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RETZ, Jean-François Paul de Gondi, cardinal de : sa vie et son oeuvre

Publié le 01/12/2018

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retz

RETZ, Jean-François Paul de Gondi, cardinal de (1613-1679). Conçue à l’époque où, à la suite de Pascal, le moi est jugé « haïssable », l’œuvre du cardinal de Retz, superbe mise en scène d’une personnalité exceptionnelle, apparaît d’abord comme un défi. Contre une société d’ordre dont l’art tend à l’harmonie, les Mémoires exaltent l’esprit de révolte. Publiés au début du xvmc’ siècle, en pleine Régence, dans un climat de réaction contre le Grand Siècle, ils effraient encore l’honnête homme par le modèle d’aventurier génial qu’ils proposent à la postérité bien avant ceux de Stendhal, de Malraux, de T.E. Lawrence. Saint-Simon prétend que la lecture des Mémoires a « tourné toutes les têtes ». Brossette, l’ami de Boileau, en fournit la preuve : « Oh, le terrible homme que ce Coadjuteur! Son livre me rend ligueur, frondeur et presque séditieux, par contagion, moi qui suis ennemi de toute cabale! »

 

Sa vie est son chef-d'œuvre

 

La vie de Retz étant, au moins jusqu’en 1655, le sujet même des Mémoires, c’est le héros du livre que l’on trouve quand on cherche l’auteur; l’incipit même des Mémoires situe d’emblée le fait biographique dans la perspective du mythe corrigé par l’humour : « Je sors d’une maison illustre en France et ancienne en Italie ». Nul n’ignorait, en fait, que les Gondi étaient d'assez basse condition et ne devaient leur fortune rapide qu’à la faveur de Catherine de Médicis : la grand-mère de Retz vendait des petits chiens, et son grand-père, banquier à Lyon, avait été fait par la reine duc et pair, maréchal de France et gouverneur de Provence. Son père, Philippe Emmanuel, avait épousé Marguerite de Silly, fille du comte de La Rochepot, et Vincent de Paul avait été précepteur de son frère aîné Pierre, avant de devenir aumônier des galères dont Philippe Emmanuel de Gondi était général. Le fils aîné est destiné à succéder à son père; quant au cadet, né à Montmirail, en Champagne, il doit succéder un jour à son grand-oncle, archevêque de Paris. Tonsuré à dix ans, il perd sa mère à treize, et, tandis que son père se retire à l'Oratoire, Paul de Gondi est confié aux jésuites du collège de Clermont. Dès cette époque, note Tallemant des Réaux, qui fut son condisciple, «il ne pouvait souffrir d’égaux et avait souvent querelle ». Élève brillant et paresseux, il excelle dans l’étude des langues, parlant sans peine l’hébreu, le grec, le latin, l’italien, l’anglais et l’allemand; en 1631, reçu bachelier, il quitte le collège « avec l’âme la moins ecclésiastique de l’univers ». « Il a la galanterie en tête, note Tallemant, et veut faire du bruit, mais sa passion dominante, c’est l’ambition ». Lui-même le reconnaît : « Je ne pouvais me passer de galanterie ». Et plus tard, envisageant avec le cynisme d’un Valmont la liste prodigieuse de ses maîtresses : « On n’était pas fâché de voir la pourpre soumise, tout armée et éclatante qu'elle était ». Citons, parmi tant d’autres, Mmc du Châtelet, Mllc des Roches, la princesse de Guéménée, la maréchale de La Meilleraye, Mme de Pommereul, Mlle de Chevreuse. Il ne craignit pas de prétendre à la duchesse de Longueville ni même de chercher à supplanter Mazarin dans le cœur d’Anne d'Autriche, qui lui trouvait « les dents belles ». Quant à Mlle de La Vergne — future Mme de La Fayette —, « mes inconstances et mes différentes amours l’avaient mise en garde contre moi ». Mais sa passion dominante semble très tôt la politique, « chef de parti » lui paraissant le plus beau titre des Vies parallèles de Plutarque. C’est moins le pouvoir qu’il convoite que la mise en échec du pouvoir en place; au cours de ces années de formation et de lectures, il découvre les relations — notamment celle qu’a faite Mascardi — de la conjuration de Fiesque ourdie en 1547 contre le tyran Doria, et il va en tirer une manière de nouvelle qui sera avant tout son bréviaire de sédition : ce rôle de Fiesque, il le répète avant de le jouer toute sa vie; contre Richelieu d’abord, qui, à la lecture du texte que le jeune Gondi écrivit en 1638, s’écria : « Voilà un esprit dangereux! » Déjà se forment en lui des principes qu’il ne trahira jamais : « Les scrupules et la grandeur ont été de tout temps incompatibles » ou « ... ces fantômes d’infamie que l’opinion publique a formés pour épouvanter les âmes du vulgaire ne causent jamais de honte à ceux qui les portent pour des actions éclatantes, quand le succès en est heureux ».

