SCHELLING Recherches philosophiques sur l'essence de la liberté humaine et les sujets qui s'y rattachent

Les Recherches de 1809 accomplissent une grande rectification spéculative. Rectifier : autrement dit penser toute la rigueur du concept en le repla¬çant — exactement : le retrouvant ou le réfléchissant, comme en un miroir — dans l'organisme du système. Affronter, à cette fin, d'autres concepts, incomplets, préparatoires ou contradictoires, de ce qui est cherché : explorer, donc, les voies déjà frayées — par Platon, Spinoza, Leibniz, Kant, Fichte. Mais rectifier, c'est aussi rétablir et publier — presque pour la der¬nière fois — ce que lui, Schelling, pense en propre, fuir, dans les hauteurs, les contresens des adversaires et la convoitise des disciples.

L'essai, recueilli en volume avec des publications très antérieures, s'assigne, extérieurement au moins, une tâche unique : compléter l'Exposition de mon sys¬tème de philosophie de 1801, premier lever d'une philo¬sophie schellingienne autonome, affranchie de l'allé¬geance à Fichte, et première exposition de la

philosophie dite de l'identité mais fragmentaire

encore, limitée à la philosophie de la nature. Les Recherches entendent donc présenter la philosophie de l'esprit, plus exactement leu concept de la partie

idéelle de la philosophie' «, constituant ainsi le second fragment d'une totalité systématique.

L'écrit, pourtant, fera dériver Schelling vers d'au¬tres parages.

Ce qui se manifestait dans l'extériorité d'un pro-gramme est aussi immédiatement le plus intérieur, la question même : le problème de la philosophie, le problème du système. Et déjà le programme est trans¬posé par ce qui le précise : il ne s'agira pas de produire une philosophie de l'esprit à côté d'une philosophie de la nature, mais de commencer à penser une autre opposition, « l'opposition supérieure2 « de la nécessité et de la liberté, qui reconduira la première à l'identité, comme elle-même, correctement entendue, en revient et y revient. Ce n'est donc pas a simplement « la liberté qui est en cause : la liberté vient en question dans son lien systématique avec le système, avec < la totalité d'une vue scientifique du monde3 «.

Or ce lien est spontanément, communément, celui de la contradiction, d'une scission tragique de la pensée qui toujours posant l'un doit nier l'autre. Dans cette négation même, elle n'est pas encore raison,

qui tend à l'unité« 4. Entre la philosophie dans sa détermination la plus haute — le système de la philo¬sophie — et la liberté dans sa donation affective, il y aurait une alternative implacable : il faudrait, de deux choses l'une, dépasser la philosophie ou embrasser la nécessité. La double réduction au travail ici, de toute philosophie rationnelle au panthéisme et du pan¬théisme à s la fatalité des actions «, remonte à l'en¬fance de l'idéalisme allemand, à cette crise inaugurale qu'avait déclenchée, en 1785, la querelle du pan-théisme, autour des Lettres à Moses Mendelssohn sur la doctrine de Spinoza de Jacobi, et revivifiée Fr. Schlegel