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Pourquoi distingue-t-on la production de la création ?

Publié le 22/02/2012

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Il nous semble qu'au fondement de cette nouvelle hiérarchie qui s'instaure entre ces deux types d'acte et aboutit à la valorisation du créer, se trouve une distinction entre l'action de la nature et l'action de l'Homme. En effet, il apparaît que le terme « produire » se rapporte essentiellement à l'action de la nature. C'est l'ouragan qui produit des dégâts, c'est la nature qui produit les fruits. Produire désignerait de cette manière l'action d'une cause qui induit un effet. Produire, c'est produire un effet. L'acte proprement humain est donc bien l'acte de créer, et le terme de créer acquiert alors une dimension humaine, qui aboutit à la supériorité du créer sur le produire. En effet, en produisant, la nature donne naissance à des effets, quand l'homme en créant produit des oeuvres. De cette façon, Kant, dans la Critique de la faculté de Juger, dans l'« Analytique du sublime », § 43, distingue les productions « considérées en tant qu'oeuvres » et les « produits de la nature considérés en tant qu'effets ». Le produit de la nature est un acte non réfléchi, qui ne fait pas intervenir la Liberté, faculté qui définit l'Homme lui-même et qui désigne ici, selon Kant « un libre arbitre dont les actions ont pour principe la raison. », la nature agit donc sans intervention de la Liberté, sans intervention d'une fin consciente et déterminée par la Raison, à la manière d'un automate. C'est pourquoi ses produits sont dits être des « effets ».


« que produire, car il donne acte à ce qui n'était pas même en puissance.

L'homme en tant que créature ne peut queproduire au sens où en transformant la nature, la matière il ne fait qu'actualiser ce qui était déjà en puissance dansla matière.

De cette manière, l'acte de créer, est inaccessible aux créatures : « Nul étant crée ne peut causerquelque chose sans une réalité préexistante, ce qui exclut l'idée de création.

» selon Saint-Thomas-d'Aquin.

Dieuéchappe donc totalement au schéma aristotélicien du changement auquel l'homme reste soumis.

En effet l'homme nepeut jamais s'émanciper de cette matière, même lorsqu'il pense faire acte de création, en produisant une réalité,selon lui entièrement nouvelle, il demeure dans la production.

Ainsi l'artiste lui-même n'est-il pas créateur maisproducteur, comme semble le souligner Descartes dans la Première Méditation métaphysique : « si peut-être leurimagination est assez extravagante pour inventer quelque chose de si nouveau que jamais nous n'avons rien vu desemblable et qu'ainsi leur ouvrage représente une chose purement feinte et absolument fausse, certes à tout lemoins les couleurs dont ils les composent doivent être véritables.

» De cette manière, même le peintre que l'onconsidère couramment comme un homme au pouvoir créateur, en raison son imagination fertile que l'on croit,faussement créatrice, n'est qu'un producteur toujours lié à la matière dont il ne peut se détacher.

Créer est un actedonc purement divin, inaccessible à l'homme dont tout acte visant à promouvoir un objet à l'être n'est queproduction.

L'homme ne donne ainsi naissance qu'à des étants, issus d'une matière déjà donnée, quand Dieu créel'être par un pur acte de volonté.

En effet, la volonté divine est efficiente, mais non celle de l'homme.

Si illimitée quesemble la volonté, ainsi que le souligne toujours Descartes, cette dernière n'a pas la puissance efficiente de lavolonté divine.

Créer est donc un acte absolu donnant jour à l'être par un pur acte de volonté efficiente ex nihilo.C'est donc un acte qui dépasse les facultés et la puissance de la créature qu'est l'homme.

Il y a donc une distanceinfinie et irréductible entre créer et produire, car cette distance est ontologique. b) Un lien analogique Cependant, si l'acte de créer est donc bien infiniment supérieur à celui de produire en vertu de la distanceontologique qui sépare ces deux actes, il ne semble que nous devions en déduire nécessairement une dévalorisationde l'acte humain de produire.

En effet, il apparaît que l'acte de produire se comprend à la lumière du « créer » divin.Le produire serait ainsi comme l'image du créer, il fait signe vers l'acte divin, en tant qu'il est imitation de cet acte,et le glorifie.

