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Synthèse: LE BONHEUR

Publié le 24/07/2010

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Le bonheur est de ces mots qui recouvrent un idéal plus qu’une réalité. Si tout le monde s’accorde en effet pour y voir l’aspiration fondamentale de l’homme, cet accord résiste mal à la tentative d’en déterminer le contenu. Certes les distinctions de vocabulaire, la béatitude (satisfaction du sage ayant atteint le souverain Bien par la connaissance de l’ordre de l’univers) ou la félicité (bonheur sans mélange, calme et durable) auraient pour elles la durée ou l’éternité que l’on refuse au plaisir ou à la joie. Mais la béatitude ou la félicité ne s’obtiennent qu’au prix d’une renonciation aux plaisirs du corps qui heurte le sens commun, ne voulant pas dissocier le plaisir (du corps) du bonheur.    Pour tant il semble difficile de mesurer la solidité d’un bien s’il ne s’accompagne pas de l’impression qu’il produit sur l’imagination et sur les sens. C’est ce que l’hédonisme antique (doctrine qui situe de souverain Bien dans le plaisir) avait compris. S’il affirme que la sensation de plaisir est le seul bien de l’homme et que celui-ci doit par conséquent s’employer à le rechercher, il ne s’ensuit pas que la condition humaine prédispose les individus à en jouir pleinement. Les passions qu’il nourrit paraissent bien vaines au regard du temps qui l’achemine vers un fin inéluctable. Aussi Sénèque n’a t-il aucune peine à montrer que le plaisir aussi intense soit-il, se révèle tout à la fois inconsistant et éphémère. Inconsistant car l’être désiré ou l’objet consommé perdent les qualités que l’imagination leur conférait, et éphémère car le plaisir est une sensation qui perd en durée ce qu’elle gagne en intensité, érodant par la même un bonheur que chacun voudrait infini.    Pour Pascal, malgré notre désir d’être heureux, nous n’apprécions jamais assez le temps présent. En effet, le temps nous échappe et au même moment le plaisir. Pour être pleinement heureux, il faudrait que notre conscience échappe à la fuite du temps.  Pour réconcilier le bonheur avec le temps, il faudrait soustraire le plaisir et par conséquent nos désirs. Pour  Epicure la plupart de nos désirs sont générateurs de troubles parce qu’ils soumettent l’individu au vertige du changement, à l’instabilité du devenir, à des fuites incessantes dans le renouvellement de leurs objets. Si il y a plaisir, il consistera en une ataraxie (absence de trouble). Seule la satisfaction de nos besoins les plus élémentaires sera à même de promettre si leurs exigences restent dans un cadre de grande sobriété.

 Un tel idéal de vie s’apparente à l’ascétisme (renoncement aux plaisirs sensibles pour atteindre la maîtrise de soi). Le plaisir peut-il s’identifier à l’absence de douleur, car l’on peut très bien ne pas avoir de douleur et ne pas être heureux.  Il conviendrait de dissocier le bonheur du plaisir. Il est en effet illusoire puisqu’il exige de la réalité qu’elle se conforme à nos désirs. La réalité se conforme que ponctuellement à nos désirs, elle échappe le plus souvent à notre emprise. L’homme méconnaît les mécanismes de cette réalité et prétend s’attribuer sur les êtres et les choses un pouvoir qu’il ne possède pas.  Epictète nous montre que le bonheur ne saurait résulter de l’attente des choses qui ne dépendent pas de nous. Il suppose au contraire la pleine conscience de notre impuissance à changer l’ordre du monde et implique par conséquent une juste appréciation de la place qui nous est assignée au sein de l’univers. Ainsi compris, le bonheur pourra s’identifier à la vertu, si par vertu on entend la domination exercée par la raison sur nos désirs, et à la liberté, une pensée attentive à se soumettre à la nécessité.    Aristote soulève l’absurdité de cette thèse, prétendre qu’un homme soumis à la torture peut conserver une certaine sérénité. Cela traduit la méconnaissance de la nature humaine. L’homme n’est pas passif, il doit agir dans la cité. Il est légitime qu’il accorde aux biens de ce monde une place privilégiée parmi les multiples voies d’accès au bonheur. Le plaisir qui en résulte n’est pas un mal s’ils contribuent à épanouir notre nature.    Il semble que l’époque moderne l’est suivi dans se sens. L’avènement des sciences et des techniques permet à chacun de réaliser cette épanouissement vers le bonheur (c’est un des voies). Rechercher le plaisir et éviter la douleur paraît en effet un des soucis majeurs de l’homme moderne. Les sociétés s’assurent contre toutes les causes de souffrance, de maladie ou d’échec. Le bonheur n’est plus une exception dans un monde de douleur, mais une possibilité inscrite dans tout projet social. Les sociétés à travers la déclaration des droits de l’homme (en Europe entre autre) doivent pouvoir favoriser l’accès à toutes les formes de bonheur puisqu’elles en inscrivent l’inspiration au nombre des droits naturels de l’homme.    L’utilitarisme ( est utile ce qui peut apporter le plus grand bonheur) fait de la recherche du bonheur le fondement du lien social. Le bonheur individuel est inséparable de la prospérité en générale. Les valeurs constitutives du bonheur sont commune à tous les hommes. L’individu apparaît comme l’incarnation abstraite de l’homme en général et ce n’est qu’en apparence que certains goûts privés le différencie des autres. Il est donc possible dans un tel système de trouver une règle commune pour tous les biens désirables. Toutes les joies pourront être satisfaites et le bonheur individuel comme l’intérêt social en résulteront nécessairement.    Pourtant il est difficile de réduire toutes les valeurs humaines à une mesure commune. Le bonheur pour Kant obéit à des motivations empiriques rebelles par nature à toute universalisation. L’économie moderne n’a pas retenue ce point de vue puisqu’elle prétend par ces produits répondre à l’attente du plus grand nombre. Elle prend comme principe qu’une vie la plus riche en plaisirs demeure la finalité.  La prospérité n’est pas le bonheur, l’accumulation d’objets ne suffit pas à donner à l’individu un supplément d’être. Pourtant nous ne sommes pas prêt à renoncer à des biens dont nous reconnaissons par ailleurs la vanité. Dans ce sens le bonheur est bien comme  Kant le rappelait, un « idéal de l’imagination «. Il reflète la tendance de l’homme à penser la perfection dans l’irréel mais aussi son impuissance à l’incarner dans une forme qui le satisfasse pleinement. 

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