Devoir de Philosophie

Tito, l'homme qui ne s'aligna jamais

Publié le 22/02/2012

Extrait du document

3 mars 1945 - Ce qui frappait d'abord chez lui, avant que l'âge et les verres vinssent en altérer la trempe, c'était la dureté d'apprécier de ses yeux : une paire de poignards, disait un Bulgare qui l'avait souvent rencontré. Contrastant avec un visage qui s'empâtait, une mise trop soignée, une élégance de nouveau riche, le regard était là pour rappeler quels combats cet homme avait menés, et contre quels ennemis. Il s'appelait Josip Broz, et était plus connu avant la guerre, dans l'Internationale communiste, sous le pseudonyme de " Walter ". C'est en 1937 qu'il le troqua contre celui de Tito, sous lequel il devait devenir célèbre. L'apparition de ces deux syllabes pendant la guerre commença par susciter des rumeurs fantaisistes. Certains prétendirent que les quatre lettres TITO représentaient les initiales d'une prétendue " Third International Terrorist Organization ", et le plus sérieux des journaux américains alla jusqu'à écrire, un jour, qu'il s'agissait d'une femme ! On imaginait difficilement pourtant homme plus viril que celui qui naquit à Kumrovec, en Croatie, d'un père croate et d'une mère slovène, en mai 1892. Il était le septième d'une famille de quinze enfants, dont sept seulement atteignirent leur majorité. C'était une proportion courante, à l'époque, dans cette région pourtant fertile mais ruinée par le morcellement des terres, les impôts, l'endettement général. Le père Broz noyait son chagrin dans l'alcool, et c'est sa femme qui faisait marcher la maison où le pain manquait souvent. Mais le petit Joseph eut la chance d'aller à l'école; il y brilla surtout, d'après ses confidences à Wladimir Dedijer, en catéchisme et en gymnastique. A l'âge de douze ans, il fut mis en apprentissage chez un serrurier; très vite, il se passionna pour les luttes ouvrières, et dès 1910, à l'âge de dix-huit ans, adhéra au Parti social-démocrate de Croatie et de Slovénie. Il se mit, passant d'une usine à l'autre, à parcourir l'Europe centrale, apprenant l'allemand et le tchèque. Puis vint la guerre. Mobilisé, grièvement blessé dans les Carpates, il se retrouva dans un camp de prisonniers dans l'Oural. Il y apprit le russe et noua des contacts avec les bolcheviks. Il s'enrôla lors de la révolution d'Octobre dans la garde rouge, mais ne participa jamais aux combats. Après beaucoup d'aventures et diverses prisons, il rentra dans son pays en septembre 1920, en compagnie d'une jeune Russe qu'il avait épousée à Omsk : elle donna presque aussitôt le jour à un bébé qui mourut quarante-huit heures plus tard. Le ménage devait avoir par la suite trois autres enfants, dont un seul survécut. Josip Broz se fit embaucher dans un atelier de mécanique à Zagreb et s'inscrivit au Parti communiste, qui obtint dès cette même année 1920 cinquante-huit sièges aux élections législatives, ce qui amena le gouvernement à lui retirer aussitôt tout droit à la propagande. Le parti fut interdit l'année suivante, après l'assassinat par un groupe de jeunes militants de l'ancien ministre de l'intérieur Drachkovitch, auteur de cette mesure. Tito, qui travailla successivement dans différentes villes de Croatie, participa activement aux organisations clandestines du PCY, ce qui lui valut d'être condamné, en 1928, à cinq ans de travaux forcés. Libéré en 1934, Tito, après avoir purgé sa peine, gagna clandestinement l'URSS, où il travailla au bureau du Komintern pour les Balkans. C'est là qu'il fit la connaissance du Bulgare Dimitrov. L'amitié de celui-ci contribua puissamment, après un nouveau séjour clandestin en Yougoslavie, où il s'occupa surtout du recrutement des volontaires pour l'Espagne, à sa désignation en 1937 à la tête du PCY, en remplacement du Bosniaque Milan Gorkitch, liquidé par Staline, alors en pleine frénésie d'épuration, comme " agent de l'Intelligence Service ". Le Géorgien avait été à deux doigts de faire subir au parti yougoslave le même sort qu'au parti polonais, qui avait été dissous par le Komintern, ses dirigeants convoqués au Kremlin devant être pour la plupart abattus sans autre forme de procès. Il se contenta d'en disperser le comité central. Cependant, selon certains bruits, qui n'ont jamais été officiellement confirmés, il aurait songé à se débarrasser de Tito; celui-ci n'aurait dû la vie qu'à Dimitrov, qui le prévint dans l'heure et lui permit de déguerpir à temps. Tout en se rendant fréquemment à l'étranger et notamment en France, d'où il coordonne l'envoi de volontaires yougoslaves en Espagne républicaine, Tito, à la différence de Gorkitch, décida d'établir en Yougoslavie même la direction du PC illégal, dont il entreprit aussitôt une complète réorganisation, destinée notamment à mettre fin aux luttes " fractionnelles " et à assurer sa complète indépendance financière vis-à-vis du Kremlin. A la veille de la guerre, le parti comptait douze mille membres et l'organisation des jeunesses trente mille. En membres disciplinés du Komintern, les dirigeants communistes yougoslaves approuvèrent le pacte Staline-Ribbentrop. Ils eurent plus de mal à faire comprendre à leurs troupes, et à comprendre eux-mêmes, l'attitude de l'URSS lorsque celle-ci, qui, en