 

Après avoir, à l’en croire, trempé dans la conjuration de La Rochepot contre Richelieu, il soutient avec éclat ses thèses en Sorbonne entre 1636 et 1638. Sa culture théologique est reconnue comme exceptionnelle, au grand dépit de Richelieu. On l’éloigne à Venise, mais, en 1638, il participe directement à la conjuration du comte de Soissons, qui est interrompue en 1641 par la mort de son chef. Gondi s’est surtout préparé à la démagogie, lorsqu’il se décide à devenir coadjuteur et se met à prêcher avec un immense succès, comme fera plus tard le Fabrice de Stendhal; mais il doit attendre la mort du cardinal, puis celle de Louis XIII, pour être enfin nommé, le 12 juin 1643, coadjuteur de l’archevêque de

 

Paris, avec le titre d’évêque de Corinthe in partibus. Il a trente ans : « Il me semble que je n’ai été jusqu’ici que dans le parterre ou, tout au plus, dans l’orchestre, à jouer et à badiner avec les violons; je vais monter sur le théâtre ». Il se propose de devenir le rival de Mazarin et se trouve bientôt au premier rang des protagonistes de la Fronde, sitôt après qu’en 1648 l’autorité de la reine régente s’est heurtée aux ambitions du parlement. Lors-qu’en 1649 la reine quitte Paris pour Saint-Germain, Retz excite les magistrats à l’action, car « lorsque la frayeur est à un certain point, elle produit les mêmes effets que la témérité ». Il inquiète les bourgeois sur le non-remboursement de leurs rentes à l’Hôtel de Ville; il s’allie, la même année, à la reine contre Condé révolté et l’encourage à le faire arrêter au début de 1650 avec Conti et Longueville. Devant la formidable coalition des nobles pour délivrer les « princes », Gondi prend ses distances vis-à-vis du parlement et de Mazarin; mais, en 1651, Mazarin en fuite, les princes libérés, la paix presque rétablie, la reine, soucieuse de se venger de Condé, cherche à s’allier au coadjuteur en lui promettant le chapeau de cardinal. Grâce à lui, Turenne fait échec à Condé, Mazarin revient et, le 1er mars 1651, Gondi est nommé cardinal de Retz. Mais la guerre civile recommence, et Retz est désavoué de tous. En 1652, après que les massacres de l’Hôtel de Ville ont à jamais déconsidéré la Fronde, le roi et la Cour rentrent à Paris, et, le 25 novembre, le parlement se décide à faire arrêter Retz.

 

Il est d’abord emprisonné à Vincennes. L’archevêque de Paris meurt le 24 mars 1654, et Retz devient, de droit, son successeur. Pour empêcher cette succession d’être effective, on arrache au prisonnier sa promesse de démission contre la promesse de sept abbayes, et on le transfère à Nantes : « Je me résolus tout de bon à me sauver ». Ce qu’il fait, dans des conditions romanesques dont se souviendra Stendhal pour l'évasion de Fabrice. Le temps des ambitions passé, commence celui des échecs. Pendant huit ans, Retz, ayant quitté la France, va mener « une vie errante et cachée », partout poursuivi par la haine irréductible de Louis XIV. On le rencontre en Espagne, en Italie, en Suisse, à Rome — pour les conclaves —, en Angleterre, à Bruxelles. Exilé et vagabond, il est encore redouté. En 1661, il donne enfin sa démission pour mettre fin à l’inextricable imbroglio de l’archevêché de Paris et obtenir en contrepartie l’autorisation de revenir en France. Il est, en fait, dès 1662 exilé dans son abbaye de Commercy qu’il ne quittera guère que pour Rome, à l’occasion de nouveaux conclaves ou lorsque les affaires du roi avec la papauté exigent un diplomate de sa classe (en 1662, en 1665, en 1668, en 1670). Il s’installe en 1670 dans une retraite profonde à Commercy et à l’abbaye de Saint-Mihiel toute proche, où il rédige sans doute ses Mémoires; après un dernier conclave en 1676, il est de retour à Commercy en 1678, se rend à Paris chez sa nièce, la duchesse de Lesdiguiè-res, retrouve sa meilleure amie, Mme de Sévigné, et meurt après avoir célébré Pâques à Saint-Denis. On l’enterre de nuit à Saint-Denis et, par ordre du roi, sous une dalle sans inscription : c’est pour cette raison que sa dépouille échappera aux profanations de 1793.

