïf, pour idéal une musique qui suivit très fidèlement la parole — innovation qu’on confondait alors avec la tragédie antique. En revanche, le « vers baïfin » n’était, littérairement, qu’une imitation trop matérielle de l’Antiquité, qui ne pouvait avoir aucune action sur la langue française, dont elle méconnaissait le génie propre. Grâce aux libéralités royales, Baïf put réunir en quatre volumes toutes ses pièces antérieures à 1572 : ce furent Les Poèmes, Les Amours, Les Jeux et Le Passe-temps. En 1576, parut le premier livre des Mimes, enseignement et proverbes, réflexions morales et satiriques d’un ton un peu désabusé. Ce premier livre fut suivi, en 1581, d’un second et, en 1597, de deux autres, sauvés par le musicien Jacques Mauduit. Les troubles de la Ligue venaient en effet mettre un terme à la faveur de Baïf; et lui, qui avait si souvent régalé de fêtes et de concerts les plus beaux esprits du temps dans sa maison de campagne, mourut presque dans la misère. Il fut de ces poètes, comme il l’a dit lui-même, « qui à se repolir sont un peu paresseux ». Victime de sa grande facilité, il laisse passer maintes négligences de styles, incorrections, obscurités. Mais dans cette œuvre le plus souvent assez gauche, alambiquée, rude, un peu pédante, il est tout de même facile de trouver des fragments admirables, tel ce sonnet « O doux plaisir plein de doux pensement... » des Amours de Méline, où l’on a pu voir le chef-d’œuvre de la poésie érotique française. Car Baïf, bien qu’il ait aussi composé des psaumes pleins de sereine puissance, est avant tout le poète de la gentillesse et de la joie charnelle.

 


♦ « Baïf, bon homme, mais fort mauvais poète. » Du Perron. Plus heureux en latin qu’en français.» Agrippa d’Aubigné. « La marque propre de son talent est une facilité extrême à manier tous les rythmes, surtout le léger octosyllabe traditionnel et l'heptasyllabe aimé de la Pléiade. Malheureusement, il est d ’une abondance qui tourne au bavardage. La phrase s’étend, s’étire, abuse des rejets, voisine souvent avec la prose parce qu’il ne sut jamais ni se surveiller ni se contraindre. » Raoul Morçay. ♦ « Si Ronsard et du Bellay sont les deux grands poètes et les théoriciens majeurs de la Pléiade, Baïf en est l'expérimentateur. Prodigieusement érudit, d’une facilité volontiers prolixe, il n’est guère de genre qu’il n’ait abordé dans son œuvre copieuse; parfois imitateur docile et comme à la remorque, plus souvent inventeur à la pointe extrême de la recherche poétique. » Jean Bâillon.


BAÏF (JEAN ANTOINE DE) Jean Antoine de Baïf, poète, né en 1532 à Venise, où son père est ambassadeur de France, mort à Paris en 1589, fait partie du groupe de la Pléiade. Exagérant le système de son ami Ronsard, il a essayé d'assujettir la versification française aux règles métriques de la poésie gréco-romaine ; tentative hardie, mais pas toujours convaincante, selon les classiques qui lui ont succédé.

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