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ABBASSIDES

Communauté religieuse chrétienne d'hommes ou de femmes, gouvernée par un abbé ou une abbesse. Lieux de vie religieuse, les abbayes ont eu aussi un rôle important dans la vie économique, intellectuelle et artistique de l'Occident. La plupart d'entre elles appartiennent à la famille bénédictine. Les premiers moines furent des anachorètes vivant en solitaires, à l'exemple de st Antoine le Grand († 356). Bien vite le cénobitisme, vie religieuse en commun, prit son essor : en 315, st Pakhôme fonda la première abbaye, Tabennèse, en Haute-Égypte. Elle fut suivie de beaucoup d'autres en Thébaïde, en Basse-Égypte, en Palestine et en Syrie. Pakhôme organisa la vie en communauté sur le principe d'une stricte obéissance au supérieur et les monastères qu'il fonda s'apparentaient à une villa romaine, capables de vivre presque entièrement en autarcie. St Basile fonda en 358 une communauté dans son domaine d'Annesie à partir de l'expérience de st Pakhôme, donnant le modèle de la vie monastique qui s'établit dans tout l'empire d'Orient puis jusqu'à nos jours, dans la chétienté gréco-orientale, puis russe. Ami de st Antoine dont il avait écrit la vie, puis exilé en Occident par les ariens, st Athanase y introduisit le monachisme. Vers 350, st Jérôme constitua à Rome une communauté féminine. En Gaule, st Martin, encouragé par st Hilaire de Poitiers, fonda Ligugé (363), puis Marmoutiers (372). En Afrique du Nord, st Augustin établissait des monastères à Thagaste puis à Hippone. Au début du Ve s., en 400, l'abbaye de Lérins fut fondée par st Honorat et, vers 415, Jean Cassien fondait St-Victor de Marseille pour les hommes et St-Sauveur pour les femmes. L'époque franque vit les fondations se multiplier, souvent d'origine royale. Le monachisme s'épanouit aussi en Irlande et, venu sur le continent, st Colomban fut le fondateur de nombreuses abbayes (en particulier Luxeuil) auxquelles il donna une règle austère. Cependant, le monachisme occidental avait une physionomie peu organisée et il revint à st Benoît de Nursie de le construire. Après une expérience érémitique, il fonda en 529 l'abbaye du Mont-Cassin ; par la synthèse des expériences monastiques antérieures, il élabora une règle, modérée et équilibrée, bâtie sur trois activités du moine : la prière, l'étude et le travail. À la tête de chaque abbaye, indépendante des autres mais en communion spirituelle avec elles, st Benoît mit un abbé, à la fois chef et père spirituel, élu à vie. D'Italie, le monachisme bénédictin passa en Angleterre (fondation de Canterbury en 597, de Westminster en 610). En Gaule, le monastère de Fleury, fondé en 651, accueillit les reliques de st Benoît vers 672 et prit le nom de Saint-Benoît-sur-Loire. La règle bénédictine s'imposa assez vite dans les monastères de règle irlandaise (v. COLOMBAN) ; en Germanie, les abbayes joueront un grand rôle dans l'évangélisation des peuples encore païens. Longtemps les abbayes ont eu, économiquement, l'organisation d'une villa gallo-romaine qui fit d'elles de véritables puissances foncières. À partir du IXe s., elles furent les seuls endroits où se conserva et se transmit le savoir, grâce à leurs écoles, leurs ateliers de copistes et leurs bibliothèques. En outre, elles ont assuré la garde des archives publiques et privées, la rédaction des annales locales, régionales et bientôt nationales. L'art de l'enluminure y prit son essor ainsi que le chant grégorien. Le grand âge du monachisme bénédictin s'étend de l'époque carolingienne au XIIe siècle. Très vite, les richesses des abbayes suscitèrent les convoitises des pouvoirs séculiers qui prétendirent disposer de leurs biens et s'immiscer dans la vie intérieure. Les souverains distribuèrent des abbayes pour s'attacher la fidélité