avril 1941, avait conclu un pacte d'amitié avec Belgrade pour l'encourager à résister à la pression hitlérienne, s'empressa d'expulser le représentant de la Yougoslavie à Moscou, sous prétexte que ce pays avait cessé d'exister, une fois que l'agression allemande fut venue à bout, quelques jours plus tard, de l'armée royale. A toutes fins utiles, le comité central du PCY, qui réussit à se réunir clandestinement à Zagreb sous la présidence de Tito, décida dès la fin de ce même mois d'avril de rassembler des armes en vue de préparer un insurrection. Ces préparatifs étaient assez avancés pour que l'ordre de passer à l'action puisse être donné dès le jour de l'attaque allemande contre l'URSS, le 22 juin 1941. Trois mois plus tard, les " partisans ", dont Tito avait pris le commandement en chef, contrôlaient déjà une partie appréciable du pays. D'autres maquisards, les " Tchetniks " du général Mihaïlovitch, pour la plupart militaires de l'armée royale ayant échappé à la capture, tenaient une partie de la Serbie. C'étaient en majorité des Serbes décidés à maintenir le système monarchique et la prépondérance serbe. Mihaïlovitch lui-même hésitait, par crainte des représailles que ne manqueraient pas de subir les populations civiles, à déclencher des opérations contre l'occupant, contre les " oustachis " d'Ante Pavelitch, éphémère dictateur de la Croatie, ou contre les policiers collaborateurs. Un temps, il essaya de s'entendre avec Tito, qu'il aida à s'emparer, à Uzice, d'une usine d'armements, qui devait permettre d'équiper les premières unités régulières de partisans. Mais, dans l'Etat dont Tito et les siens rêvaient pour l'avenir, il n'y avait pas place pour un vieil officier royaliste et nationaliste comme Mihaïlovitch. La rupture devait vite intervenir, et des combats, tout comme dans la Grèce voisine et la Pologne, s'engager entre les deux formations de résistance. Les Tchetnicks conclurent même à diverses reprises des accords locaux avec les Allemands ou les Italiens contre les partisans. Dès le mois de juin 1943, le ministère de la guerre britannique exprimait la conviction, dans un rapport à Churchill, que des deux mouvements rivaux celui qui se battait vraiment contre les nazis était celui des partisans. Pour en avoir le coeur net, le premier ministre expédia auprès de Tito une mission militaire, dirigée par un jeune député conservateur qui venait de s'illustrer dans de brillantes opérations de commandos, Fitzroy McLean. Celui-ci fut séduit par le courage et le romantisme de ces combattants chez qui l'on retrouvait à la fois la joyeuse férocité des " comitadjis " d'autrefois et la froide détermination des bolcheviks. A son retour, il convainquit le gouvernement britannique de retirer son soutien à Mihaïlovitch, malgré les protestations du jeune roi Pierre II, réfugié à Londres, qui en avait fait son ministre de la guerre, et d'envoyer au QG des partisans, en Bosnie, une mission militaire dont devait faire partie le propre fils du premier ministre, Randolph Churchill. Et ce fut le chef du gouvernement britannique qui, lors du premier " sommet " à trois du temps de guerre, à Téhéran, en novembre 1943, invita Roosevelt et Staline à reconnaître Tito. Jusqu'alors, en effet, l'URSS s'était bien gardée de donner la moindre assistance, malgré divers appels, au chef des partisans qui venait de se faire bombarder maréchal par l'Avnoj, le Comité de libération nationale. Elle maintenait des relations diplomatiques avec le gouvernement royal en exil et avait proposé à Mihaïlovitch de lui envoyer une mission militaire. Les motifs du Géorgien n'étaient pas apparents à l'époque : ils le sont maintenant. D'abord, il ne voulait pas effrayer ses alliés " bourgeois " en faisant mine de trop appuyer les partis communistes : c'est exactement de cette manière qu'il avait agi pendant la guerre d'Espagne. Et puis, dans le partage de l'Europe, qu'il avait en tête dès cette époque, il ne souhaitait pas incorporer la Yougoslavie dans sa zone d'influence : il avait besoin d'une monnaie d'échange avec Churchill et redoutait qu'un Etat communiste qui ne serait pas sous le contrôle direct de Moscou ne suive très vite des voies divergentes. C'est pour la même raison qu'il devait s'employer à gêner l'arrivée au pouvoir des communistes en Chine. Les événements ultérieurs ont montré que le cynisme de ce calcul n'était pas sans justification. On convint à Téhéran d'essayer de réconcilier le gouvernement royal et les partisans, en abandonnant Mihaïlovitch à son sort. En juin, Tito rencontra dans l'île de Vis, dans l'Adriatique, le vice-roi de Croatie, Choubachitch, que Churchill avait contraint Pierre II à nommer premier ministre. Les deux hommes lancèrent un appel invitant toute la population yougoslave à rejoindre l'armée populaire de libération. Avec Choubachitch, Tito s'engagea à ne pas soulever la question du régime tant que durerait la guerre. Promit-il à Churchill, lorsqu'il le rencontra deux mois plus tard à Naples, de ne pas établir le communisme en Yougoslavie ? Les récits des deux interlocuteurs divergent sur ce point. De toute façon, le maréchal, que les Soviétiques avaient mis en garde contre les méthodes impérialistes britanniques et qui