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Une civilisation peut-elle être porteuse de valeurs valables pour tous ?

Publié le 22/02/2012

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Nous pouvons souvent être effrayés, au cour d'un voyage ou à la lecture d'un récit, par les moeurs et les pratiques de telle ou telle culture. Très éloignées des nôtres, elles nous apparaissent souvent comme des conduites barbares. Cette réprobation peut facilement entraîner la volonté de fixer des valeurs universelles, qui permettraient de juger toutes les actions rencontrées. Mais comme le dit Lévi-Strauss, le barbare est souvent celui qui emploie ce terme pour désigner les autres, et qui est incapable de supporter leur différence. Tenir compte des diversités culturelles semble donc rendre impossible d'établir des valeurs qui s'appliqueraient à tous de la même manière. Pourtant, s'il paraît nécessaire d'envisager et d'accepter d'autres manières d'agir que les nôtres, cela empêche-t-il de pouvoir porter un jugement sur celles-ci ? Ne peut-on se demander quelles en sont les conséquences, par delà le temps et l'espace, pour les hommes qui les subissent ? Mais il reste à savoir comment il est possible d'établir de tels jugements, sans prétendre donner des leçons à autrui, et sans vouloir imposer ses propres choix.

« matériel que spirituel, que dans une gestion qui accorderait à tous une liberté d'entreprendre sans entrave.

Leprogrès, aussi bien dans le domaine technique que dans celui de la connaissance, serait tributaire d'une économie àla fois efficace et tolérante.

Et ce progrès serait la base indispensable sur laquelle s'appuierait le développementd'une conscience démocratique pour les individus.

Mais la conséquence de cette vision des choses n'est-elle pasune uniformité des modes de vie, ainsi qu'une pensée unique ? Il deviendrait nécessaire de s'acheminer vers unesociété d'abondance, où le souci essentiel de chacun serait de consommer.

Les règles de compétitivité du systèmecapitaliste conduirait à une concentration des entreprises, où les plus puissantes supprimeraient la concurrence etqui finiraient par imposer des produits identiques partout.

De même, une seule finalité prévaudrait, qui reviendrait àune recherche de profit maximum.

N'est-ce pas le tableau que, déjà, Marx nous dresse dans les Manuscrits de 1844,lorsqu'il parle de l'argent qui, en tant que valeur unique, vient se substituer aux qualités et aux différences entre lesindividus ? N'est-ce pas l'économie qui a permis l'essor des villes, au détriment des campagnes, avec les variétés demoeurs et de paysages qui y subsistaient ? N'est-ce pas la vocation de l'économie libérale, que de déboucher sur lamondialisation, où tout serait identique dans notre monde, et qui était déjà à l'origine d'une attitude impérialiste ?B.

L'absence de tolérance liée à l'ethnocentrisme Ce nivellement des différences culturelles, s'il est conduit par une pensée essentiellement économique, prend toutefois ses racines dans une conception plus proprement humaineencore.

C'est qu'il existe en chacun de nous, et pour chaque culture, cette tendance narcissique à voir en soi lemeilleur modèle de comportement, et cela avec les meilleures intentions du monde.

Nous voulons ce qui est le mieux,pour nous comme pour les autres.

Mais nous ne pouvons envisager que ce qui est considéré comme le mieux pournous ne l'est pas pour autrui.

Cette tendance à prendre sa culture ou sa civilisation comme modèle, c'est ce quis'appelle l'ethnocentrisme.

Nous cherchons à retrouver la même chose chez les autres que chez nous, et si ce n'estpas le cas nous avons de fortes chances de mépriser ces différences de conduite.

Ainsi, pour nous Occidentaux, ilnous paraît évident, pour reprendre quelques exemples évoqués en chemin, que le cannibalisme ne peut qu'être lefait de peuples barbares.

Il nous paraît évident que la démocratie soit le modèle de gouvernement à diffuser partout,où que l'économie capitaliste est la plus souhaitable.

L'idée même que la raison soit une valeur universelle, qui seretrouve en chaque homme, nous paraît aller de soi.

Mais ainsi, nous sommes conduits à des comportementsintolérants et même totalitaires.

Nous en voyons facilement des exemples dans la vision des Grecs, et chez unphilosophe aussi éminent qu'Aristote, pour qui l'homme se caractérise en effet par ses capacités de raisonner et deparler.

Mais cette définition unilatérale de l'être humain entraîne l'idée que les autres, qui ne la partagent pasforcément, sont des barbares.

