Anacoluthe
Rupture dans la construction syntaxique d’une phrase.
Exemple
Chaque soir, espérant des lendemains épiques, L'azur phosphorescent de la mer des Tropiques Enchantait leur sommeil d'un mirage doré... (José Maria de Heredia, "Les Conquérants".)
Commentaire
L’anacoluthe est assez rare en français, plus fréquente en grec ancien. Il convient de la manier avec rigueur, sous peine de n’obtenir qu’une incorrection. La rupture hardie qu’elle produit détourne la phrase de sa suite logique, désoriente le lecteur, peu habitué à voir le sens l’emporter sur la grammaire. La langue publicitaire l’emploie de plus en plus, pour les effets de surprise qu’elle ménage dans la phrase.
ANACOLUTHE nom fém. - Procédé de style consistant dans la rupture de l’ordre attendu du discours qu’il s’agisse de l’ordre grammatical ou logique. ÉTYM. : vient d’un mot grec (anakolouthos) évoquant littéralement le manque, la privation de « ce qui suit », c’est-à-dire la rupture de la construction syntaxique. L’anacoluthe est une incorrection justifiée pour des raisons stylistiques. Elle consiste à rompre le lien habituel, correct entre le début de la phrase et un second élément. C’'est ce que l’on fait, par exemple, quand on écrit : « En attendant de vos nouvelles, agréez, Madame, mes très respectueux hommages. » Normalement, le sujet du second élément, en accord avec « En attendant », devrait être « Je » (le locuteur) alors qu’il s’agit d’un « vous » correspondant au destinataire. Par le sens, « en attendant » se rapporte à celui qui écrit (c’est lui qui attend) alors que si l’on s’en tient à la forme, à la syntaxe, il se rapporte à la personne à qui on s’adresse. L’anacoluthe est parfois utilisée à des fins stylistiques par souci de rapidité ou pour exprimer justement la rupture, l’irruption d’un sentiment. Ainsi dans ces deux vers d'Athalie de Racine (11, 620-621) : « Ô ciel ! plus j'examine et plus je le regarde, C'est lui. D'horreur encor tous mes sens sont saisis. » Une phrase commençant par « plus je » exige grammaticalement une suite qui, ici, ne vient pas. Cette rupture de la syntaxe exprime la violence d’un sentiment qui empêche l’achèvement normal de la phrase. Il faut éviter les anacoluthes du type : « Allongé sur la table d’opération, le dentiste m’arracha une molaire. » => Asyndète