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Révolutions de 1848 - histoire

Publié le 11/02/2013

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histoire

1   PRÉSENTATION

Révolutions de 1848, vaste vague révolutionnaire — à dominante républicaine (France), libérale et unitaire (Italie, Allemagne), nationaliste (Autriche) — qui a traversé l’Europe en 1848-1849. Ayant débuté en janvier-février 1848, les révoltes ont fortement ébranlé les monarchies européennes déjà fragilisées par les échecs précédents des tentatives de réformes politiques et économiques.

2   DES REVENDICATIONS DIVERSES

Sur un plan politique, la bourgeoisie et une certaine noblesse exigent la création de gouvernements constitutionnels, aux dépens des monarchistes absolutistes en place. Dans le souvenir d’une crise économique à peine finissante, les ouvriers et paysans, essentiellement en France, entrent pour leur part en rébellion contre l’exploitation capitaliste — en particulier celle des gros propriétaires fonciers ; leur intervention donne une coloration sociale à la crise.

D’un point de vue général, ce séisme d’échelle continentale remet en cause l’ordre établi au cours du congrès de Vienne (1815), qui a redessiné la carte de l’Europe sans tenir compte des spécificités nationales, en particulier dans les Balkans et en Europe centrale. La secousse du « Printemps des peuples « traverse l’Europe des Empires (se faisant ressentir jusqu’en Grande-Bretagne) et témoigne ainsi d’une de ses principales caractéristiques : le réveil des nationalités qui exigent leur autonomie (tels les Polonais, Allemands, Italiens, Tchèques, Slovaques, Hongrois, Croates, Roumains, etc.).

3   L'AIGUILLON FRANÇAIS

La révolution éclate en France le 22 février 1848 (voir Révolution française de février 1848). Guidés notamment par Louis Blanc, les partisans du suffrage universel et des réformes sociales forcent le roi Louis-Philippe à abdiquer et à prendre la route de l’exil le 24. La nouvelle de cette abdication, fortement symbolique, se propage dans toute l’Europe en même temps que l’annonce de l’instauration de la IIe République.

L’opinion française peut croire que la rupture avec l’ordre ancien est consommée. Mais les divergences entre les insurgés (bourgeois libéraux socialement conservateurs d’une part, et républicains démocrates favorables à une république sociale d’autre part) entraînent une bataille politique pour le contrôle du nouveau régime. Il s’ensuit un large désordre qui désoriente la classe ouvrière, première concernée par l’éventuel succès de la révolution sociale.

Lassé et laissé pour compte, le petit peuple de Paris s’insurge à la suite de la fermeture des Ateliers nationaux — garants du travail face à la crise et au chômage. Des émeutes éclatent entre le 23 et le 26 juin 1848. Leur sanglante répression (6 000 morts au total) marque l’agonie du mouvement révolutionnaire : avec le soutien du parti de l’Ordre composé de monarchistes et de catholiques, Louis Napoléon (neveu de Napoléon Ier et futur Napoléon III) se fait élire président à la fin de l’année.

La révolution parisienne de 1848, dans sa force propre et parce que la France est le creuset de l’esprit révolutionnaire (1789), fait office de symbole. C’est une des étincelles qui embrase l’Europe et encourage en particulier les mouvements républicains favorables à l’unité nationale (Italie). Au reste, le caractère emblématique des événements ayant entraîné la chute de Louis-Philippe ne doit pas masquer d’autres faits. Ainsi, le feu couve en Italie depuis 1847 ; il éclate en plusieurs points de la péninsule dès janvier 1848, un mois avant la révolution parisienne. En somme, s’il y a une coïncidence temporelle dans le Printemps des peuples, il ne faut pas faire de Paris l’épicentre ou l’unique détonateur d’une crise d’envergure continentale, aux causes multiples et différenciées.

4   L'ITALIE ET L'ASPIRATION À L'UNITÉ NATIONALE

Sous l’horizon d’une Italie morcelée par les petits royaumes, la révolution est provoquée par une triple aspiration des Italiens à la liberté politique, à l’unité de la péninsule (voir unification italienne), à l’indépendance vis-à-vis de l’Empire austro-hongrois.

