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altercation

L’altercation est plus une pratique oratoire qu’une partie de l’éloquence. Elle s’oppose au discours suivi et nécessite uniquement de l’invention et de l’intelligence assistée de chaleur et d’à-propos.

Comme le dit Quintilien, il ne s’agit en effet que d’attaquer ou de soutenir, de faire une objection à propos ou de la réfuter [...] ce genre d’action est court, interrompu et coupé. Les choses qui s’y disent ne sont pas d’une autre nature [que dans le discours suivi] ; mais elles s’y traitent autrement, à savoir par demandes et par réponses.

Dans le genre judiciaire, l’altercation sert surtout dans les affaires où entrent en jeu des preuves extra-techniques, car c’est là qu’il y a le plus matière à contestation : c’est là qu’il faut dire que la victoire ne se remporte qu’à la pointe de l’épée. L’orateur doit spécialement alors rassembler tous ses moyens, toutes ses forces, toute sa connaissance de la chose, et en montrer une maîtrise et un usage étourdissants : mémoire, force de caractère, solidité intellectuelle, facilité de parole sont ici plus que jamais nécessaires. Souvent, les parties s’emportent à des colères réelles ou simulées : c’est très mal ; mais il faut autant savoir se dominer qu’imposer le calme à un adversaire brutal. Certains rhétoriciens ont conseillé de produire brusquement, comme dans une sortie militaire par surprise, des preuves irréfutables tenues cachées jusque-là, destinées à réaliser un effet d’autant plus renversant que l’on n’attend pas alors ce genre de procédé ; Quintilien est réservé sur cette façon d’agir, qu’il admet uniquement pour les preuves spécieuses, qui peuvent faire un effet violent d’illusion momentanée.

Il est préconisé d’abandonner les points faibles et de ne s’opiniâtrer point sur ceux qui sont trop sensiblement litigieux. Cela fait partie de l’astuce de la conduite. Celle-ci doit aller jusqu’à la ruse, comme de feindre d’être en difficulté sur quelque aspect pour nous secondaire, de manière à emporter plus aisément un point pour nous capital qui pourrait dès lors avoir paru sans intérêt à l’adversaire ; on a également profit à lui proposer un libre choix apparent, qui se révélera par la suite constituer pour lui un vrai dilemme. Enfin, il est opportun de surveiller les réactions de l’auditoire, et particulièrement des juges, pour ajuster en permanence sa conduite à leurs sentiments, tels que les trahit leur attitude. C’est ainsi qu’on jugera soi-même à propos de continuer à enfoncer son adversaire, ou au contraire de donner rapidement le change sur un point qui ne tourne manifestement pas à notre avantage. L’altercation est donc bien un duel intellectuel, par les ressources de l’éloquence et par le moyen de la parole, constamment tempéré par le ressentiment supposé des auditeurs-juges : c’est une sorte de match sportif, impensable à jouer sans public. Et c’est cet aspect spectaculaire qui la rattache pleinement à la rhétorique.

=> Éloquence, oratoire, orateur; genre, judiciaire; partie, invention; preuve; témoins.