Devoir de Philosophie

Selon votre préférence, vous ferez soit un court résumé du passage suivant dont vous respecterez le mouvement, soit une analyse qui, distinguant et analysant les thèmes, s'attache à rendre compte de leurs rapports. Vous dégagerez ensuite du texte un problème que vous jugez important, en préciserez les données, le discuterez s'il y a lieu et exposerez, en les justifiant, vos propres vues sur la question.

Publié le 16/02/2011

Extrait du document

question

[Hector, fils du roi Priam, vient de rentrer à Troie, à la tête d'une arillée victorieuse. La guerre est finie. Quand Hector aura prononcé le discours aux morts, on fermera les portes du temple de la guerre. Mais une autre guerre menace, guerre dont Démokos est partisan.] HECTOR. — 0 vous qui ne nous entendez pas, qui ne nous voyez pas, écoutez ces paroles, voyez ce cortège. Nous sommes les vainqueurs. Cela vous est bien égal, n'est-ce pas ? Vous aussi vous l'êtes. Mais, nous, nous sommes les vainqueurs vivants ! C'est ici que commence la différence. C'est ici que j'ai honte. Je ne sais si dans la foule des morts on distingue les morts vainqueurs par une cocarde. Les vivants, vainqueurs ou non, ont la vraie cocarde, la double cocarde. Ce sont leurs yeux. Nous, nous avons deux yeux, mes pauvres amis. Nous voyons le soleil. Nous faisons tout ce qui se fait dans le soleil. Nous mangeons. Nous buvons... Et dans le clair de lune !... Nous couchons avec nos femmes... Avec les vôtres aussi... DÉmokos. — Tu insultes les morts, maintenant ? HECTOR. — Vraiment, tu crois ? DÉMOKOS. — Ou les morts, ou les vivants. HECTOR. — Il y a une distinction... PRIAM. — Achève, Hector... Les Grecs débarquent... HECTOR. — J'achève... 0 vous qui ne sentez pas, qui ne touchez pas, respirez cet encens, touchez ces offrandes. Puisqu'enfin c'est un général sincère qui vous parle, apprenez que je n'ai pas une tendresse égale, un respect égal pour vous tous. Tout morts que vous êtes, il y a chez vous la même proportion de braves et de peureux que chez nous qui avons survécu et vous ne me ferez pas confondre, à la faveur d'une cérémonie, les morts que j'admire avec les morts que je n'admire pas. Mais ce que j'ai à vous dire aujourd'hui, c'est que la guerre me semble la recette la plus sordide et la plus hypocrite pour égaliser les humains et que je n'admets pas plus la mort comme châtiment ou comme expiation au lâche que comme récompense aux vivants. Aussi qui que vous soyez, vous absents, vous inexistants, vous oubliés, vous sans occupation, sans repos, sans être, je comprends en effet qu'il faille en fermant ces portes excuser près de vous ces déserteurs que sont les survivants, et ressentir comme un privilège et un vol ces deux biens qui s'appellent de deux noms, dont j'espère que la résonance ne vous atteint jamais, la chaleur et le ciel.

Jean GIRAUDOUX, La Guerre de Troie n'aura pas lieu, II. 5 (Grasset).

question

« INTRODUCTIONDans la seconde partie de son discours, Hector refuse de confondre tous les soldats morts dans une mêmeadmiration, il explique ainsi son dégoût de la guerre : « ...la guerre me semble la recette la plus sordide et la plushypocrite pour égaliser les humains...

» S'il est étonnant d'entendre s'exprimer ainsi un général d'armée, il faut sedemander ce qui lui répugne, et pourquoi il montre cette véhémence.

Pour cela il est important de se rappeler quecette pièce La Guerre de Troie n'aura pas lieu fut écrite par Giraudoux à un moment où chacun sentait confusémentqu'une guerre était inévitable ; nous ne devons donc pas nous cantonner à ce que représentait la guerre dans laGrèce antique, mais au contraire donner à Hector une sensibilité moderne, et à ses paroles une résonance familière. I.

- A QUOI S'OPPOSE HECTOR Le discours d'Hector prend tout son intérêt par rapport à ce que nous savons des discours habituels, prononcés lorsdes hommages rendus aux soldats morts.

Les thèmes traditionnels en cette occasion sont : la reconnaissanceéternelle de la patrie, le rappel des actions héroïques des soldats, et l'affirmation de l'utilité de leur mort.

Ici,Giraudoux se livre à un anti-discours : la reconnaissance des survivants n'est guère éternelle puisqu'ils s'efforcentde les effacer : « Nous couchons avec nos femmes...

Avec les vôtres aussi...

