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Souvenirs de la maison des morts

Publié le 05/04/2013

Extrait du document

Condamné à mort, Dostoïevski fut placé devant un peloton d'exécution et gracié à la toute dernière minute. Cette « scène «, il l'a racontée dans L'idiot et dans le Journal d'un écrivain. De retour de Sibérie, après dix ans d'exil, Dostoïevski était oublié. Il se remit au travail, il reprit la lutte ; il écrivit tout d'abord Humiliés et offensés, roman publié en 1866, puis ensuite, la même année, Souvenirs de la maison des morts, qui connut un grand succès et lui valut un regain de notoriété.

« En 1849, avec d'autres intellectuels, après un procès expéditif, Dostoïevski fut soumis à un simulacre d'exécution EXTRAITS ---- -- -- Le narrateur parle de son premier soir au bagne et de sa confrontation · avec les « camarades » détenus Dès le premier soir je remarquai qu'on me regardait de travers, je saisis même quelques coups d'œil sinistres.

Par contre, soupçonnant que j'avais de l'argent, cer­ tains détenus tournaient autour de moi.

Ils · m'offrirent aussitôt leurs services, m 'appri­ rent à porter mes nouveaux fers, me procu­ rèrent -moyennant finances, cela va de soi - un coffre à cade­ nas pour y ranger mon trous­ seau de forçat et un peu de linge que j'avais ap­ porté.

Mais le lende­ main même, ils me volèrent le tout et le dépensè­ rent à boire.

L'un de mes voleurs me devint par la suite infiniment précieux, encore qu'il conti­ nuât à dérober mes effets quand l'occasion lui semblait bonne.

Il commettait son délit sans la moindre honte, presque inconsciem­ ment, comme par devoir ; je ne pouvais guère lui en garder rancune.

Dostoïevski fait le portrait du « major », sous les ordres duquel il allait passer deux ans J'ai dû passer deux ans sous les ordres de ce personnage, et tout ce que m'apprit le premier jour Akim Akimytch se révéla exact, sauf que les sensations réelles dépassent celles que laisse un simple récit.

C'était un homme effrayant, surtout en raison de l'au­ torité presque absolue qu'il exerçait sur deux cents personnes ; car de lui-même il n'était que désordonné et méchant.

Il consi­ dérait les détenus comme ses ennemis natu-rels : voilà son premier ft principal tort.

Ses quelques capacités, ses qualités mêmes dé­ viaient et prenaient toujours un mauvais tour.

Sans retenue, cruel, il se précipitait comme une bombe dans la forteresse, même en pleine nuit, et s'il remarquait un détenu dormant sur le côté gauche, il le punissait dès le lendemain matin.

« D'après mes ordres, on doit dormir du côté droit ! » On le haïssait, on le craignait comme la peste.

Il avait le visage cramoisi, hargneux.

Tous le savaient à la merci de Fedka, son ordon­ nance.

Il n'avait jamais aimé qu'un seul être au monde, son caniche « Trésor », et faillit perdre la tête quand cette bête tomba ma­ lade.

Il sanglotait, paraît-il, comme s'il se fût agi de son propr.e fils.

Il mit à la porte un vétérinaire après avoir voulu le ros- ser selon son habitude.

Face à la souffrance, à l'ignominie, « tous les hommes sont égaux » Je suis le premier à reconnaître que parmi les gens les moins instruits, les plus abjects, les plus misé­ rables, j'ai rencontré les traits du plus parfait développement .

moral.

Ainsi, au bagne, j'ai connu les mêmes hommes pendant plusieurs années, je les ai méprisés d'abord, ne voyant en eux que des bêtes fauves.

Et tout à coup, au moment le plus inat- tendu, leur âme s'épanchait .,,, .

involontairement au-dehors.

~-~· : _ Elle révélait une telle richesse -~·~- : • '\•1.,(l°' de sentiments, tant de cordia- lité, une si claire compréhension de sa propre souffrance et de celle d'autrui, qu'au premier moment je n'en croyais ni mes yeux ni mes oreilles.

Traduction de H.

Mongault et L.

Désarmants, Gallimard, 1950 .

En Sibérie, les forçats avaient les cheveux coupés très court et la moitié de la tête rasée NOTES DE L'ÉDITEUR Avril 1849 : Dostoïevski est arrêté en même temps que trente-quatre autres intellectuels.

On reprochait à ces hommes leurs réunions du « vendredi » ainsi que leur appartenance à un cercle des« adeptes du socialisme».

La police tsariste voulait y voir un complot alors que l'on se contentait de brasser des idées sur la façon de libérer le peuple russe.

L'instruction dura huit mois, que les prévenus passèrent à la forteresse Pierre et Paul de Saint-Pétersbourg.

Puis, le 16 novembre 1849, le jugement tomba: dégradation, confiscation de tous les biens, peine capitale.

Quelques jours plus tard, sur intervention du tsar, la peine fut commuée en quatre ans de travaux forcés et cinq de service militaire.

Mais la nouvelle ne fut pas communiquée aux condamnés ; conduits à l'échafaud, ils se préparaient à être fusillés.

« J'étais au second rang, dit Dostoïevski, et n'avais donc plus qu'une minute à vivre.» Le peloton mit enjoue les condamnés ...

et c'est alors que l'officier leur annonça que le tsar leur accordait sa grâce.

« Non, on n'a pas le droit d'agir ainsi avec un être humain » ; le choc, du reste, mena un condamné à la folie et un autre à la maladie.

Pour Dostoïevski, ce fut alors le départ pour la forteresse d'Omsk, en 1 Sipa-lcono 2 Bildarchiv Preussischer Kulturbesitz 3, 4 Novosti Press Agency Sibérie : quatre ans de bagne et cinq ans dans l'armée comme simple soldat.

Dostoïevski fut arrêté alors qu'il avait vingt-huit ans.

DOSTOÏEVSKI 03. »

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