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Vous ferez de ce texte un commentaire composé, que vous organiserez de façon à mettre en lumière l'intérêt qu'il vous inspire. Vous pourriez étudier par exemple tous les éléments (émotions, sensations, souvenirs...) qui contribuent à faire naître des sentiments complexes dans l'âme du jeune homme. Ces indications ne sont pas contraignantes et vous avez toute latitude pour orienter votre lecture à votre gré. Vous vous abstiendrez seulement de présenter un commentaire linéaire ou une div

Publié le 21/02/2011

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lecture

Fabrice del Dongo de retour en Italie dans sa famille, à Grianta, après avoir participé à la bataille de Waterloo, vient de passer la nuit chez le vieil abbé Blanès son ami, au haut du clocher de l'église. A son réveil, il assiste aux préparatifs d'une fête donnée en l'honneur de saint Giovita, patron du village. Fabrice chercha un endroit convenable pour voir sans être vu ; il s'aperçut que de cette grande hauteur, son regard plongeait sur les jardins, et même sur la cour intérieure du château de son père. Il l'avait oublié. L'idée de ce père arrivant aux bornes de la vie changeait tous ses sentiments. Il distinguait jusqu'aux moineaux qui cherchaient quelques miettes de pain sur le grand balcon de la salle à manger. Ce sont les descendants de ceux qu'autrefois j'avais apprivoisés, se dit-il. Ce balcon, comme tous les autres balcons du palais, était chargé d'un grand nombre d'orangers dans des vases de terre plus ou moins grands : cette vue l'attendrit ; l'aspect de cette cour intérieure, ainsi ornée avec ses ombres bien tranchées et marquées par un soleil éclatant, était vraiment grandiose. L'affaiblissement de son père lui revenait à l'esprit. Mais c'est vraiment singulier, se disait-il, mon père n'a que trente-cinq ans de plus que moi ; trente-cinq et vingt-trois ne font que cinquante-huit I Ses yeux, fixés sur les fenêtres de la chambre de cet homme sévère et qui ne l'avait jamais aimé, se remplirent de larmes. Il frémit, et un froid soudain courut dans ses veines lorsqu'il crut reconnaître son père traversant une terrasse garnie d'orangers, qui se trouvait de plein-pied avec sa chambre ; mais ce n'était qu'un valet de chambre. Tout à fait sous le clocher, une quantité de jeunes filles vêtues de blanc et divisées en différentes troupes étaient occupées à tracer des dessins avec des fleurs rouges, bleues et jaunes sur le sol des rues où devait passer la procession. Mais il y avait un spectacle qui parlait plus vivement à l'âme de Fabrice : du clocher, ses regards plongeaient sur les deux branches du lac à une distance de plusieurs lieues, et cette vue sublime lui fit bientôt oublier toutes les autres ; elle réveillait chez lui les sentiments les plus élevés. Tous les souvenirs de son enfance vinrent en foule assiéger sa pensée ; et cette journée passée en prison dans un clocher fut peut-être l'une des plus heureuses de sa vie.

Stendhal, La Chartreuse de Parme.

Fabrice est ici perché dans le haut d'un clocher ; on verra qu'il y trouve une forme de bonheur. On pensera à la similitude de sa position avec le moment où il sera enfermé dans la tour Farnèse, profitant d'une vue sublime et des apparitions de Clélia. On se réfèrera aux analyses de J.-P. Richard sur Stendhal : « C'est en termes d'espace, vertical ou horizontal, que se traduisent les valeurs stendhaliennes ... Cet univers où les âmes se distinguent les unes des autres par leur plus ou moins grande puissance d'exaltation, qui ne connaît de plus ignoble défaut que la bassesse, ni de plus belle vertu que la hauteur du caractère, ce monde s'oriente selon des lignes de force nettement ascensionnelles. Loin du « réel plat et fangeux «, on s'y lance vers la griserie des « espaces imaginaires «.

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« 3.

Le bonheur romantique de la communion de l'âme avec la nature.La fin du passage marque donc une gradation dans le bonheur de Fabrice.

Le spectacle est qualifié de « sublime »,adjectif qui rend bien l'exaltation du personnage.

Les termes qui indiquent l'influence du paysage sur Fabrice nemanquent pas (« parlait plus vivement ...

lui fit oublier ...

réveillait chez lui les sentiments les plus élevés ...

tous lessouvenirs vinrent assiéger »), et le rapport entre l'âme et la nature est nettement rendu (la vue conduit aux «sentiments les plus élevés »).

Il faut bien noter toutefois que le bonheur que procure le paysage n'exclut pas icid'autres considérations. II.

Un regard sur la vie. 1.

La solitude d'un exclu.• Il est nécessaire de considérer la situation de Fabrice dans ce texte.

Après avoir participé à la bataille deWaterloo, il est suspect pour avoir « montré de l'enthousiasme pour Napoléon ».

Aussi, il lui faut « voir sans être vu», voir son domaine et les siens sans en approcher.

Et même si son regard « plonge » sur le château, même s'ildistingue les moineaux sur le balcon, sa vision n'est pas très nette, puisqu'il confond son père et un valet dechambre.

Et si sa solitude est source de bonheur, elle conduit aussi à une certaine nostalgie.• En effet, le retour en arrière est lié à des sentiments complexes.

Fabrice se reporte plusieurs fois vers son passé(« il l'avait oublié ...

les moineaux sont rapprochés de ceux de son enfance ...

« cette vue l'attendrit » « tous lessouvenirs de son enfance vinrent en foule »), il le considère avec plaisir, comme à la fin du texte, mais «l'attendrissement » qu'il ressent est peut-être le résultat de la conscience de la disparition de son enfance. 2.

La nostalgie de la fuite du temps.Elle est sensible surtout dans les réflexions que suscite le vieillissement .

de son père.

On peut noter que la rêveriene prend pas pour point de départ un quelconque amour pour celui-ci.

Les sentiments de Fabrice sont nets à l'égardde cet homme dont on sait que Stendhal suggère qu'il n'est pas le père du cadet des del Dongo (« ce père ...

cethomme sévère et qui ne l'avait jamais aimé »).

Et cependant, dès le début du passage, on voit le héros avoir uneattitude assez étonnante : « L'idée de ce père arrivant aux bornes de la vie changeait tous ses sentiments.

» C'estque, de façon générale, cet « affaiblissement » de son père souligne la fragilité de toute destinée, comme l'indiqueaussi le compte des années auquel se livre Fabrice.

Cette idée devient si forte en lui qu'il en arrive à un pointd'émotion extrême (« ses yeux ...

se remplirent de larmes.

Il frémit, et un froid soudain...

»).

On peut se demandersi ces larmes, ce froid, ne sont pas liés à la pensée sous-jacente de la mort.Il faut noter toutefois que cette nostalgie, assez puissante dans le texte, n'efface pas le bonheur ressenti, quisurgit à nouveau dans les dernières lignes. CONCLUSION La perspective de Fabrice, du haut de son clocher, est donc aussi bien temporelle que spatiale.

Il domine et lepaysage, et sa vie entière (et même, à quelques lignes de là, le passé, le présent, l'avenir, qu'éclaire-ront lesprophéties de l'abbé Blanès).

Les sentiments que cette situation suscite en lui sont complexes, tous sont liéscependant à une recherche du bonheur, même cette nostalgie de la fuite du temps qui n'en est que l'envers.

Onreste ici sur l'impression d'un émerveillement devant la beauté du monde, en dépit de tout, et c'est un de cesinstants heureux de la Chartreuse qui illuminent cette oeuvre composite.. »

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