Ils sont même relégués à un statut d'êtres humains inférieurs, et leur absenced'autonomie justifierait leur esclavage.

Cette intolérance n'est pas isolée, et se retrouve dans l'« esprit des Lumières», où là aussi l'homme se définit avant tout par ses capacités de raison et de progrès, et qui ne peut que considérerinférieur ce qui en serait privé, au moins provisoirement, comme les enfants, les femmes ( ! ), les fous ou encore lespeuples non industrialisés (« sous-développés » étant le terme en usage pendant un certain temps).

En définitive,peu importe le contenu de ces définitions.

Ce qui est préjudiciable, c'est leur prétention à l'unicité, qui ne peutqu'établir des hiérarchies face à un modèle fixe et rigide qui, plus il sera consolidé ainsi, plus il conduira àl'intolérance.

Ce sont les nazis, avec leur conception de l'homme en tant que race supérieure aryenne, qui ont été leplus loin dans ce sens, avec le résultat que l'on sait.[Transition]Nous voyons donc que s'il existe des obstacles pour qu'une culture soit porteuse de valeurs universelles, cesobstacles viennent autant de ce qui définit une culture que de ce qui correspond à une valeur universelle.

Aveccette dernière, nous aboutissons au résultat inverse du précédent qui, lui, favorisait trop le relativisme desdifférences.

Ici, le risque tient au fait de tout rendre identique, et pareil à soi-même.

L'Autre ne peut être considéré,ni même envisagé, et il doit disparaître d'une façon ou d'une autre, en se pliant à ce qui nous est connu.

Une valeuruniverselle vient écraser la singularité de chacun, au nom de l'excellence.

Cela veut-il dire que, d'une façon ou d'uneautre, cultures et valeurs universelles sont irrémédiablement irréconciliables ?3.

La nécessité et la possibilité de juger les culturesA.

L'aspect non viable et inhumain de certaines pratiques Nous ne pouvons nous résoudre à abandonner la possibilité de juger ce qui se fait dans telle ou telle culture, car cela laisserait la porte ouverte aux conduites les plusinhumaines.

Mais alors, comment juger les autres sans tomber dans un modèle de comportement unique et intolérant? Rousseau nous offre une solution dans son oeuvre, et en particulier dans son Essai sur l'origine et les fondementsde l'inégalité parmi les hommes.

Dans ce texte, il établit une critique sévère, non d'une société, mais de toutes lessociétés.

Vivre avec autrui, c'est en effet être obligé de privilégier le paraître sur l'être.

Nous ne vivons plus enfonction de nous-mêmes, mais en fonction du regard que les autres peuvent porter sur nous.

De même, cettecomparaison incessante conduit à une compétition où chacun cherche à se différencier d'autrui, et à le surpasser,ce qui creuse les inégalités.

Toutefois, ce jugement porté sur les sociétés ne prend pas modèle sur des faitsexistants.

Ce qui permet à Rousseau de se dégager ainsi d'une vision culturelle, dans un temps et un espacedonnés, qui se prendrait pour le modèle de l'humanité : c'est la fiction d'un état de nature.

Il s'agit de sortir de laréalité historique, pour envisager ce qui devrait être, indépendamment du temps et de l'espace.

De cette manière, iléchappe à une vision trop particulière et relative, qui voudrait s'ériger en règle universelle.

L'idée de l'état de nature,chez Rousseau, est le modèle théorique qui permet de juger les cultures.

Car nous y trouvons une égalité, uneindépendance et une sensibilité qu'il faudrait retrouver en chaque société.

L'homme doit progresser dans sa raison(ce qui en fait nécessairement un être culturel), mais il doit orienter cette raison par une sensibilité naturelle qui està l'origine, notamment, de ce sentiment de pitié qui nous incite à partager ce que l'autre éprouve.

L'idée, c'est desortir de notre volonté particulière, pour permettre un régime politique viable où prédomine la volonté générale,c'est-à-dire le souci de tous avant le sien propre.B.

La morale qui est en nous La force de la position de Rousseau, c'est qu'il ne nous demande jamais de juger une culture au nom de valeurs qui lui seraient extérieures.

Il ne s'agit pas, par exemple, de rêver d'un passéparadisiaque, où l'homme aurait vécu à l'état de nature, et que la société aurait dégradé par la suite.

Ce que montreRousseau, c'est au contraire que le développement de la culture est inévitable chez l'homme, cet être de langage.. »

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