s'attendait, plus ou moins, à être assassiné par l'Intelligence Service, fit la mauvaise tête, au point que Churchill, en sortant, se demanda, dans une lettre à Eden, s'il avait eu raison de jouer la carte Tito. Quelques jours plus tard, le maréchal s'envolait, sans prévenir personne, pour Moscou. Ce fut pour entendre Staline essayer de le persuader de consentir au retour du roi. " Tu n'as pas besoin de le restaurer pour toujours, lui dit-il. Reprends-le momentanément et, à la première occasion, poignarde-le dans le dos. " On ne se doutait évidemment pas, en Occident, du genre de conversation que le dictateur soviétique pouvait avoir avec un homme en qui tout le monde avait tendance à voir son proconsul désigné pour la Yougoslavie. La condamnation à mort de Mihaïlovitch, le procès intenté à Mgr Stepinac, archevêque de Zagreb, qui avait accepté de collaborer pendant l'occupation avec les autorités de l'Etat séparatiste croate, la destruction d'appareils américains coupables d'avoir survolé le territoire yougoslave, l'aide apportée aux andartes grecs révoltés contre la monarchie, tous ces signes du militantisme des partisans apparurent comme le produit de la volonté du Kremlin, alors que celui-ci s'employait dans tous les domaines à freiner les initiatives de son trop bouillant disciple. Dans ces conditions, rares furent les esprits pour lesquels la dénonciation, en 1948, du déviationnisme du Parti communiste yougoslave et l'exclusion de celui-ci du Kominform ne constituèrent pas une surprise complète. Belgrade n'ayant pas fléchi sous le chantage au non-renouvellement des accords économiques, Staline, le 28 juin 1948, décida de frapper un grand coup. Avec son mépris habituel pour les " petits ", il était persuadé, comme devait le révéler Khrouchtchev dans son rapport secret au vingtième congrès du PCUS, qu'il renverserait le maréchal " d'une pichenette ". Les PC représentés au sein du Kominform déclarèrent donc que le parti yougoslave avait adopté une " ligne fausse ", diffamé l'URSS, soutenu un régime de caractère " purement despotique et terroriste ", et ils invitèrent ses " éléments sains " à obliger leurs dirigeants à reconnaître leurs erreurs ou à céder la place. Mais une partie des staliniens yougoslaves se trouvaient déjà sous les verrous, et l'ancien chef d'état-major Jovanovitch ne trouva guère de concours lorsque, au mois de juillet, il tenta d'organiser un coup contre Tito. Celui-ci fit plébisciter sa politique le 21 juillet par le cinquième congrès de son parti, et Jovanovitch fut tué alors qu'il tentait de s'enfuir en Roumanie. Un campagne d'injures d'une violence extrême, accompagnée de l'arrêt presque total des échanges économiques, de la rupture des relations diplomatiques entre la Yougoslavie et plusieurs démocraties populaires et de quotidiens incidents de frontières, fut alors déclenchée par le Kremlin. Tito, qui avait risqué sa vie trente ans durant pour l'avènement du communisme, fut traité d' " hyène lubrique ", d'agent " hitléro-trotskiste ". Des procès furent engagés dans tous les pays de l'Est contre ceux qui étaient soupçonnés de partager ses idées. Tour à tour : Xoxe, en Albanie; Rajk, en Hongrie; Kostov, en Bulgarie; Clementis et Slansky, en Tchécoslovaquie, expièrent sur l'échafaud le crime d'un titisme vrai ou supposé, tandis que par milliers les vieux militants, au nombre desquels Kadar et Gomulka, étaient jetés en prison. Cette pression constante eut le résultat opposé à celui que cherchait le Kremlin. Elle rallia autour de Tito une grande partie de la population yougoslave qu'avait heurtée le passage rapide au socialisme, et elle amena le maréchal à regarder d'un oeil neuf en direction de ces Occidentaux qu'il ne connaissait pas et à l'égard desquels il n'avait jusqu'alors éprouvé qu'une méfiance et une hostilité totales. Il dut bien accepter leur aide financière et militaire, se prêter à un règlement avec l'Italie du problème de Trieste. Il alla jusqu'à conclure avec la Turquie et la Grèce, membres du pacte atlantique, un pacte balkanique qui constituait un prolongement de celui-ci. Dans une interview qu'il nous donna à Istanbul, en avril 1954, il se prononça même en faveur du réarmement de l'Allemagne occidentale. La mort de Staline devait transformer la situation. Dès 1955, Khrouchtchev se rendait à Belgrade pour exprimer à Tito ses regrets de ce qui s'était passé et affirmer que les " matériaux sur lesquels étaient basées les injures et les accusations contre les dirigeants yougoslaves... avaient été fabriqués par les ennemis du peuple, les méprisables agents de l'impérialisme qui avaient réussi à s'infiltrer " dans les rangs du parti soviétique. Cette version fantaisiste des événements n'eut pas l'heur de satisfaire Tito, qui exigea et obtint la signature par Khrouchtchev, le 2 juin, d'une déclaration exaltant la coopération de tous les Etats, quelle que soit leur orientation idéologique, et surtout reconnaissant à chaque pays le droit de choisir sa propre voie vers le socialisme. Ce document, véritable bombe à retardement placée dans le monolithe stalinien, devait jouer un grand rôle l'année suivante dans l'octobre polonais et la révolution hongroise. ANDRE FONTAINE Le Monde du 6 mai 1980

