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QUESTION NOIRE (États-Unis)

QUESTION NOIRE (États-Unis) En 1944, à la suite d’une commande, le sociologue suédois Gunnar Myrdal (1898-1987) publie Le Dilemme noir qui fait le point sur la situation des Noirs aux États-Unis. À cette époque subsiste une ségrégation féroce dans les États du Sud, alors que les Noirs venus travailler dans les usines du Nord et de l’Ouest commencent à manifester pour leurs droits. Cette contradiction est apparue dès la fin du xixe siècle. Alors que la Constitution des États-Unis avait fait des Noirs des citoyens, en 1865, ceux-ci avaient été exclus du vote et soumis aux règles étroites de la ségrégation : aucun mélange racial, aucune promiscuité dans les lieux publics. Les leaders noirs ont prôné soit la soumission en préparant des jours meilleurs, comme Booker T. Washington (1856-1915), soit la revendication de tous leurs droits, sans réel effet, sinon la formation de la NAACP (National Association for the Advancement of Colored People) en 1909. Les deux guerres mondiales apportent toutefois des changements : les Noirs qui habitaient à 90 % dans le Sud ont commencé à migrer vers le Nord à partir de 1915, puis ont participé, à une place secondaire mais réelle, à la Première Guerre mondiale, ce qui n’est pas sans expliquer une résurgence du Ku Klux Klan (KKK). Au cours du second conflit mondial, l’emploi, qui avait souffert de la crise de 1929, s’améliore, et la guerre donne ainsi aux Noirs une possibilité de promotion. En 1948, le président Harry Truman (1945-1953) ordonne la déségrégation de l’armée. Toutefois, ce n’est qu’en 1954 que la Cour suprême condamne la ségrégation scolaire, mettant à bas tout l’édifice. Des droits civiques au « Black Power ». Les Noirs qui ont activement participé à cette décision poursuivent la tâche. À partir de 1960, la lutte pour les droits civiques, avec pour leader Martin Luther King, va aboutir au démantèlement total de la ségrégation dans le Sud et à l’affirmation de l’égalité des droits. Dans le même temps, des Noirs du Sud protestent contre le racisme et leur condition inférieure et prônent la lutte violente, à l’instar de Malcolm X. En dépit des mesures sociales prises par l’administration de Lyndon B. Johnson (1963-1969), les améliorations sont lentes et incomplètes ; des émeutes raciales éclatent à partir de 1965 dans les grandes villes. Le mouvement noir se radicalise, alors que M. L. King, qui aurait pu incarner une autre voie, est assassiné en 1968. La revendication du Black Power (pouvoir noir) rappelle la campagne de Marcus Garvey dans les années 1920 : les Noirs doivent compter sur leurs seules forces et s’opposer par tous les moyens au racisme blanc. Le parti des Panthères noires (Black Panther Party) adopte des positions révolutionnaires, mais subit, dans les années 1970, une vigoureuse répression policière. L’intégration pacifique n’aboutit qu’à des résultats partiels. M. L. King, avant sa mort, avait commencé à douter de ceux-ci, mais la violence et la séparation des Noirs du reste de la société sont impossibles. Si la condition des Noirs - qui choisissent dans les années 1970 de s’appeler Africains-Américains - s’améliore dans le Sud, où ils sont environ 40 % (accession aux emplois, élections de maires, etc.), la situation est plus complexe dans le reste du pays. Les mesures prises pour compenser le handicap racial, l’affirmative action (discrimination positive), ont permis de former des cadres noirs qui trouvent de l’emploi au gouvernement fédéral comme dans les entreprises et ont abouti à l’émergence d’une classe moyenne noire, comme à celle de politiciens africains-américains : des villes comme Chicago, New York, San Francisco, auront eu des maires noirs avant la fin du siècle. En revanche, un tiers des Noirs des villes sont restés englués dans la pauvreté, la violence et la drogue, restant à l’écart des progrès éducatifs et sociaux. Il n’y a plus d’organisation militante pour toute la communauté, ce qui explique le renouveau de la Nation de l’islam (Nation of Islam) dirigée par Louis Farrakhan (1933-), radicale et marginale, mais seule à offrir un projet qui paraît riche de promesses à certains. Inégalités sociales et racisme persistants. En une trentaine d’années, les progrès accomplis par les Africains-Américains, qui représentent 12 % de la population des États-Unis, ont été considérables. La ségrégation a disparu totalement et de plus en plus de Noirs font des études supérieures et accèdent à des postes de responsabilité. Pourtant, la lutte contre la pauvreté n’est pas venue à bout des conditions inacceptables et le racisme n’a pas disparu : des églises noires ont brûlé dans le Sud en 1996, et certains Africains-Américains continuent à penser que toutes leurs difficultés sont voulues par les Blancs ; ils se révoltent contre la concurrence des immigrants récents, comme l’ont montré à New York et à Los Angeles, dans les années 1990, les violences contre les commerçants coréens. D’ailleurs, la revendication de la suppression d’une affirmative action qui ne servirait plus à rien a progressé dans l’opinion. La croissance économique durable enregistrée à compter de 1992 est pourtant parvenue à créer des emplois bénéficiant à certains habitants des quartiers les plus défavorisés. Le dilemme noir a sensiblement évolué, mais il subsistait encore au tournant du siècle.

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