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Rôle de l'habitude dans l'activité intellectuelle. ?

Publié le 15/06/2009

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?Tant que les faits dont il est le témoin ne lui occasionnent ni plaisir ni douleur, l'animal semble les ignorer et reste indifférent à leur égard. L'homme, au contraire, dès qu'il est parvenu à l'âge de raison, s'intéresse même aux choses qui semblent ne présenter pour lui aucun intérêt : naturellement, il désire savoir et comprendre. Tout d'abord, il se plaît à bien connaître les faits, à les analyser dans leurs détails et leurs éléments. Ensuite, il cherche à les expliquer, c'est-à-dire à déterminer leurs causes ou leurs raisons, aboutissant ainsi à la découverte de lois générales. Non content de cela, il aspire à faire la synthèse des connaissances fragmentaires auxquelles il a abouti : il tente de larges hypothèses, de vastes systèmes qui englobent tout le connu. Cet effort de l'esprit pour connaître et comprendre constitue l'activité intellectuelle. Cette activité pourrait nous paraître, à première vue, ne pas avoir de frein plus puissant que l'habitude. En effet, si l'on en croit Sully Prudhomme: L'habitude est une étrangère Qui supplante en nous la raison Elle émousse la curiosité et. le désir de comprendre. Sous son influence,, toute notre activité, devenue automatique et presque inconsciente, s'est libérée de la direction de l'intelligence : ainsi l'habitude semble entraîner la disparition de l'activité intellectuelle.

« Ensuite, l'activité intellectuelle est infructueuse si l'on n'a pas bien en main le système d'expression et d'expositionessentiellement destiné, semble-t-il, à communiquer avec autrui, mais devenu, en fait, la condition et commel'instrument indispensable de la pensée.On ne pense pas bien une chose tant qu'on ne l'a pas exprimée.

Une idée qui n'est que pensée, si toutefois elle estune vraie pensée, n'est pas une base solide pour une nouvelle progression en avant.

Suivant le mot célèbred'HAMILTON : « Les mots sont les forteresses de la pensée; ils nous permettent...

de faire de chaque conquêteintellectuelle une base d'opérations peur des conquêtes ultérieures.

» Une condition indispensable de la vieintellectuelle est donc de bien posséder sa langue; c'est pourquoi les éludes littéraires doivent précéder les étudesprofessionnelles, du moins lorsque la profession exige une importante activité intellectuelle.

Mais le langage, le sensde ce qui est bien dit, s'acquiert par l'habitude; c'est en écoutant parler que l'enfant apprend à parler, c'est enlisant et en écrivant qu'il apprend à écrire.L'art de la composition est, lui aussi, affaire d'exercice et d'habitude.

On rencontre parfois des élèves qui écriventbien mais ne savent pas mettre leurs idées en ordre.

Dans leurs écrits, les pensées sont juxtaposées et nonenchaînées les unes aux autres; leur dissertation est une accumulation, parfois riche, de réflexions, ce n'est pas uneconstruction présentant une unité réelle.

De l'activité intellectuelle, ils possèdent l'élément, la pensée particulièrequ'exprime une phrase : ils n'ont pas encore la puissance de synthétiser qui fait son couronnement.

Cette puissancedépend bien de dons naturels, mais elle -se développe par l'exercice : on s'habitue, par des exercices répétés, à lapensée logique et à la composition ordonnée, comme on s'habitue à écrire correctement.

Si je me plie, sans trop dedifficultés, aux règles de la dissertation philosophique, c'est que je n'en suis pas à mon premier essai : je commenceà être habitué à cette discipline d'esprit. *** Après ces observations générales appuyées sur un fait concret, tâchons, suivant l'activité intellectuelle à sesdiverses étapes et dans ses diverses opérations, d'y préciser le rôle de l'habitude.L'intelligence est comme une machine qui transforme la matière qui lui est fournie, mais qui ne saurait rien produiresans cette donnée première.