« armes en vue de préparer un insurrection.

Ces préparatifs étaient assez avancés pour que l'ordre de passer à l'action puisse êtredonné dès le jour de l'attaque allemande contre l'URSS, le 22 juin 1941. Trois mois plus tard, les " partisans ", dont Tito avait pris le commandement en chef, contrôlaient déjà une partie appréciable dupays.

D'autres maquisards, les " Tchetniks " du général Mihaïlovitch, pour la plupart militaires de l'armée royale ayant échappé àla capture, tenaient une partie de la Serbie.

C'étaient en majorité des Serbes décidés à maintenir le système monarchique et laprépondérance serbe.

Mihaïlovitch lui-même hésitait, par crainte des représailles que ne manqueraient pas de subir lespopulations civiles, à déclencher des opérations contre l'occupant, contre les " oustachis " d'Ante Pavelitch, éphémère dictateurde la Croatie, ou contre les policiers collaborateurs.

Un temps, il essaya de s'entendre avec Tito, qu'il aida à s'emparer, à Uzice,d'une usine d'armements, qui devait permettre d'équiper les premières unités régulières de partisans. Mais, dans l'Etat dont Tito et les siens rêvaient pour l'avenir, il n'y avait pas place pour un vieil officier royaliste et nationalistecomme Mihaïlovitch.

La rupture devait vite intervenir, et des combats, tout comme dans la Grèce voisine et la Pologne, s'engagerentre les deux formations de résistance.

