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POPPER (vie et oeuvre)


Karl Popper est sans conteste l’une des figures les plus marquantes de l’épistémologie contemporaine. Il a renouvelé d’une manière décisive l’approche et la méthode des sciences expérimentales à un tel point qu’aucun homme de science ne peut, aujourd'hui, ignorer l’existence de son «critère de falsifiabilité».

VIE
Le philosophe
Karl Raimund Popper naît à Vienne en 1902 dans une famille juive convertie au protestantisme. Tandis qu'il fréquente assidûment l'Université de Vienne (suivant des cours de mathématiques, de littérature et de philosophie), il travaille comme apprenti auprès d'un maître ébéniste et s'occupe bénévolement d’enfants abandonnés. En 1928, il soutient sa thèse de doctorat en philosophie et commence à enseigner les mathématiques et la physique.

Le politique et l'épistémologue
En 1936, dans "Misère de l'historicisme", Popper s'en prend au marxisme, dans lequel il voit une pseudo-science. Puis, en 1937, conscient des visées expansionnistes de l'Allemagne nazie, il quitte l'Autriche et s'installe en Nouvelle-Zélande, où il enseignera jusqu'en 1945, date à laquelle il situe la pensée de Marx dans une tradition métaphysique favorisant le totalitarisme.
De 1949 à 1969 (année de son départ à la retraite), il occupe, à Londres, la chaire de logique de la prestigieuse London School of Economies. Il meurt en 1994.
OEUVRES
La première notoriété de Karl Popper est due à ses prises de position libérales, et il a consacré une bonne part de sa réflexion à la philosophie politique. Cependant, c’est son œuvre épistémologique qui fait de lui un penseur majeur du XXe siècle.
La Logique de la découverte scientifique (1934)
La question que se pose Popper, dans ce premier ouvrage, est de celles qui n'ont cessé de mobiliser les philosophes: existe-t-il un critère fiable permettant de distinguer une théorie qui est scientifique d'une théorie qui ne l’est pas? Comme l'a bien montré Hume dans son analyse de la causalité, une multitude de cas particuliers ne nous permet en aucun cas d'inférer une règle universelle. Le critère de démarcation capable d'établir la nature scientifique d'une théorie ne peut donc pas relever de la logique inductive. Il faut tester la théorie par une expérimentation: si elle ne résiste pas aux tests, on la dira «falsifiée», si elle passe les tests avec succès, on la dira provisoirement «corroborée».

Misère de l'historicisme (1945)
Séminaire de 1936 publié en 1943 et 1945, l'ouvrage dénonce les prétentions scientifiques du marxisme.

La société ouverte et ses ennemis (1945)
L’expression «société ouverte», empruntée à Bergson, correspond à une défense de la démocratie, réformable dans un esprit libéral par les effets de la discussion libre, et qui autorise chaque citoyen à se protéger de la tendance qu’a l’Etat à vouloir tout contrôler.

Conjectures et réfutations (1953)
La formulation d'une hypothèse scientifique est de l’ordre de la conjecture. Une hypothèse qui résiste aujourd'hui n'en est pas pour autant confirmée de manière définitive. Aucune théorie, même la plus parfaitement établie dans la communauté scientifique, n'est à l'abri d'une éventuelle réfutation ultérieure.

La Connaissance objective (1972)
Dans cet ouvrage, Popper plaide pour une théorie de la connaissance qui rompe définitivement avec le point de vue subjectiviste traditionnel du rationalisme de Descartes comme de l'empirisme de Hume. Contre l'obsession du fondement, à laquelle la plupart des philosophes ont succombé, Popper prend le parti du sens commun, spontanément réaliste. Une connaissance fidèle à la réalité et indépendante du sujet connaissant, telle est la «connaissance objective».

SON TEMPS
Le positivisme logique
Courant de pensée qui veut soumettre la certitude scientifique à la seule observation des phénomènes, le positivisme logique entend éliminer la métaphysique. Il est convaincu — comme tout empirisme — que la connaissance se construit toujours à partir d'expériences sensorielles. C'est du moins ce qu'affirment les philosophes du Cercle de Vienne: Ernst Mach (1838-1916), Franz Brentano (1838-1917), Ludwig Wittgenstein (1889-1851) et Rudolph Carnap (1891-1970).

Le rationalisme critique
Dès ses premiers travaux, Popper s'oppose au Cercle de Vienne (il sera même très hostile à Wittgenstein). De son point de vue, la métaphysique n’a pas à être supprimée. C'est au contraire en s'appuyant sur des intuitions métaphysiques que peuvent apparaître les découvertes scientifiques à l’occasion de conjectures audacieuses. De plus, pour Popper, «l'induction, à savoir une inférence fondée sur la multiplicité des observations, est un mythe» ["Conjectures et réfutations").

APPORTS
Dans une époque où tous les grands systèmes semblent s’être effondrés, le rationalisme critique de Popper est considéré par certains comme une «relève» intellectuelle plausible permettant de penser à nouveau le problème de la vérité.

Le critère de falsifiabilité. Le problème épistémologique central est, pour Popper, le problème de la démarcation entre science et non-science. Le caractère distinctif d'une théorie scientifique n'est pas sa vérifiabilité, mais au contraire sa falsifiabilité, c'est- à-dire la possibilité de voir l’expérimentation la démentir. Une théorie qui a résisté victorieusement aux contrôles qui auraient pu la réfuter est confirmée; mais cela ne signifie pas qu'elle soit vérifiée. Il en résulte qu'une explication «irréfutable» n’est pas vraie, qu’elle est non scientifique: c'est une explication qui refuse de s'exposer au démenti expérimental. Tel serait le cas, selon Popper, du marxisme et de la psychanalyse.

Le rationalisme critique. L'expression désigne l’attitude antidogmatique de Popper, qui se demande à quelles conditions les hommes peuvent accroître leur savoir, sachant qu'aucun critère du vrai ne leur est donné a priori. L’essentiel de la réponse consiste à montrer que l’erreur a un rôle moteur dans la sélection des hypothèses et que la faillibilité humaine est un encouragement à la communication et à la confrontation des points de vue.

Actualité / postérité. «Sir Karl», comme on l'appelait parfois respectueusement, n’a pas fini de nous instruire des mérites du rationalisme critique. En effet, il a montré la concordance entre la logique «libérale» de la science, qui accepte la concurrence de toutes les théories et les sociétés «ouvertes» - les sociétés «closes» reposant au contraire sur des explications totalisantes du monde. Avec lui, la réflexion épistémologique débouche sur une éthique de la vérité propre aux sociétés démocratiques.

Épistémologie
Discipline qui prend la science pour objet et qui s'efforce de regrouper: 1) la critique de la connaissance scientifique; 2) la philosophie des sciences; 3) l'histoire des sciences. Dans la philosophie anglo-saxonne, épistémologie est synonyme de «théorie de la connaissance» et Karl Popper justifie cette acception en faisant remarquer l'étroite connexion des deux disciplines.
Falsifiabilité
Néologisme construit sur l’anglais "falsifiability", de "to falsify", «prouver la fausseté».
Induction
Construction de la connaissance par généralisation à partir de l'observation expérimentale de faits isolés.



[…] K. Popper : une théorie n’est scientifique que si elle énonce les conditions de sa réfutabilité (= que si elle est falsifiable). […]

[…] prend vivement au néo-positivisme scientiste (représenté notamment par Karl Popper) qui réserve le label scientifique aux mathématiques et aux sciences de la nature et […]