AÏNOU
AÏNOU
Peuple autochtone, minorité ethnique, ou membres de la société japonaise, les Aïnou, quels que soient les points de vue, ont une identité complexe. Si quelque 25 000 habitants de Hokkaido acceptaient encore de se définir comme tels lors d’un recensement de 1986 (soit 0,5 % seulement de la population de l’île), bien rares étaient ceux qui auraient pu prétendre avoir conservé intact le sang de leurs ancêtres. D’autres au contraire, par crainte de discrimination, préfèrent encore dissimuler leurs origines, et le nombre de ressortissants « japonais » issus partiellement de cette souche varie, selon les estimations, entre 50 000 et 100 000.
L'origine ethnique des Aïnou fait l’objet de controverses. Une thèse caucasienne fut longtemps avancée en raison d’attributs (peau claire, yeux ronds, pilosité abondante) exagérément soulignés. Des études hématologiques ultérieures ont plutôt tendu à les rattacher, avec les Japonais, à une famille mongoloïde septentrionale.
Sur le plan linguistique, le rapprochement avec les langues paléo-sibériennes est contesté par les tenants d’une étonnante relation austronésienne. Beaucoup de chercheurs s’accordent cependant à penser que les Aïnou descendent d’hommes présents sur l’Archipel dès l’ère paléolithique (vers 10 000 ans avant notre ère), tandis que des hommes d’une autre origine, ancêtres des Japonais d’aujourd’hui, seraient venus du continent il y a quelque 2 000 ans, à l’époque néolithique.
Repoussés vers le nord ou installés là depuis longtemps, les Aïnou occupaient au Moyen Âge les îles de Hokkaido, de Sakhaline, des Kouriles et le sud du Kamtchatka. Assemblés en Kotan (villages), ils vivaient principalement de chasse, de pêche et de cueillette. Ils ont développé une culture originale. Soumis à la domination progressive du clan Matsumae, installé à Hokkaido depuis le xve siècle, et malgré de nombreuses révoltes comme celle de Shakushain en 1669, ils subirent l’exploitation des marchands japonais et les effets d’une pacification forcée.
Le gouvernement de Meiji, en adoptant en 1899 une « loi sur la protection des anciens aborigènes de Hokkaido », ne fit qu’accentuer le processus : loin de respecter les spécificités culturelles, cette loi, encore partiellement en vigueur, visait, comme son nom l’indique, à fondre la communauté aïnou dans la population nationale.
Les Aïnou des Kouriles du Nord ont ainsi été déportés à proximité de Hokkaido et contraints à pratiquer l’agriculture : ils ont aujourd’hui disparu. Quant à ceux de Sakhaline et des Kouriles du Sud, ils durent eux aussi quitter leurs îles pour Hokkaido à la fin de la Seconde Guerre mondiale.
Profondément atteinte par la mixité et l’acculturation, l’identité aïnou est devenue largement incantatoire, et la culture résiduelle utilisée à des fins touristiques. Malgré les efforts de l’association Utari qui les regroupe, les Aïnou les plus actifs ont dû attendre le 8 mai 1997 pour qu’une « loi sur la promotion de la culture aïnou » reconnaisse leur identité et abroge celle de 1899. Mais cette loi ne leur a pas accordé le statut de « peuple autochtone » (senju minzoku). En 1998, un jugement rendu pour l’île de Hokkaido a cependant reconnu les Aïnou comme peuple autochtone, interdisant désormais à Tokyo de prétendre qu’il n’existe pas de minorités au Japon.