4.1   Réformes et républiques italiennes

À partir de 1846, le pape Pie IX à Rome et le roi Charles-Albert en Piémont-Sardaigne mettent en œuvre une série de réformes libérales dans leurs États, notamment la liberté de la presse et le droit de réunion. Ces réformes emportent l’adhésion de patriotes, tel Giuseppe Mazzini. Mais c’est depuis la Sicile que se déploie le mouvement révolutionnaire.

Le 10 février 1848, le roi Ferdinand II des Deux-Siciles, qui fait face à un mouvement de rébellion d’inspiration libérale parti de Palerme le 12 janvier, promulgue en hâte une constitution pour Naples, inspirée de la Charte française de 1830. Première victoire révolutionnaire, la Constitution napolitaine est immédiatement suivie de celle de Palerme ; puis, en mars, un Statut constitutionnel (Statuto) est octroyé au Piémont et les États pontificaux obtiennent du pape l’établissement d’une assemblée.

Au printemps, la nouvelle de la chute du chancelier Metternich embrase toute l’Italie. À Milan, sous domination autrichienne, des combats mettent aux prises soldats italiens et autrichiens à partir du 18 mars ; ils aboutissent au départ du gouverneur autrichien le 22 (les « Cinq Jours «). Le même jour, à Venise — autre possession de l’Empire —, l’avocat libéral Daniele Manin proclame la « république de Saint-Marc «. À Florence, à Rome, à Turin, les souverains anticipent l’insurrection en promulguant des constitutions.

4.2   Vers l’unification ?

Parallèlement à cette phase d’établissement de régimes libéraux, le roi du Piémont Charles-Albert se laisse entraîner par les Milanais dans une guerre d’indépendance contre l’Autriche (22 mars 1848). Ayant reçu le soutien du grand-duc de Toscane, de Ferdinand II de Naples et du pape, Charles-Albert se pose en défenseur de l’unification et l’indépendance. Mais le 29 avril, le pape se retire et réprouve cette guerre contre une puissance catholique ; d’autres le suivent bientôt, effritant la coalition ; trop peu nombreux, les soldats italiens subissent alors une cuisante défaite à Custozza (25 juillet 1848), ce qui oblige Charles-Albert à signer l’armistice le 9 août.

Les républicains prennent alors le relais. À Venise, Daniele Manin établit une véritable dictature républicaine. À Florence, le grand-duc doit fuir et la république de Toscane est proclamée. À Rome, après la fuite du pape — qui se réfugie à Gaète où Ferdinand II a, entre-temps, abrogé la Constitution —, Mazzini dirige la République romaine, proclamée en février 1849 et défendue par les « Chemises rouges « de Giuseppe Garibaldi.

Néanmoins, pour que le mouvement prenne une consonance réellement unitaire, il faut que le roi Charles-Albert s’aligne sur l’élan républicain et fasse triompher l’unitarisme en combattant l’Autriche. Le 20 mars 1849, ce dernier lance une nouvelle offensive contre l’Empire qui aboutit à la défaite de Novare (23 mars). Le roi abdique le soir même en faveur de son fils, Victor-Emmanuel II. Celui-ci conclut la paix ce qui permet au Piémont de garder son indépendance.

Ce dernier échec donne un coup d’arrêt au rêve unitaire ; les Habsbourg rétablissent leur autorité en Lombardie, en Vénétie et en Toscane ; la République mazzinienne est étranglée par une intervention militaire française (juin 1849) qui réinstalle le pape dans son autorité vaticane ; Venise, assiégée par les Autrichiens, tombe en août 1849. De ces deux années d’agitation, l’Italie ne conserve que la Constitution du Piémont, faisant désormais office de champion de l’unité italienne.

5   LE RÉVEIL DE LA MOSAÏQUE ALLEMANDE

En Allemagne se développe un mouvement libéral puissant que les forces conservatrices, en dépit de leurs faiblesses, finissent par éteindre.

L’agitation règne depuis plusieurs mois à Berlin (journaux, réunions) lorsque l’annonce des événements parisiens sert de détonateur à la révolution. Au cours du mois de mars 1848, les manifestations touchent l’ensemble de la Confédération germanique, entraînant l’abdication du roi Louis Ier de Bavière (20 mars) et l’obtention des principales libertés politiques en Hesse-Nassau, Wurtemberg, Bade, etc.