» Si Hector reconnaît que certainssoldats furent très courageux, il ne passe pas sous silence que d'autres ont eu peur et ont reculé.

Et l'on sedemande en l'écoutant s'ils ne sont pas morts pour rien, puisqu'il ne fait déjà plus la différence entre vainqueurs etvaincus, que les seuls vainqueurs sont les survivants. A cette phrase qui nous montre qu'Hector ne s'en prend pas aux combattants eux-mêmes, mais à la guerre qui lesentraîne, s'opposent les paroles de certains hommes qui ont réfléchi à ce problème.

Joseph de Maistre par exempledéclare dans Les soirées de Saint-Pétersbourg : « La guerre est divine en elle-même, puisque c'est une loi du monde».

« Recette » pour l'un, «loi » pour l'autre, ce phénomène est interprété très diversement.

Pourtant, les dernièresexpériences malheureuses en ce domaine ont appris aux hommes qué la guerre est bien plutôt le résultat d'unesituation économique, sociale et politique, qu'elle n'est donc pas fatale.

Mais si on reconnaît volontiers que la guerrepeut être enrayée dans la mesure où les hommes eux-mêmes en sont responsables, beaucoup ne s'accordent passur ses effets. DISCUSSION DE PRINCIPE Les partisans de la guerre ont toujours eu des raisons humanitaires à avancer.

Mussolini écrit ainsi dans son ouvrageintitulé Fascisme : «La guerre seule porte toutes les énergies humaines à leur tension maximum et imprime le sceaude noblesse sur ceux qui ont le courage de lui faire face.

» Son argument se rapproche, en le déformant, de celui deFreud, selon lequel certaines énergies psychologiques habituellement refoulées trouvent le moyen de s'exprimer dansla guerre.

Ainsi, Mme E.

Harding, disciple de Jung, écrivit en 1933 ce passage malheureusement prophétique : «Aujourd'hui les signes ne manquent pas, qui annoncent que les marées montent dans l'inconscient des individus,comme dans celui des peuples.

Si elles se précipitent sur le monde, une fois de plus le déluge anéantira lesréalisations de la civilisation.

» Mais Mussolini, lui, raisonnait de façon moins scientifique et n'envisageait que la «tension maximum » des énergies humaines, sans se préoccuper de leur éclatement inévitable.

Nous avons appris ànos dépens que l'homme ne peut assumer trop longtemps, sans se détruire, une mobilisation continue de tout sonêtre.

En fait, la « noblesse » semble avoir appartenu plutôt à ceux qui, pris dans un engrenage au mouvementirréversible, ont tenté de maintenir présents autour d'eux des rapports humains amicaux en opposition avec les loisde la guerre.

Mais à côté de ceux-là, combien d'hommes ont dénoncé leurs meilleurs amis, ont abandonné leursproches ! Avec la guerre l'homme retrouve la loi animale de la « jungle », celle du plus fort, anéantissant ainsi en lui-même la civilisation, produit de son humanité. III - LA GUERRE COMME ÉGALISATION DES HUMAINS Le mérite du discours d'Hector est donc de mépriser ces arguments fallacieux.

Il dévoile aussi une préoccupationimportante : ce qu'Hector refuse le plus dans la guerre, c'est l'égalisation des hommes.Certains ont été frappés par le problème contraire : ils regrettent que les hommes soient au départ inégaux, quequelques-uns soient bêtes, d'autres handicapés physiquement ou forts comme Goliath.

Hector, lui, tient à unediversité qui garantit à l'homme son existence comme individu distinct, avant tout ; son refus de confondre,lorsqu'ils sont morts, les braves et les lâches, est très significatif.

Si personne ne se préoccupe de l'attitude qu'eutun homme de son vivant, sa vie se trouve privée de toute signification.Or la guerre nivelle les hommes à double titre : d'abord comme soldats.

Gromaire, dans son tableau intitulé LaGuerre, en a donné une expression saisissante.

Il représente fort bien ce que veut dire Denis de Rougemont dansson ouvrage L'amour et l'occident : « Il ne s'agissait plus de violence du sang, mais de brutalité quantitative, demasses lancées les unes contre les autres non plus par des mouvements de délire passionnel, mais bien par desintelligences calculatrices d'ingénieurs.

» Cela, c'est la guerre moderne, non pas la guerre de Troie chantée parHomère, où les héros s'affrontent personnellement.

Nous voyons donc que la pièce de Giraudoux n'a que desrapports lointains avec la période historique où elle est censée se situer.

Cette phrase d'Hector seraitincompréhensible en dehors d'un contexte contemporain.

En revanche, nombreux sont les écrivains de notre époque. »

↓↓↓ APERÇU DU DOCUMENT ↓↓↓

Liens utiles