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Tout comprendre, est-ce tout pardonner ?

Publié le 09/01/2004

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Nul ne fait le mal pour le mal, mais parce qu'il le prend pour un bien, parce qu'il en attend un bien. Nul n'est méchant volontairement.   C'est dans le « Gorgias » de Platon que l'on trouve exposé le paradoxe socratique : « Nul n'est méchant volontairement ». Cette thèse surprenante de prime abord doit être reliée aux deux autres : « Commettre l'injustice est pire que la subir » ; « Quand on est coupable il est pire de n'être pas puni que de l'être ». L'injustice est un vice, une maladie de l'âme, c'est pourquoi, nul ne peut vraiment la vouloir (on ne peut vouloir être malade), et la punition, qui est comparable à la médecine, est bénéfique à celui qui la subit. L'attitude commune face à la justice est résumée par Polos dans « Gorgias » et Glaucon au livre 2 de la « République ». Les hommes souhaiteraient être tout-puissants et pouvoir commettre n'importe quelle injustice pour satisfaire leurs désirs. Il vaut donc mieux, selon eux, commettre l'injustice que la subir. Cependant, comme subir l'injustice cause plus de dommage que la commettre de bien, les hommes se sont mis d'accord pour faire des lois en vue de leur commune conservation. Nous ne sommes donc justes, en vérité, que par peur du châtiment.

 On dit couramment que comprendre, c’est pardonner, et que tout comprendre, c’est tout pardonner. Remarquons que la formule peut se prêter à deux interprétations en sens opposés. On peut y voir aussi bien l’exaltation du pouvoir humain de commisération envers son semblable et de la puissance de la compréhension, donc de la raison. Ou à l’inverse une formule ironique: il est facile de tout pardonner, si on réduit le pardon à la compréhension! Le pardon ne présenterait plus aucune difficulté: il suffit de comprendre, et le pardon s’ensuivrait. La formule semble donc présenter une tension interne: en même temps, la compréhension mène au pardon, et le pardon ne se laisse pas réduire à la compréhension. Il faudra donc vérifier en un premier temps, en quoi comprendre un acte peut mener à le pardonner, ce que veut dire comprendre en ce sens. Et, à partir de là, s’il n’y a que ce qu’on ne peut pas comprendre qu’on ne puisse pas pardonner. N’y a-t-il pas quelque chose qui serait compréhensible et pourtant impardonnable ? Y a-t-il, par exemple, de l’impardonnable en soi ?

« On voit donc que, dans le cas de l'excuse, il s'agit d'un acte de savoir-vivre, de convenance sociale: on présentedes excuses, on s'explique (je vous ai écrasé le pied durant cette valse parce que j'ai trébuché, excusez-m'en),charge à l'offensé d'accepter ces excuses, et en fait, il ne peut pas les refuser (on ne peut pas en vouloir àquelqu'un d'avoir trébuché).

S'excuser, c'est déjà être à l'avance excusé. Qu'est-ce que pardonner? A partir de quand le recours au pardon devient-il nécessaire? Quand l'excuse devient-elle insuffisante? Quelle est la différence entre pardonner et excuser? On est tenté de dire que le pardon ne s'adresse qu'aux fautes les plus graves.

Mais c'est ne voir qu'une différencede degré là où il y a peut-être un différence de nature, c'est voir une continuité entre l'excuse et le pardon.

C'estramener le pardon, acte moral, à l'excuse, acte social. En fait, la démarcation tient peut-être au rôle dévolu à la compréhension.

Le pardon devient nécessaire lorsquel'excuse ne suffit plus, lorsqu'on ne peut plus excuser parce qu'on ne peut plus demander de comprendre! On n'avraiment à pardonner que ce qu'on ne peut pas comprendre, c'est-à-dire ce dont on ne peut pas dire qu'à la placedu fautif on en aurait fait autant.

Il n'y a vraiment à pardonner que la faute que je ne peux pas vouloir avoircommise, que la faute que je ne peux pas vouloir partager avec le coupable, qui semble même couper le fautif dureste des hommes, l'exclure définitivement. On ne pardonne vraiment donc que ce qu'on ne peut pas justifier, ce qu'on ne peut que renoncer à vouloircomprendre.

Comprendre pourquoi il a fait ça nous donnerait d'autant plus de raisons pour ne plus jamais pouvoirpardonner.

Ne pardonner que ce qu'on peut comprendre, ce n'est qu'excuser, ce n'est pas pardonner. On ne pardonne donc vraiment que ce qui nous semble incompréhensible.

Est-ce que cela veut dire que le pardonest un acte irrationnel, qu'on pardonne là où la raison nous dit de ne pas pardonner? Pour répondre, il faut essayer de comprendre ce que c'est que le pardon en lui-même.

Non plus comprendre pourquoipardonner, mais comprendre ce que veut dire pardonner. DEUXIÈME PARTIE: le pardon miraculeux Y a-t-il des conditions pour pardonner? Le paradoxe du pardon, c'est qu'on ne pardonne que ce qui nous semble à première vue impardonnable.

Le pardonen est-il pour autant un acte irrationnel? Il semblerait plutôt qu'il est un miracle, qu'il vient comme une grâce. Par exemple, il se peut qu'on veuille pardonner une offense, et qu'on sente bien qu'on a beau s'efforcer, on n'yarrive pas.

Comme si on ne disposait pas du pardon, comme s'il ne dépendait pas de nous de pardonner ou non.

Enun sens, c'est bien nous qui pardonnons, mais comme par un acte où la volonté n'intervient pas. Pardonner est un acte d'autant plus difficile que la volonté n'y peut pas forcer les choses: on sent si on pardonneou non, comme malgré nous. Une des conditions pour pardonner, c'est qu'il y ait comme un face-à-face où la victime pardonne à son bourreau,et elle seule peut le faire. Autre condition: il faut un repentir sincère du bourreau, qu'il réalise toute la portée de son acte, qu'il prenne soncrime en horreur.

Il réalise donc que rien ne peut le sauver, qu'il ne peut invoquer aucune excuse, qu'il estimpardonnable. Paradoxalement, ne peut alors être sauvé que celui qui désespère de l'être.

On connaît les scènes de repentir chezDostoïevski où le coupable exagère son crime, désespère d'autant plus d'être jamais pardonné pour pouvoir l'êtreeffectivement. C'est donc à partir de l'extrême gravité de la faute que le pardon devient possible.

Possible sans jamais êtrenécessaire.

Et le pardon est miraculeux en ce sens: rien ne peut le motiver, il est possible à partir de sonimpossibilité. Conditions toutes nécessaires sans jamais être suffisantes.

Réfléchir sur le pardon ne peut pas nous mener à direpourquoi on pardonne, ni dans quels cas on peut pardonner, dans lesquels on ne le peut pas.

Le pardon est possibleà partir du moment où la victime comme le bourreau ont fait l'expérience de l'impossibilité du pardon. A quoi bon pardonner? Lorsqu'un crime a été commis, il nous semble que ce qui compte, c'est que le coupable soit puni, que justice lui soitrendue! Que l'on pardonne ou non, est accessoire.

Le mal est fait, il s'agit d'agir en conséquence.. »

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