5.1   Le Parlement de Francfort

L’onde de choc finit par atteindre la Prusse. Le pays étant déjà dans une situation économique difficile, Frédéric-Guillaume IV, conseillé par son frère, opte pour la manière forte : le 18 mars, il fait donner la troupe contre les manifestants. Mais les Berlinois répliquent en érigeant, dans la nuit, de nombreuses barricades. Le souverain — après avoir congédié son frère et salué les manifestants morts en signe de réconciliation avec le peuple — se rallie à des thèses plus libérales. Le 21 mars, une fois l’armée démobilisée, il annonce la réunion d’une assemblée nationale unitaire et constituante élue au suffrage universel.

Ce Parlement, réuni à Francfort le 18 mai 1848, comprend toutes les tendances politiques allemandes. Il permet aux plus audacieux d’espérer une double victoire : celle de l’égalité et de la fin des privilèges, et celle du pangermanisme donnant naissance à une « patrie allemande « unifiée. Les élus adoptent la suppression des redevances féodales et élargissent les libertés politiques. Surtout, ils déclarent immédiatement leur intention de réaliser l’unité allemande en créant un État fédéral (Bundestaat). Un gouvernement fédéral provisoire supprime les douanes entre États et, en juin, crée une représentation diplomatique commune. Toutefois, ils éludent la question centrale relative à la participation de l’Autriche à l’État allemand. Lorsque le sujet vient à l’ordre du jour, le Parlement de Francfort se divise entre partisans d’une « Petite Allemagne « et partisans d’une « Grande Allemagne « — sous la conduite de l’Autriche des Habsbourg. Les premiers l’emportent et, en avril 1849, proposent la couronne impériale au roi de Prusse.

5.2   La question pangermaniste

Mais entre-temps, Frédéric-Guillaume IV de Prusse entend mettre un frein aux mouvements libéraux. Pour ce faire, il institue une chambre où l’élection, permise par un certain niveau de revenus, exclut de fait les fractions les plus avancées d’une opposition non fortunée. Ce « tour de passe-passe « politique (qu’imitent la plupart des autres souverains allemands) limite aussitôt les effets du libéralisme des intellectuels et des bourgeois siégeant à Francfort. Par ailleurs, craignant les réactions de l’Autriche, Frédéric-Guillaume IV refuse la couronne impériale lorsqu’elle lui est proposée par le Parlement (avril 1849).

Très rapidement, l’activisme de Francfort s’essouffle et le rêve d’unité s’évapore. La répression s’abat sur les radicaux qui luttent toujours pour une plus grande justice sociale et politique. Berlin est assiégée en novembre 1848 ; le Parlement de Francfort est exilé à Stuttgart, puis est dissous sans grand remous (juin 1849). L’unité allemande se fait alors par le biais d’une « union restreinte «, lorsque Frédéric-Guillaume IV accepte finalement la couronne impériale, non du peuple mais des princes, en mai 1849. L’idéal d’un régime démocratique est, pour l’heure, repoussé sine die.

6   L'AUTRICHE AU BORD DE LA DISLOCATION

En Autriche, la révolution est favorisée par trois éléments principaux : la faiblesse d’un empire figé dans des structures d’Ancien Régime et obligé d’user de la force pour garantir son intégrité ; l’aspiration à une réforme libérale parmi la haute bourgeoisie, l’aristocratie, les milieux intellectuels et étudiants viennois ; le réveil des nationalismes qui revendiquent le droit des peuples non germanophones à disposer d’eux-mêmes.

L’Autriche est en effet constituée, depuis le congrès de Vienne (1815), d’une mosaïque de nationalités : Polonais de Galice, Slovaques, Tchèques de Bohême, Roumains de Transylvanie, Croates, Slovènes, Italiens du Piémont et du Trentin, et surtout Magyars de Hongrie — ces derniers disposent déjà d’un gouvernement propre et souhaitent ardemment la fin de l’autorité viennoise.

6.1   Les insurrections viennoises

Le 13 mars 1848, à Vienne, poussée par une foule d’étudiants et d’ouvriers, la diète de Basse-Autriche marche sur le palais impérial de Hofburg, contraignant le vieux prince von Metternich, symbole vivant de l’absolutisme, à fuir. En concédant quelques libertés (presse, droit de réunion) et en promettant une constitution, l’empereur Ferdinand Ier tente de calmer la fougue des manifestants.