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« perspective du mythe corrigé par J'humour : «Je sors d'une maison illustre en France et ancienne en Italie».

Nul n'ignorait, en fait, que les Gondi étaient d'assez basse condition et ne devaient leur fortune rapide qu'à la faveur de Catherine de Médicis : la grand-mère de Retz vendait des petits chiens, et son grand-père, banquier à Lyon, avait été fait par la reine duc et pair, maréchal de France et gouverneur de Provence.

Son père, Philippe Emmanuel.

avait épousé Marguerite de Silly, fille du comte de La Rochepot, et Vincent de Paul avait été précepteur de son frère aîné Pierre, avant de devenir aumônier des galères dont Philippe Emmanuel de Gondi était général.

Le fils aîné est destiné à succéder à son père; quant au cadet, né à Montmirail, en Champagne, il doit succéder un jour à son grand-oncle, archevêque de Paris.

Tonsuré à dix ans, il perd sa mère à treize, et, tandis que son père se retire à l'Oratoire, Paul de Gondi est confié aux jésuites du collège de Clermont.

Dès cette époque, note Tallemant des Réaux, qui fut son condisci­ ple, «il ne pouvait souffrir d'égaux et avait souvent querelle».

Élève brillant et paresseux, il excelle dans l'étude des langues, parlant sans peine l'hébreu, le grec, le latin, l'italien, l'anglais et l'allemand: en 1631, reçu bachelier, il quitte le collège ,, avec l'âme la moins ecclésiastique de l'univers ».

''Il a la galanterie en tête, note Tallemant, et veut faire du bruit, mais sa passion dominante, c'est l'ambition».

Lui-même le reconnaît: «Je ne pouvais me passer de galanterie>>.

Et plus tard, envisageant avec le cynisme d'un Valmont la liste prodi­ gieuse de ses maîtresses : « On n'était pas fâché de voir la pourpre soumise, tout armée et éclatante qu'elle était >>.

Citons, parmi tant d'autres, M"'e du Châtelet, M 11e des Roches, la princesse de Guéménée, la maréchale de La Meilleraye, Mme de Pommereul, M11• de Chevreuse.

Il ne craignit pas de prétendre à la duchesse de Longueville ni même de chercher à supplanter Mazarin dans le cœur d'Anne d'Autriche, qui lui trouvait «les dents belles>>.

Quant à M11• de La Vergne -future M"'• de La Fayette -, «mes inconstances et mes différentes amours l'avaient mise en garde contre moi>>.

Mais sa passion dominante semble très tôt la politique, « chef de parti >> lui paraissant le plus beau titre des Vies parallèles de Plutarque.

C'est moins le pouvoir qu'il convoite que la mise en échec du pouvoir en place; au cours de ces années de formation et de lectures, il découvre les rela­ tions -notamment celle qu'a faite Mascardi -de la conjuration de Fiesque ourdie en 1547 contre le tyran Doria, et il va en tirer une manière de nouvelle qui sera avant tout son bréviaire de sédition : ce rôle de Fiesque, il le répète avant de le jouer toute sa vie; contre Richelieu d'abord, qui, à la lecture du texte que le jeune Gondi écrivit en 1638, s'écria : «Voilà un esprit dangereux! >> Déjà se forment en lui des principes qu'il ne trahira jamais : « Les scrupules et la grandeur ont été de tout temps incompatibles» ou « ...

ces fantômes d'infamie que l'opinion publique a formés pour épouvanter les âmes du vulgaire ne causent jamais de honte à ceux qui les portent poiJr des actions éclatantes, quand le succès en est heureux >>.

Après avoir, à l'en croire, trempé dans la conjuration de La Rochepot contre Richelieu, il soutient avec éclat ses thèses en Sorbonne entre 1636 et 1638.

Sa culture théologique est reconnue comme exceptionnelle, au grand dépit de Richelieu.

On l'éloigne à Venise, mais, en 1638, il participe directement à la conjuration du comte de Soissons, qui est interrompue en 1641 par la mort de son chef.

