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Poèmes à Lou. Apollinaire: Dans un commentaire composé, vous pourrez, par exemple, montrer comment le poète tente, sous l'humour voilé d'un poème-lettre, de faire sentir à la femme qu'il aime son désarroi.

Publié le 24/03/2011

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Nous sommes en février 1915. Quelques mois auparavant; Guillaume Apollinaire, qui vient d'être incorporé au 38e régiment d'artillerie cantonné à Nîmes, a rencontré Louise de C... dont il est tombé éperdument amoureux... Mais le temps a passé. QUATRE jours mon amour pas de lettre de toi Le jour n'existe plus le soleil s'est noyé La caserne est changée en maison de l'effroi Et je suis triste ainsi qu'un cheval convoyé1 5 Que t'est-il arrivé souffres-tu ma chérie Pleures-tu Tu m'avais bien promis de m'écrire Lance ta lettre obus de ton artillerie Qui doit me redonner la vie et le sourire Huit fois déjà le vaguemestre a répondu 10 « Pas de lettres pour vous « Et j'ai presque pleuré Et je cherche au quartier ce joli chien perdu Que nous vîmes ensemble ô mon cœur adoré En souvenir de toi longtemps je le caresse Je crois qu'il se souvient du jour où nous le vîmes 15 Car il me lèche et me regarde avec tendresse Et c'est le seul ami que je connaisse à Nîmes Sans nouvelles de toi je suis désespéré Que fais-tu Je voudrais une lettre demain Le jour s'est assombri qu'il devienne doré 20 Et tristement ma Lou je te baise la main Poèmes à Lou.  

Dans un commentaire composé, vous pourrez, par exemple, montrer comment le poète tente, sous l'humour voilé d'un poème-lettre, de faire sentir à la femme qu'il aime son désarroi. COMMENTAIRE COMPOSÉ. Premières approches. Erreurs à éviter. • Se garder des développements personnels brodant sur l'émotion amoureuse d'Apollinaire. Peu importe qu'Apollinaire soit réellement ému ou non : on sait qu'un des plus beaux poèmes d'amour qui soient, Sur la mort de Marie, a été inspiré à Ronsard par une personne qu'il connaissait à peine et pour qui il n'avait pas de sentiment. Il s'agit d'analyser le texte, les émotions qu'il peut transmettre, et comment il les transmet. • Le libellé du sujet insiste apparemment sur le contenu du texte : ne pas oublier pour autant les remarques techniques qui font comprendre comment sont produites et transmises les impressions.

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« et le rire se mêlent à la tristesse et au désarroi. I.

L'espoir se mêle de plus en plus à la tristesse... • La tristesse. — Vocabulaire de la tristesse : vers 2, 4, 10, 17. — Vocabulaire de l'angoisse : effroi (vers 3), lié par le sens et par la rime (toi) à la femme responsable de cesentiment ; angoisse complétée par la présence de la guerre : rime convoyé/noyé (le cheval convoyé va à la mort— on disait d'ailleurs parfois « à l'abattoir » en parlant du front), présence des armes meurtrières (obus).

— Solitude : qui habite dans la caserne, « changée en maison de l'effroi »? ; « le seul ami ». — Rythme grave, solennel, aidant à exprimer, ici, cette tristesse en lui donnant de l'ampleur : vers 3, alexandrinclassique accentué de façon parfaitement symétrique (accents répartis comme suit : La caserne est changée en maison de l'effroi donc vers coupé en quatre parties égales et symétriques). • Le désarroi. — Cheval convoyé (donc hors de son cadre habituel), chien perdu. — Rythme du vers perturbé, justement pour souligner le désarroi du narrateur et du cheval, vers 4. Et je suis triste ainsi qu'un cheval convoyé (donc 4/5/3). Strophe 2 : désordre du vers et désordre des questions et exclamations. • Mais l'impatience (vers 1 et 9 : insistance sur QUATRE par la typographie, soutenue par l'effet de rime intérieure —jours amour — et par la multiplication du chiffre : 4 donc 8 fois) laisse peu à peu s'installer les images d'espoir. • L'espoir. — Écrire/sourire, « redonner la vie ». — Vers 11 : « Et je cherche » (comme s'il y avait un lien étroit entre les pleurs et la consolation, comme entrel'absence de lettres et les pleurs). — Vers 19, 20 : tristesse dans les deux débuts de vers, espoir dans les deux fins de vers (symétrie tristesse/espoirsoulignée par le jeu des consonnes et du a : « ma Lou...

la main »). II.

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Grâce à l'humour qui empêche le texte de se complaire dans la tristesse. • Humour sur l'objet de l'amour: chérie/artillerie, lettre...

obus. • Relativisation du sujet de cette tristesse : présence de la guerre : « caserne », « artillerie », « vaguemestre », «quartier » ; l'exagération même de la tristesse fait sourire quand s'accumulent les mots évoquant la guerre : en1915, que la caserne devienne « maison de l'effroi » simplement parce qu'il n'a pas reçu de lettre (désir de lettreexprimé dans chaque strophe donc pas d'autre sujet de tristesse), et cela depuis quatre jours seulement ! • Humour sur soi : passage de l'expression conventionnellement poétique du désespoir (« le soleil s'est noyé »rappelle un vers très célèbre de Baudelaire : « Le soleil s'est noyé dans son sang qui se fige » Harmonie du soir) àl'aspect lamentable du cheval convoyé, complété par l'image du poète n'ayant pour tout ami qu'un chien. • Humour sur la solennité conventionnelle du début du texte (voir plus haut) par le passage au quotidien humble etprosaïque (caserne, vaguemestre). III.

Ce mélange de tristesse et d'humour donc de pudeur dans l'expression des sentiments créent l'atmosphère quimet en valeur la force du sentiment évoqué et l'authenticité du texte. • L'image de la lettre-obus nous est apparue comme cocasse; c'est aussi une modernisation du mythe d'Éroslançant des flèches ; elle donne donc à l'amour évoqué la force d'un mythe moderne — sorte d'explosion, d'ailleurs,dans le rythme du vers 7 (4/8, donc rythme nettement ascendant et fort déséquilibré par rapport à un alexandrinclassique).. »

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