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Vivre dans la nature, est-ce vivre en liberté ?

Publié le 27/02/2004

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Cette personne qui détient la souveraineté peut être un individu, une assemblée ou la totalité du peuple. Quant Hobbes dit que la souveraineté ne peut pas être divisé et doit être détenue par une « personne unique », il envisage ces trois situations (un seul, une assemblée, la totalité du peuple). Le fait que ses préférences aillent à la monarchie dont le roi détient effectivement le pouvoir (qui s'oppose à la monarchie parlementaire où le parlement détient une part de la souveraineté) ne l'empêche pas de penser que, dans les trois cas, la souveraineté doit être quasi absolue et indivisible. Enfin, dans l'exposé qui précède, nous avons parlé de l'Angleterre, alors qu'en toute rigueur, il aurait fallu parler du Royaume-Uni. Nous avons suivi en cela, et continuerons à suivre, l'usage populaire. A strictement parler, le mot Grande-Bretagne convient mieux parce qu'en 1603, Jacques VI Stuart, roi d'Écosse, devient Jacques I er d'Angleterre. Même s'il faudra attendre 1707 pour qu'ait lieu la fusion des couronnes, on date de 1603 le début du Royaume-Uni. Si l'on devait résumer en une seule phrase l'oeuvre politique de Hobbes, la phrase étudiée ici, qui figure au chapitre 13 du « Léviathan », est certainement celle qui conviendrait le mieux : « Il apparaît clairement par là qu'aussi longtemps que les hommes vivent sans un pouvoir commun qui les tient en respect, ils sont dans cette condition qui se nomme guerre, et cette guerre est la guerre de chacun contre chacun. » Les éléments fondamentaux sont mis en place : * parce que l'homme est poussé par un insatiable appétit de domination et qu'il cherche aussi à se protéger contre les agressions d'autrui par des actions préventives, la situation (« état de nature ») qui précède la vie en société se ramène à une guerre perpétuelle ; * la paix entre les hommes ne peut être obtenue que si tout le monde se soumet à une autorité (« un pouvoir commun ») qui contraint (« les tient en respect ») les hommes à ne plus attenter à la vie d'autrui. Le passage de l'état de nature à la société se présente comme le remplacement d'une crainte par une autre.

« soumettre à une autorité commune qu'ils ont eux-mêmes créée. Un auteur partisan du droit divin, Ramsay (1686-1743), décrit les principes de ses adversaires et les points sur lesquels portent le désaccord des deux courants : « Rien n'est plus faux que cette idée des amateurs d'indépendance que toute autorité réside originairement dans lepeuple, et qu'elle vient de la cession que chacun fait, à un ou plusieurs magistrats de son droit inhérent à se gouvernersoi-même.

Cette idée n'est fondée que sur la fausse supposition que chaque homme est né pour soi, hors de toutesociété, est le seul objet de ses soins et sa règle à lui-même ; qu'il naît absolument son maître, et libre de se gouvernercomme il veut. » Ce qu'admet l'école du droit naturel, et que rejettent les partisans du droit divin, ce sont toutes les conséquences de« L'homme est né libre » : chaque homme étant libre et indépendant des autres, mu par son propre intérêt, toute autorités'exerçant sur un groupe d'hommes a été créée par eux volontairement, et donc le pouvoir réside originairement enchacun de nous ; dans le peuple.

On retrouve ici les fondements de notre démocratie. Mais reste à expliquer comment il peut se faire que, naturellement libre, l'homme soit « partout dans les fers ».

Rousseau poursuit : « Comment ce changement s'est-il fait ? Je l'ignore.

Qu'est-ce qui peut le rendre légitime ? Je crois pouvoir résoudre cette question.

» L'effort théorique de Rousseau et de ses prédécesseurs ne consiste pas à rechercher comment, historiquement, les hommes ont pu devenir esclaves ou asservis.

La question n'est pas une question de fait à trancher rationnellement ;qu'est-ce qu'une autorité légitime ? Qu'a-t-on le droit d'exiger de moi ? Si je suis naturellement libre, à qui ai-je promisd'obéir, dans quel but, dans quelle limite ? Si l'on arrive à ce paradoxe d'un homme libre vivant dans les fers, si l'on voit un ordre social injuste, ou des guerresciviles, c'est que les fondements politiques ne sont pas assurés, c'est qu'on a construit des Etats sur du sable ou de laboue.

On ne peut donc s'appuyer sur la pratique des hommes pour savoir quelle est la forme légitime de l'Etat, carcomme le déclare Hobbes dans le « Léviathan », un siècle avent le « Contrat social » : « De toute manière, un argument tiré de la pratique des hommes est sans valeur [...] En effet, même si en tous les endroitsdu monde les hommes établissaient sur le sable les fondations de leurs maisons, on ne pourrait inférer de là qu'il doit enêtre ainsi.

L'art d'établir et de maintenir les républiques repose, comme l'arithmétique et la géométrie, sur des règlesdéterminées ; et non comme le jeu de paume sur la seule pratique. » Il s'agit de droit et non de fait. En réalité, ce que tentent Hobbes puis Locke et Rousseau dans l'ordre de la politique, est semblable à ce qu'a tenté Descartes dans l'ordre de la métaphysique : jeter les fondements d'une science, quitte à contester toute la tradition, et à récuser l'histoire. « L'homme est né libre et partout il est dans les fers », ce paradoxe exige que l'on sache comment le passage de la liberté naturelle à l'obéissance politique est légitime.

Résoudre ce problème consiste à discerner ce que veut vraimentl'homme, en vivant en société, qu'il en ait clairement conscience ou pas.

Il faut déterminer pourquoi nous, qui avonsnaturellement le droit de décider de nos propres actions, acceptons d'obéir à des lois communes, à un pouvoir commun. Or, déclare Rousseau : « Les philosophes qui ont examiné les fondements de la société ont tous senti la nécessité de remonter jusqu'à l'état de nature .

» Qu'est-ce que cet état ? C'est un outil théorique destiné à répondre à la question : « que voulons-nous vraiment en vivant en société ? ».

C'est un état fictif, une construction intellectuelle, et non un état historique.

On tente de déterminer comment les hommes vivraient s'ils disposaient de leur liberté naturelle, en l'absence de tout pouvoir commun.

On essaie de sereprésenter ce que seraient les hommes si les principes admis par l'école du droit naturel pouvaient s'incarner dans unétat de l'humanité.

Une fois décrit cet état, on pourra comprendre ce qui aurait pu pousser les hommes à en sortir, c'est-à-dire les motivations réelles qui nous poussent à vivre ensemble sous un pouvoir commun. Il s'agit de décrire les hommes comme s'ils sortaient des mains de la nature, c'est-à-dire n'ayant jamais été soumis auxnormes sociales et politiques, bref les hommes effectivement libres, pour savoir ce qui les pousse à créer une société, unEtat, des lois auxquelles ils se soumettent.

Il s'agit de décrire ce que chacun abandonne de son droit naturel de se. »

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