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Andrée Chedid

Andrée Chedid est née au Caire (Egypte), en 1920, mais elle est d’origine libanaise. Après ses études elle s’est mariée. Installée à Paris, elle s ’y consacre à l’écriture, à sa famille, à ses amis. Elle a publié de nombreux recueils de poèmes, des romans et récits, des pièces de théâtre. Elle a le goût des voyages, de l’Orient et des enfants.

D’emblée, dès ses premiers recueils publiés à Paris, après des débuts secrets au Caire, Andrée Chedid impose son chant unique, sa voix, une voix qui fait doucement rouler les grains d’encens. Andrée Chedid a déclaré un jour : « Si la poésie n ’a pas bouleversé notre vie, c’est quelle ne nous est rien. Apaisante ou traumatisante, elle doit marquer de son signe : autrement, nous n’en avons connu que l’imposture. » Ces paroles qui sonnent comme un manifeste, Andrée Chedid ne les a jamais reniées. Son œuvre tout entière est une vaste interrogation sur la condition humaine, le destin de l’individu, ses liens avec le Cosmos. Selon les mots du poète arabe contemporain Adonis : « la poésie doit être notre destin humain », Andrée Chedid n’a cessé, de Textes pour le vivant à la Cité fertile, de Visage premier à Jonathan, de questionner notre présence sur la terre, parmi les êtres et les choses, les objets et les éléments, présence qui est à la fois évidence lumineuse et énigme douloureuse. Andrée Chedid n’est pas de la race de ceux qui « cassent » le langage. Elle n’est point poète de laboratoire, d’avant-garde, ce qui ne l’empêche pas d’aimer jouer avec les mots, à la manière des enfants, pour lesquels d’ailleurs elle a écrit quelques savoureux recueils : Fêtes et lubies, le Cœur et le temps, etc. André Chedid a des tons de mystique affamée de lumière et d’unité. Elle nomme arbres, fleuves, femmes et hommes, astres et forêts avec une sorte d’impatience d’autant plus persuasive qu’elle s’exprime souvent en vers brefs, serrés comme des poings de clarté :

« Chair de ton visage, Je te touche. Te touchant, Je découvre la durée. »

Durée : un mot cher à Andrée Chédid qui circule avec une souveraine aisance dans les temps multiples et multiformes : passé-présent et même futur, ce qui est l’ordinaire des vrais poètes. Ces « voyages » sont des voyages de sensualité, d’éblouissement et de ferveur. Le poème naît d’une sorte de révélation subite, de l’éclair de l’émotion. Un parfum d’Orient hante souvent sa parole : jasmin et odeurs de ruelles populaires, eaux et ciels. Tout est poésie chez Andrée Chedid, qu’elle écrive en vers ou en prose, qu’elle compose pièce ou récit, recueil de comptines ou telle célébration du Liban, dans la collection du Seuil « Petite Planète ». Mais André Chedid, qu’on pourrait croire planant tel un ange dans les hauteurs du Verbe, garde les yeux grands ouverts, et son recueil « Célébration de la violence », dédié à son cher Liban écartelé par la plus sanglante guerre civile, est un acte de protestation, d’appel à la vérité du dialogue constructif et fertile, de réconciliation avant l’heure. Alors elle retrouve un langage âpre, une voix rauque de femme épouse-mère assassinée :

« La femme vêtue de noir Tremble dans la tourmente Hurle dans le chaos... »

On peut conclure en disant que l’œuvre entière d’Andrée Chedid, par-delà les avatars de l’histoire, les contradictions de l’époque, les limites que l’ordre régnant impose, constitue un immense et nostalgique vœu pour des retrouvailles avec le « visage premier », d’identification à ce qui n’a pas de mortel en soi, mais perdure sans fin. Pour elle, toute parole est la quête du « lieu bleu ».

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