Gondi s'est surtout préparé à la déma­ gogie, lorsqu'il se décide à devenir coadjuteur et se met à prêcher avec un immense succès, comme fera plus tard le Fabrice de Stendhal; mais il doit attendre la mort du cardinal, puis celle de Louis XIII, pour être enfin nommé, le 12 juin 1643, coadjuteur de l'archevêque de Paris, avec le titre d'évêque de Corinthe in partibus.

Il a trente ans: «Il me semble que je n'ai été jusqu'ici que dans le parterre ou, tout au plus, dans l'orchestre, à jouer et à badiner avec les violons; je vais monter sur le théâ­ tre>> .

Il se propose de devenir Je rival de Mazarin et se trouve bientôt au premier rang des protagonistes de la Fronde, sitôt après qu'en 1648 l'autorité de la reine régente s'est heurtée aux ambitions du parlement.

Lors­ qu'en 1649 la reine quitte Paris pour Saint-Germain, Retz excite les magistrats à l'action, car « lorsque la frayeur est à un certain point, elle produit les mêmes effets que la témérité>>.

Il inquiète les bourgeois sur le non-remboursement de leurs rentes à J'Hôtel de Ville; il s'allie, la même année, à la reine contre Condé révolté et l'encourage à le faire arrêter au début de 1650 avec Conti et Longueville.

Devant la formidable coalition des nobles pour délivrer les «princes>> , Gondi prend ses distances vis-à-vis du parlement et de Mazarin; mais, en 1651, Mazarin en fuite, les princes libérés, la paix pres­ que rétablie, la reine, soucieuse de se venger de Condé, cherche à s'allier au coadjuteur en lui promettant le cha­ peau de cardinal.

Grâce à lui, Turenne fait échec à Condé, Mazarin revient et, le l er mars 165 1, Gondi est nommé cardinal de Retz.

Mais la guerre civile recom­ mence, et Retz est désavoué de tous.

En 1652, après que les massacres de l'Hôtel de Ville ont à jamais déconsi­ déré la Fronde, le roi et la Cour rentrent à Paris, et, le 25 novembre, le parlement se décide à faire arrêter Retz.

Il est d'abord emprisonné à Vincennes.

L'archevêque de Paris meurt le 24 mars 1654, et Retz devient, de droit, son successeur.

Pour empêcher cette succession d'être effective, on arrache au prisonnier sa promesse de démis­ sion contre la promesse de sept abbayes, et on le transfère à Nantes : «Je me résolus tout de bon à me sauver>> .

Ce qu'il fait, dans des conditions romanesques dont se souviendra Stendhal pour l'évasion de Fabrice.

Le temps des ambitions passé, commence celui des échecs.

Pendant huit ans, Retz, ayant quitté la France, va mener « une vie errante et cachée>> , partout poursuivi par la haine irréductible de Louis XIV.

On le rencontre en Espagne, en Italie, en Suisse, à Rome -pour les conclaves -, en Angleterre, à Bruxelles.

Exilé et vaga­ bond, il est encore redouté.

En 1661, il donne enfin sa démission pour mettre fin à l'inextricable imbroglio de J'archevêché de Paris et obtenir en contrepartie l'autori­ sation de revenir en France.

Il est, en fait, dès 1662 exilé dans son abbaye de Commercy qu'il ne quittera guère que pour Rome, à l'occasion de nouveaux conclaves ou lorsque les affaires du roi avec la papauté exigent un diplomate de sa classe (en 1662, en 1665.

en 1668, en 1670).

Tl s'installe en 1670 dans une retraite profonde à Commercy et à l'abbaye de Saint-Mihiel toute proche, où il rédige sans doute ses Mémoires; après un dernier conclave en 1676, il est de retour à Commercy en 1678, se rend à Paris chez sa nièce, la duchesse de Lesdiguiè­ res, retrouve sa meilleure amie, Mm< de Sévigné, et meurt après avoir célébré Pâques à Saint-Denis.

On l'enterre de nuit à Saint-Denis et, par ordre du roi, sous une dalle sans inscription : c'est pour cette raison que sa dépouille échappera aux profanations de 1793.

De l'œuvre-projet à l'œuvre-revanche Célébré comme le plus grand orateur de son temps, Retz ne s'est pas soucié de conserver ses sermons; il excellait à improviser.

Mais il reste quelques brouillons, trouvés sur lui lors de son arrestation.

Ses fragments sur la fausse charité ou sur l'hypocrisie sont pleins de sel : « Il fait de la dévotion et de la piété des appâts subtils et des pièges invisibles pour attacher les plus fins>>.

Toute une partie de son génie s'est appliquée à une utilisation efficace et directe, pratique même, de l' écri-. »

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