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allégorie

Une allégorie est une figure macrostructurale de type complexe. On dit traditionnellement qu’elle consiste en une suite de métaphores (donc de figures microstructurales) continuées, dont le comparant (ou le noyau central des termes comparant) désigne des êtres animés. Cette approche n’est pas tenable telle quelle, car elle évacue le fait que tout discours allégorique peut être lu non allégoriquement, tout en restant tout à fait acceptable et cohérent, ce qui est impossible en cas de réduction de la figure à une stricte détermination microstructurale. L’allégorie, quand elle existe, est donc le modèle parfait de la figure composée : elle est bien obligatoirement faite avec des figures microstructurales (en général des métaphores), mais la valeur de signification qui la définit essentiellement est de nature entièrement macrostructurale. On dira ainsi que l’allégorie consiste à tenir un discours sur des sujets abstraits (intellectuels, moraux, psychologiques, sentimentaux, théoriques), en représentant ce thème mental par des termes qui désignent des réalités physiques ou animées (animaux ou humains), liés entre eux par l’organisation de tropes continués. On peut de la sorte lire allégoriquement ou non allégoriquement certaines descriptions concrètes de La Divine Comédie comme l’expression de l’état théologique de l’âme, ou même certains développements narratifs de l’intrigue des Liaisons dangereuses comme l’expression de la situation morale d’un milieu social au xviiie siècle.
Prenons l’exergue de « La Chanson du mal aimé » :

Et je chantais cette romance
En 1903 sans savoir
Que mon amour à la semblance
Du beau Phénix s’il meurt un soir
Le matin voit sa renaissance.

Pratiquement, on a ici un mélange de comparaison (mon amour: le comparé, à la semblance : l’outil de comparaison, le Phénix : le comparant) et de métaphores : meurt un soir le matin voit sa renaissance (sans préjudice du détail d’autres figures). Une fois établie la comparaison, explicitement, se développent quatre métaphores ponctuelles (sur meurt - soir- matin - renaissance), qui constituent en réalité une seule métaphore continuée. Ici, on a la clé, à cause de l’initiale en comparaison : on sait d’emblée qu’il faut comprendre par figure. On traduit donc : «si le sentiment d’amour diminue ou disparaît à un moment quelconque, à un autre moment on le ressent de nouveau». Mais ce qui est sous-jacent dans ce système, et qui en fait le charme de valeur poétique, c’est l’image du Phénix, brûlant sur son bûcher et ressuscitant de ses cendres le lendemain, image constituant donc un récit bien connu, et que l’on n’a a priori aucune raison de comprendre nécessairement comme l’expression de l’état du sentiment amoureux, sinon justement dans le montage très spécial qui en est fait ici par Apollinaire. L’histoire, anecdotique, du Phénix, qui garde toujours sa valeur et son autonomie propres, est prise en l’occurrence pour construire une allégorie de l’amour du poète. Beaucoup d’allégories, plus massivement présentées, sont bâties sur la sélection d’attributs culturellement affectés à tel ou tel objet pour évoquer telle ou telle entité (comme les loups pour la méchanceté, ou la lumière pour la vérité..?) ; liées au support graphique, on reconnaît des allégories fort traditionnelles, et plus que répandues dans la littérature spirituelle et morale.
=> Figure, macrostructurale; microstructurale, trope, continuée; métaphore, comparaison, métonymie; image; symbole.


Allégorie. Représentation figurée d’idées abstraites sous la forme d’un tableau où d’une histoire qui développe une analogie initiale :
Un jour je vis, au bord des flots mouvants - Passer gonflant ses voiles, Un rapide navire environné de vents, De vagues et d’étoiles [...] (Hugo, « Un jour je vis », Les Contemplations)
Le contexte de ce poème de Hugo permet de comprendre que ce petit récit doit être interprété de manière figurée, et c’est ce qu’explique la fin du poème où chaque expression est traduite en termes propres :

La mer, c’est le Seigneur, que, misère ou bonheur
Tout destin montre et nomme ; Le vent, c’est le Seigneur ; l’astre, c’est le Seigneur ; Le navire, c’est l’homme.
Aucune limite n’est fixée à la longueur de l’allégorie qui peut se prolonger sur l’ensemble d’une œuvre, comme dans le Roman de la Rose de Guillaume de Lorris (vers 1230). L’emblème est un petit tableau allégorique commenté par une brève formule qui en montre la portée morale, comme souvent dans les fables de La Fontaine. L’allégorie s’oppose à la métaphore filée en ce que la série du figuré apparaît seule. Aussi n’est-elle signalée par aucune anomalie sémantique. Le sens propre peut cependant être reconstruit car c’est la série du propre qui impose son organisation à la série figurée et commande le choix des éléments retenus. A la différence de ce qui se passe dans le symbole auquel il est impossible de donner une seule interprétation, série propre et série figurée se correspondent terme à terme. L’allégorie peut ainsi, lorsqu’on la repère, être analysée dans le détail, ce qui la distingue de l'apologue, qui reçoit une interprétation globale. Quant à la parabole, c’est un apologue dont l’interprétation est religieuse : dans la parabole du semeur, du Nouveau Testament, les différents sols sur lesquels se posent les graines semées, chemin, roche, terre envahie d’épines qui les étouffent, champ fertile, représentent les différentes façons dont les hommes accueillent la parole de Dieu, selon qu’ils la refusent, seraient prêts à la recevoir, mais sont trop préoccupés pour cela, ou bien encore l’acceptent. > Ambiguïté, figure, métaphore, sens, symbole, trope
• Molino J., et Gardes-Tamine J., 1992.




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