des grands, clercs (évêques) ou seigneurs laïcs. La première réforme fut celle de st Benoît d'Aniane qui, chargé par Louis le Pieux de réformer les abbayes de l'Empire carolingien, tenta d'imposer une uniformité et un esprit de centralisation. Mais la plus grande réforme eut pour origine l'abbaye de Cluny, fondée en 910 par Guillaume le Pieux, duc d'Aquitaine, qui, relevant directement du pape, était indépendante des pouvoirs séculiers ou laïques. Sous la conduite d'abbés remarquables (Odon, Mayeul, Odilon, Hugues, Pierre le Vénérable), Cluny fut un grand foyer religieux et quelque 1 450 communautés en ont dépendu. L'abbé de Cluny devint l'un des personnages les plus puissants de la chrétienté. En raison du primat donné à la liturgie, les clunisiens jouèrent un grand rôle artistique (diffusion de l'art roman), mais leur rayonnement intellectuel fut assez réduit. Cluny souffrit à son tour des relâchements qui avaient motivé sa fondation. Ils suscitèrent une réaction que st Bernard exprima particulièrement à Cîteaux. La vie cistercienne se distingua de celle de Cluny par un retour à l'abstinence complète, à la pauvreté et au travail manuel. Les abbayes furent construites sur des sites préalablement défrichés. Les cisterciens cultivèrent eux-mêmes leurs terres, sans main-d'œuvre servile, mais ils ont accueilli parmi eux des religieux laïques, les frères convers, voués aux tâches matérielles. Cîteaux eut une expansion européenne plus grande que celle de Cluny : les abbayes nouvelles retrouvèrent une certaine autonomie, mais un chapitre général annuel les gouvernait et elles furent contrôlées par des visites canoniques. D'autres mouvements de réformes vigoureux se sont manifestés : les abbayes de Grandmont, de la Chartreuse, de Fontevrault, de Prémontré, témoignèrent de la vitalité du mouvement monachiste renouvelé. À partir du XIIIe s., la renaissance urbaine suscita les nouveaux ordres des Franciscains, fondés en 1209 par st François d'Assise, et des Dominicains, fondés en 1215 à Toulouse par st Dominique. Voulant mener leur apostolat dans le monde, ils ne vécurent pas cloîtrés mais furent présents au milieu des fidèles par la prédication, l'enseignement, la direction de conscience. La fin du Moyen Âge fut pour les monastères le début d'une décadence, aggravée par le système de la commende, légalisé par le concordat de Bologne et que le concile de Trente ne put abolir, qui permettait à un clerc ou à un séculier de percevoir les revenus attachés à une abbaye. Malgré des tentatives de réforme tendant à revenir à l'observance primitive, le mouvement monastique connut un déclin général, aggravé au XVIIIe s., et qui conduisit la commission des Réguliers, instituée en 1766, à supprimer plus de quatre cents abbayes et couvents. La Révolution porta le coup de grâce en supprimant les ordres religieux à vœux solennels, en relevant les religieux de leurs vœux et en les autorisant à quitter leur couvent (décret du 13 févr. 1790). Les abbayes se vidèrent et furent livrées au pillage. L'invasion de l'Europe par les troupes françaises et les sécularisations qui accompagnèrent la disparition du Saint Empire, étendirent la crise aux dimensions de l'Europe. Le renouveau vint au XIXe s. : en 1833 dom Guéranger releva l'abbaye de Solesmes, érigée ensuite en abbaye mère de la congrégation bénédictine de France. Le monachisme connut une nouvelle expansion sur tous les continents, en particulier en Amérique. Cependant, la crise des vocations survenue après la Seconde Guerre mondiale a porté une nouvelle atteinte au rayonnement d'un grand nombre d'abbayes qui ont aussi connu des difficultés économiques. Mais on peut observer que les abbayes vouées à la vie contemplative avec ses rigueurs ne sont pas celles qui, actuellement, attirent le moins de postulants.