L'homme serait ainsi l'image de Dieu non en tant que reproduction de l'image figurative de Dieu mais entant qu'il est, justement un producteur.

L'homme est cette créature qui imite l'acte créateur par son produire.

Decette manière, il y a d'une part une distance ontologique irréductible qui distingue l'acte de créer de celui deproduire, mais aussi d'autre part un lien analogique qui permet de comprendre l'un par l'autre.

Produire est ainsi àl'homme ce que créer est à Dieu.

L'homme est donc en un sens, un certain créateur, il est auteur de son mondecomme Dieu est auteur du monde.

Nous pouvons donc, l'acte humain étant ainsi éclairci à la lumière de l'acte divin,considérer l'acte humain, dans une certaine mesure comme un créer.

Créer ne s'entend donc plus tout à fait au sensabsolu de la création divine ex nihilo de l'ensemble des êtres terrestres, mais seulement comme production humainesans antécédent.

De cette manière, Nicolas de Cues semble donner un sens à un créer humain, comme image ducréer divin : « Car de même que Dieu est le créateur des êtres réels et des formes naturelles, de même l'homme estle créateur des êtres rationnels et des formes artificielles […] Ainsi, l'homme a un intellect qui est unesimilitude de l'intellect divin, en tant qu'il crée.

» (De la Conjecture) L'homme est donc bien créateur, créateur deson propre monde, celui des conjectures.

Cependant, cette création ne se confond pas avec la création divine exnihilo, elle est création à l'échelle humaine.

En effet, Dieu est auteur des êtres réels qui ont une effectivitéphénoménale, l'homme, quant à lui est auteur d'êtres de raison qui ne peuvent s'incarner.

La puissance divine decréer est donc infiniment supérieure, mais elle donne un sens à l'acte producteur humain, qui dans une certainemesure, par son imitation, peut s'entendre comme un créer.

Le terme de créer acquiert alors un double sens : unsens absolu en tant qu'il désigne un acte divin par lequel Dieu promeut à l'existence l'ensemble des êtresphénoménaux ex nihilo, en un instant, et un sens relatif se rapportant à l'homme et désignant la faculté humaine dedonner jour à des réalités humaines sans antécédents, mais prenant appui sur un déjà donné.Créer et produire ne peuvent donc être simplement considérés comme deux termes synonymes, ils désignent bien enquelque sorte un même acte, celui de promouvoir une réalité à l'existence, mais relèvent de deux modes deproduction et de deux mondes différents.

L'un décrit l'action divine et l'autre l'action proprement humaine.

Leproduire semble donc bien être le mode singulier de l'agir humain.

Au terme de ce parcours, décrivant la distinctionontologique des deux modes de production, apparaît alors surtout un lien analogique, qui fait de l'action humaine deproduire l'image de l'action divine ce qui donne alors un sens à l'idée d'un créer humain.

Le terme de « créer »acquiert alors une dimension proprement humaine, par une relativisation du terme.

En effet, créer ne désigne plus unacte de production ex nihilo de tout l'être, mais une production d'un monde proprement humain.

Il semble de cettemanière, que ces deux termes servent alors à distinguer non plus l'acte divin de l'acte humain, mais les différentsmodes par lesquels les hommes donnent naissance à des objets.

De cette façon, la distinction paraît perdre savaleur strictement ontologique, pour devenir bien plus une distinction axiologique.

En effet, de même que l'acte divinde créer est nettement supérieur à l'acte humain de produire, de la même manière à l'échelle purement humaine,créer semble désigner un acte ayant de valeur que celui de produire.Il nous faut donc comprendre comment les actes producteurs humains peuvent se comprendre selon deux modèles,celui du créer et celui du produire, ce qui fonde cette distinction, et si le terme de « créer » a réellement un senshumain, ou s'il se comprend toujours à la lumière de l'idéal de l'acte divin. 2/ Une distinction axiologique L'acte par lequel l'homme promeut à l'existence par la transformation de la nature des objets ne se réduit donc pas àun pur produire.

L'homme semble pouvoir s'élever à un acte de créer, compris cette fois-ci en un sens relatif, non. »

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