Mais le texte promulgué en mai est trop frileux et provoque d’immédiates émeutes : le 15 mai 1848, la ville s’insurge à nouveau ; Ferdinand Ier se réfugie à Innsbruck tandis qu’est annoncée la convocation d’un parlement constituant, élu au suffrage universel. Ce projet favorise d’emblée les revendications nationales. L’armée et le chancelier Schwarzenberg mobilisent alors les forces conservatrices, ce qui leur permet de reprendre Vienne le 27 juin.

À partir du 6 octobre 1848, Vienne, aux mains des démocrates, est en proie à une nouvelle insurrection contre l’instance impériale. Après un mois de bombardements, la ville se soumet le 31. Le nouveau chancelier Schwarzenberg rétablit l’autorité impériale en faisant abdiquer le faible Ferdinand Ier au profit de François Joseph.

6.2   Le panslavisme de Bohême

À Prague, le comité de Saint-Wenceslas permet l’instauration d’une constitution libérale, la charte de Bohême (8 avril 1848). Elle reconnaît les droits historiques du peuple tchèque, mais revendique uniquement l’autonomie et non l’indépendance. Néanmoins, cet acquis révolutionnaire renforce le panslavisme (principe et projet d’unité des peuples slaves) ; or le tsar a tout intérêt à soutenir ce mouvement pour prendre pieds en Europe centrale et affaiblir l’Autriche. Les autorités autrichiennes, quant à elles, craignent d’autant plus cette flambée de panslavisme que dans la capitale, sur fond d’agitation des minorités, se réunit le 2 juin le Parlement — composé de Slaves — promis par Ferdinand Ier. L’Empire paraît plus que jamais au bord de la dislocation.

Cependant, après la mort de sa fille lors d’une émeute tchèque à Prague, le prince de Windischgrätz soumet la ville (17 juin 1848) et établit une dictature militaire en Bohême.

6.3   L’échec d’une indépendance hongroise

Forts, organisés et partiellement autonomes, les Hongrois saisissent l’occasion de rompre le carcan datant du congrès de Vienne. Le patriote Lajos Kossuth forme un gouvernement séparatiste le 22 mars 1849 et déclare l’indépendance de tous les territoires magyars (avril). Mais son nationalisme exacerbé heurte les minorités et met en péril l’indépendance. En effet, le tout jeune royaume de Saint-Étienne ne tient pas compte des minorités qu’il inclut ; aussi Serbes, Croates, Roumains, Polonais de Galicie et Slovaques se dressent bientôt contre lui.

Avec l’avènement au trône impérial de François-Joseph Ier, l’Empire semble se pacifier même s’il reste à régler ce cas hongrois. Le mouvement nationaliste, très ancré, résiste aux attaques autrichiennes et François-Joseph se résigne à solliciter l’armée du tsar Nicolas Ier pour réprimer la révolution ; les Hongrois capitulent le 13 août 1849, après la défaite de Temesvár, et Lajos Kossuth se réfugie en Turquie.

7   UN RETOUR À L’ORDRE ANCIEN ?

Là où le printemps 1848 a permis d’imaginer l’ouverture imminente d’un temps nouveau, les échecs (dus aux divisions internes et rébellions) puis la répression ont en définitive favorisé un reflux révolutionnaire : dès 1849, on assiste en Europe à un retour à l’ordre ancien.

En France, malgré tout, les événements ont inscrit durablement dans la mémoire collective l’idéal républicain, qui triomphe bientôt dans l’épreuve de la guerre de 1870-1871. Pour l’Allemagne, l’Italie et la Hongrie, le Printemps des peuples a largement défriché le chemin menant vers l’unité et / ou l’indépendance (acquises respectivement en 1871, 1861, 1867). Enfin, l’Empire autrichien des Habsbourg paraît dorénavant en sursis.

Ce n’est donc que d’un « apparent retour à l’ordre ancien « qu’il s’agit, les événements de 1848-1849 remettant profondément en cause la carte dessinée au congrès de Vienne. Ceux-ci préparent le Vieux Continent à quitter le temps de l’Europe de l’Ancien Régime pour entrer peu à peu dans l’ère des nationalités et des nationalismes.

Soixante-cinq ans plus tard, la Grande Guerre est une conclusion de l’œuvre alors entamée. Elle refaçonne de façon pérenne les frontières de l’Europe du xxe siècle — sauf dans le cas de l’éclatement récent de la Yougoslavie.

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