Cette donnée provient de l'intuition empirique; par elle-même, la conscience nous faitconnaître nos états intérieurs; par l'intermédiaire des sens, elle nous met en rapport avec le monde extérieur.Mais le donné de la conscience aussi bien que le donné des sens est, à l'origine, bien confus : sensations,sentiments, souvenirs et constructions imaginaires, impressions d'ombres et de lumières, de couleurs et de formes, yfusionnent d'une manière indescriptible.

Ce n'est qu'après des exercices multiples qu'au chaos des impressions et dessensations primitives se substituent des perceptions : nous savons discerner les lignes qui caractérisent les objets;une ombre nous permet d'apprécier le relief; d'après la grandeur relative des choses, nous jugeons de leur distance;leur apparence visuelle suffit à nous renseigner sur les sensations tactiles ou thermiques qu'elles provoqueraient.

Iln'y a plus chez l'adulte de ces perceptions naturelles dans lesquelles l'esprit n'ajoute rien aux données del'expérience immédiate : nous n'avons plus que des perceptions acquises, et cette acquisition est affaire d'habitude.Il pourrait sembler que nous sommes loin de l'activité intellectuelle proprement dite : en fait, nous en sommes toutprès.

En effet, les modes inférieurs de la pensée se mêlent aux spéculations les plus relevées et l'intelligenceintervient dans les opérations les plus élémentaires.

L'acte essentiel de l'intelligence est de comprendre (intelligere);or, entre percevoir et comprendre il n'y a qu'une différence de degré; quand il s'agit d'une perception difficile, il nousarrive de dire : « je ne comprends pas ce que c'est »; par contre, le professeur qui vient d'expliquer un théorèmepeut demander : « Vous avec vu ? » aussi bien que : « Vous avez compris ? »Le second moment du processus intellectuel et l'acte essentiel de l'intelligence est la perception de rapports entreles choses connues par intuition empirique : rapports de coïncidence ou de succession, rapports de ressemblance,de causalité...

Une coïncidence ou une succession nous suggère l'existence d'un rapport de causalité; uneressemblance qui consiste dans une identité partielle nous amène à supposer une identité totale ou plutôtessentielle.

Mais que d'erreurs grossières nous commettrions si nous nous abandonnions sans réserve à cette pentede notre esprit! Les démarches spontanées de notre pensée doivent être contrôlées méthodiquement.

On ne peutconclure d'une coïncidence à un rapport de causalité qu'après une vérification minutieuse de l'hypothèse.

L'activitéintellectuelle paraît donc devoir être très lente.Elle serait excessivement lente, s'il n'y avait pas l'habitude.

Grâce à l'habitude, il se produit dans le domaine del'intellection un phénomène analogue à celui que nous avons observé dans le domaine de la perception.

Dans le réeloù, pour celui qui n'est pas habitué à la recherche intellectuelle, tout s'emmêle et se confond, le savant formé parde longues études voit quelques éléments se détacher, ceux-là mêmes qui se commandent les uns les autres; lesautres s'estompent dans un fond vague, et il ne les voit même pas.

Ainsi, c'est d'un coup d'oeil que le médecindiagnostique la cause du mal; c'est instantanément que le policier discerne le meneur; c'est en quelques minutesque le professeur a remis sur pied le plan informe d'un élève.Dans l'activité intellectuelle comme dans toute activité, le succès dépend dans une très grande mesure, del'expérience et qui dit expérience, dit habitude.Mais peut-on dire que le ressort même de l'activité intellectuelle est monté par l'habitude ? Ce qui pousse l'homme àchercher, c'est la conviction que tout est explicable, que tout a sa raison suffisante.

Peut-on faire du principe deraison suffisante une acquisition de l'habitude ?Une importante école philosophique, l'école empiriste, l'a prétendu.

Si l'on en croit HUME, par exemple, c'est parceque nous avons observé la raison suffisante de tous les faits dont nous avons été les témoins, que nous avons prisl'habitude de nous représenter les choses avec leur raison suffisante ou leur cause, et que nous en sommes venus àce point de ne plus pouvoir concevoir un être qui n'aurait pas sa raison suffisante ou un commencement qui n'auraitpas de cause.La discussion approfondie de cette théorie nous mènerait trop loin.

Qu'il nous suffise de faire remarquer qu'elle part. »

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