Les Tchetnicks conclurent même à diverses reprises des accords locaux avec lesAllemands ou les Italiens contre les partisans. Dès le mois de juin 1943, le ministère de la guerre britannique exprimait la conviction, dans un rapport à Churchill, que desdeux mouvements rivaux celui qui se battait vraiment contre les nazis était celui des partisans.

Pour en avoir le coeur net, lepremier ministre expédia auprès de Tito une mission militaire, dirigée par un jeune député conservateur qui venait de s'illustrerdans de brillantes opérations de commandos, Fitzroy McLean.

Celui-ci fut séduit par le courage et le romantisme de cescombattants chez qui l'on retrouvait à la fois la joyeuse férocité des " comitadjis " d'autrefois et la froide détermination desbolcheviks.

A son retour, il convainquit le gouvernement britannique de retirer son soutien à Mihaïlovitch, malgré les protestationsdu jeune roi Pierre II, réfugié à Londres, qui en avait fait son ministre de la guerre, et d'envoyer au QG des partisans, en Bosnie,une mission militaire dont devait faire partie le propre fils du premier ministre, Randolph Churchill.

Et ce fut le chef dugouvernement britannique qui, lors du premier " sommet " à trois du temps de guerre, à Téhéran, en novembre 1943, invitaRoosevelt et Staline à reconnaître Tito. Jusqu'alors, en effet, l'URSS s'était bien gardée de donner la moindre assistance, malgré divers appels, au chef des partisansqui venait de se faire bombarder maréchal par l'Avnoj, le Comité de libération nationale.

Elle maintenait des relationsdiplomatiques avec le gouvernement royal en exil et avait proposé à Mihaïlovitch de lui envoyer une mission militaire.

Les motifsdu Géorgien n'étaient pas apparents à l'époque : ils le sont maintenant.

D'abord, il ne voulait pas effrayer ses alliés " bourgeois "en faisant mine de trop appuyer les partis communistes : c'est exactement de cette manière qu'il avait agi pendant la guerred'Espagne.

Et puis, dans le partage de l'Europe, qu'il avait en tête dès cette époque, il ne souhaitait pas incorporer la Yougoslaviedans sa zone d'influence : il avait besoin d'une monnaie d'échange avec Churchill et redoutait qu'un Etat communiste qui ne seraitpas sous le contrôle direct de Moscou ne suive très vite des voies divergentes.

C'est pour la même raison qu'il devait s'employerà gêner l'arrivée au pouvoir des communistes en Chine.

Les événements ultérieurs ont montré que le cynisme de ce calcul n'étaitpas sans justification. On convint à Téhéran d'essayer de réconcilier le gouvernement royal et les partisans, en abandonnant Mihaïlovitch à son sort.En juin, Tito rencontra dans l'île de Vis, dans l'Adriatique, le vice-roi de Croatie, Choubachitch, que Churchill avait contraintPierre II à nommer premier ministre.

Les deux hommes lancèrent un appel invitant toute la population yougoslave à rejoindrel'armée populaire de libération. Avec Choubachitch, Tito s'engagea à ne pas soulever la question du régime tant que durerait la guerre.

Promit-il à Churchill,lorsqu'il le rencontra deux mois plus tard à Naples, de ne pas établir le communisme en Yougoslavie ? Les récits des deuxinterlocuteurs divergent sur ce point.

De toute façon, le maréchal, que les Soviétiques avaient mis en garde contre les méthodesimpérialistes britanniques et qui s'attendait, plus ou moins, à être assassiné par l'Intelligence Service, fit la mauvaise tête, au pointque Churchill, en sortant, se demanda, dans une lettre à Eden, s'il avait eu raison de jouer la carte Tito. Quelques jours plus tard, le maréchal s'envolait, sans prévenir personne, pour Moscou.

Ce fut pour entendre Staline essayer dele persuader de consentir au retour du roi.

" Tu n'as pas besoin de le restaurer pour toujours, lui dit-il.

Reprends-lemomentanément et, à la première occasion, poignarde-le dans le dos.

" On ne se doutait évidemment pas, en Occident, du genrede conversation que le dictateur soviétique pouvait avoir avec un homme en qui tout le monde avait tendance à voir sonproconsul désigné pour la Yougoslavie. La condamnation à mort de Mihaïlovitch, le procès intenté à Mgr Stepinac, archevêque de Zagreb, qui avait accepté decollaborer pendant l'occupation avec les autorités de l'Etat séparatiste croate, la destruction d'appareils américains coupables. »

↓↓↓ APERÇU DU DOCUMENT ↓↓↓

Liens utiles