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Antoine Blondin

Antoine Blondin est né à Paris, le 11 avril 1922, d’une poétesse et d’un correcteur d’imprimerie. Etudes au lycée Louis-le-Grand. Licence ès-lettres. En 1942-43, il est surveillant dans un collège, puis emballeur dans une maison d’édition, avant d’être requis par le Service du Travail Obligatoire et déplacé en Autriche. Il commence après la guerre une carrière de journaliste et collaborera à de nombreux journaux, Paris-Presse, Elle, Arts, la Parisienne, etc. Depuis 1946, il suit le Tour de France pour l’Equipe. Il publie son premier roman, l’Europe buissonnière en 1949, qui lui vaut le prix des Deux Magots. Il reçoit le prix Interallié pour Un singe en hiver en 1959, et le Grand Prix littéraire de Monaco pour l’ensemble de son œuvre en 1971. Membre du jury du prix Interallié, il en a démissioné en 1976. Lorsque parut l’Europe buissonnière, roman irrespectueux s’il en est, la littérature baignait dans les eaux mêlées de l’engagement politique (l’existentialisme faisait fureur), du témoignage sur la guerre, de la morale humaniste et des règlements de compte. Le courant emportait tout sur son passage. On aperçut alors un certain Blondin Antoine qui, en dépit des ennuis que pouvait lui valoir pareille attitude, canotait sans effort apparent contre le cours des choses. « Si vous me demandez quel doit être le sens d’une vie, a-t-il écrit, je vous dirais que, faute d’accepter de lui donner un sens unique (quel qu ’il soit), on risque beaucoup d’en faire un sens interdit. » Tout Blondin est dans cette phrase : un anticonformisme viscéral et si possible insouciant, nourri d’une passion espiègle pour les jeux de mots, le tout porté par une amitié de chambrée avec les « Hussards » Roger Nimier, Jacques Laurent, Michel Déon. Tout est facile alors ... Dans l’Europe buissonnière, Muguet et une vingtaine d’autres comparses traversent la guerre d’un pied léger. Sébastien Perrin, le petit prof d’histoire des Enfants du Bon Dieu, s’ennuie dans le cadre étroit de la paix revenue — cadre rétréci encore par un mariage bourgeois — et se rappelle avec nostalgie son séjour en Allemagne, au titre du S.T.O. : qu’importe cette contrainte, il l’avait vécue avec ivresse grâce à la princesse Albertina d’Arunsberg-Giessen, sa maîtresse de guerre, qu’il décide de retrouver. Il la retrouve en effet, et le petit prof d’histoire en conçoit une joie telle qu’il se pique, devant ses élèves, d’enseigner une autre Histoire, à contre-courant de la vraie, plus juste, plus humaine et plus digeste, assurant que le Traité de Westphalie n’a jamais été signé, que La Fontaine fut un ministre du Roi Soleil, et que Louis XVI a échappé à la guillotine. Sous les facéties de Sébastien pointe déjà une morale moins futile que chaleureuse, et qui se découvrira entièrement dans l'Humeur vagabonde : seuls l’humour et l’amour peuvent venir à bout des vérités toutes faites des dogmes laïcs et obligatoires et de tout ce qui encercle l’individu. « Un jour, peut-être, nous abattrons les cloisons de notre prison ; nous parlerons à des gens qui nous répondront ; le malentendu se dissipera entre les vivants ; les morts n’auront plus de secret pour nous... » Mais ce présomptueux pari de tendresse, dans un monde fait précisément pour les prisons et les malentendus, tournera à l’aigreur dans Un singe en hiver, où l’on voit Gabriel Fouquet promener une détresse empuantie par l’alcool sur les plages désertes du Calvados. De Blondin-Muguet à Blondin-Fouquet, quelque chose assurément s’est défait, même si la critique a continué d’user du superlatif facile, par gentillesse et incertitude. Dans la mesure où ils ont pesé sur son œuvre, il faut bien dire que les malheurs privés n’ont pas épargné le fidèle Antoine Blondin, et que la disparition de son maître Marcel Aymé, pour ne parler que de celle-là, déchira comme la foudre son paysage littéraire. Alors, la désinvolture s’est bouffie d’amertume, l’humour a pris du poids, et le vagabondage aux quatre coins du rêve s’est fait titubant. Reste, quelque part entre les lignes de cette œuvre hébétée à la fin par le spectacle de la sauvagerie contemporaine, un peu de vraie tendresse et beaucoup de vrai talent. Beaucoup plus qu’il n’en faut pour s’appeler quelqu’un, ici-bas.
► Bibliographie
Romans : L'Europe buissonnière, F ro i ssa rt, 1949, la Table ronde, 1953 ; les Enfants du Bon Dieu, la Table ronde, 1952 ; l'Humeur vagabonde, la Table ronde, 1955 ; Un singe en hiver, la Table ronde, 1959 ; Monsieur Jadis ou l'Ecole du soir, la Table ronde, 1970. Antoine Blondin a également écrit des nouvelles, des scénarii de films, des préfaces ( aux Souffrances du jeune Werther de Goethe dans l'édition du Livre de poche ; à Gatsby le Magnifique de F.S.K. Fitzgerald dans l'édition Grasset de 1962 ; à plusieurs éditions de poche d'œuvres d'Alexandre Dumas) et il est co-auteur de plusieurs ouvrages, notamment : Paris que j'aime (avec Marcel Aymé et J.-P. Ciébert, aux éditions Sun) ; Un garçon d'honneur et Détrompez-vous (avec Paul Guimard, chez Denoël).



Romancier, né à Paris. Plus sérieux, plus grave même qu’il ne semblait tout d’abord, parmi les « hussards » des années 50 (son recueil d’essais Certificats d’études révèle, en particulier, un lecteur infatigable, et d’une étonnante pénétration), c’est aussi le plus poète et le plus joyeux du groupe. Un premier roman, L’Europe buissonnière (1949), emprunte son épigraphe à Cervantès : «... et [il] poursuivit sa route qui n’était autre que celle que voulait sa monture. » Suivront, tout aussi savoureux et drolatiques, mais non moins mélancoliques : Les Enfants du Bon Dieu (1952), L’Humeur vagabonde (1955), Un singe en hiver (1969), Monsieur Jadis ou l’École du soir (1970) et un recueil de nouvelles, Quat’saisons (1975). Désarmé parce que désenchanté (et naïf malgré tant de raffinement d’esprit), il réservera bientôt toute sa tendresse à des héros plus ou moins « marginalisés » (ne l’est-il pas lui-même par son alcoolisme ?) : les sportifs, qui lui apparaissent comme un monde à part et, à ce titre, plus proches de lui. D’où, en 1979, l’enquête-reportage Sur le Tour de France, épreuve populaire entre toutes (qu’il a suivie pour le journal L’Équipe) et, en 1988, L’Ironie du sport.