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Un "nouveau concept stratégique" flou et rétréci

Publié le 17/01/2022

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23 mars 1999 Le dernier concept stratégique - le texte qui définit les fonctions et les méthodes de l'OTAN - date de 1991. L'organisation atlantique prenait acte alors des transformations produites par la chute du mur de Berlin et l'abandon du communisme dans les Etats d'Europe centrale et orientale. Mais elle s'était réunie à Rome avant que l'URSS ne cesse d'exister. C'était une époque où certains, y compris dans les pays occidentaux, se demandaient si une alliance créée pour faire à une menace disparue avait encore une raison d'être. L'OTAN avait pour mission principale d'assurer la défense collective de ses membres, l'article 5 du traité de Washington de 1949 faisant obligation à chaque membre de considérer toute menace contre l'un de ses alliés comme une menace contre lui-même. Cette mission demeure, mais elle n'a pas la même importance que pendant la guerre froide. En même temps, l'Alliance assume depuis le début des années 90 d'autres missions, liées au maintien de la paix - comme en Bosnie - ou au rétablissement de la paix - comme au Kosovo. Ce qu'à l'OTAN on appelle "les missions non article 5". Le nouveau concept stratégique que les chefs d'Etat et de gouvernement doivent adopter lors du sommet de Washington se propose de définir ces nouvelles tâches et leur mise en oeuvre. Au cours des travaux préparatoires, les discussions ont porté sur cinq points : . L'équilibre entre les "missions article 5" et "non article 5". Certains Etats membres craignaient que l'accent mis sur les opérations de maintien ou de rétablissement de la paix fasse perdre de vue l'objectif premier de l'Alliance : la défense contre une menace extérieure ; . La légitimité des actions de l'Alliance. Pour des actions militaires engagées au titre de l'article 5, la question ne se pose pas : il s'agirait de cas de légitime défense prévus par la Charte des Nations unies. Mais elle se pose pour les missions non article 5. Lors du sommet de janvier 1994, les Seize s'étaient entendus pour placer l'action de l'OTAN "sous l'autorité du Conseil de sécurité des Nations unies". Dans le nouveau concept stratégique, les Etats-Unis voulaient introduire une formule moins contraignante, permettant à l'OTAN de se passer d'un mandat formel de l'ONU, pour ne pas être tributaire d'un éventuel veto russe ou chinois. La résolution du Conseil de sécurité aurait été la règle, mais des exceptions auraient été énumérées, comme le risque d'une "catastrophe humanitaire majeure". Plusieurs pays européens, dont la France, se sont opposés à cette formule. Sans nier la possibilité d'agir sans mandat formel de l'ONU, ils estimaient superflu et dangereux de mettre noir sur blanc les exceptions. Pour éviter des controverses, tout le monde devrait accepter de s'en tenir à la formulation de 1994. . L'extension géographique de l'OTAN. Il s'agit de la possibilité pour l'organisation d'agir en dehors des frontières de ses membres quand la sécurité ou la stabilité sont en jeu. Elle l'a fait en Bosnie en 1995. Jusqu'où peut-elle aller ? Tout en se défendant de vouloir transformer l'OTAN en gendarme du monde, les Etats-Unis soutenaient une conception extensive des responsabilités géographiques de l'OTAN, qui aurait permis d'invoquer la solidarité atlantique sur des théâtres d'opérations éloignés de l'Europe. La formule retenue devrait être plus modeste et suffisamment vague. . Les nouvelles menaces. Là encore, les Américains étaient partisans d'une conception très large, englobant aussi bien la drogue, la criminalité organisée que le terrorisme ou les armes de destruction massive. Les Européens se sont méfiés de cette propension à faire de l'OTAN une organisation compétente sur tous les sujets et tous les continents. Les Dix- neuf devraient décider la création d'un bureau d'information sur les armes de destruction massive, placé auprès du secrétariat général de l'OTAN. Cette structure légère - pas plus d'une dizaine de personnes - coordonnera les échanges sur les problèmes de lutte contre la prolifération mais ne sera pas compétente pour définir une politique qui s'imposerait à tous. . L'Identité européenne de défense et de sécurité. Le nouveau concept stratégique devrait faire une place à l' "européanisation de l'OTAN" (lire ci-dessous). Fruit de nombreux compromis, le nouveau concept stratégique risque de donner raison à Tom Lippman, éditorialiste de politique étrangère au Washington Post : "Une seule chose est sûre, dit-il, c'est que le nouveau concept stratégique sera incompréhensible." DANIEL VERNET Le Monde du 23 avril 1999

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