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Peut-on philosopher sans lire les philosophes ?

Publié le 17/01/2022

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Autrement dit, penser notre temps, être au coeur de son présent et de sa modernité, implique aujourd'hui non pas l'actualité mais bien plutôt l'inactualité au sens de l'intempestivité.Nous pensons plutôt à cette « philosophie d'autant moins liée par les responsabilités politiques qu'elle a les siennes, d'autant plus libre d'entrer partout qu'elle ne se substitue à personne, qu'elle ne joue pas aux passions, à la politique, à la vie, qu'elle ne les refait pas dans l'imaginaire, mais dévoile précisément l'Être que nous habitons « (Merleau-Ponty, Signes, Gallimard, p. 20).Nous voyons que l'on ne peut pas philosopher sans lire les philosophes, mais nous constatons également qu'on ne peut pas lire les philosophes sans avoir appris à les lire. L'importance de celui qui est en quelque sorte chargé d'apprendre à penser et d'apprendre à lire est ici manifeste. Il apparaît que son autorité ne vient ni de sa fonction ou de ses titres, ni de ses connaissances, mais de ce dont il est question entre lui,qui enseigne, et les élèves ou les étudiants, qui apprennent. Et il faut encore se souvenir que « celui qui enseigne ne dépasse les apprentis qu'en ceci, qu'il doit apprendre encore beaucoup plus qu'eux, puisqu'il doit apprendre à "faire apprendre" « (Heidegger, Qu'appelle-t-on penser ? P.U.F.

  • I) On peut philosopher sans lire l'histoire de la philosophie.

a) Le domaine de la philosophie est celui des vérités universelles. b) L'histoire est un phénomène unique. c) L'histoire ne sert pas la réflexion philosophique.

  • II) On ne peut pas philosopher sans tenir compte de l'histoire.

a) L'homme est un être historique. b) Le présent découle du passé. c) L'histoire donne un sens à ce qui est.

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« est celui qui possède le sens des nuances cher à Nietzsche ou à Husserl, de quelles nuances est-il question enphilosophie ?La principale nuance sur laquelle porte la philosophie, ou peut-être plutôt la nuance qui porte la philosophie est ladistinction de l'être et de l'étant.

L'étant, c'est ce qui est.

Par exemple un champ de blé, une table à repasser, unemachine à écrire, un gardien de la paix sont des étants.

Dans cette perspective, même le « Dieu d'Abraham, d'Isaacet de Jacob » est un étant.

Certes on peut dire que c'est l'étant suprême, mais ce n'est pas pour autant l'être.

Maisalors qu'est-ce que l'être ? Le rien.

Cette réponse, avouons-le, a de quoi faire sourire.

Et pourtant la simple nuanceentre la peur et l'angoisse nous révèle le rien, c'est-à-dire l'être.

La peur a un objet, non l'angoisse : « J'ai peur de »et « je suis angoissé » dit-on en français.

Le rien en question n'est pas le rien du tout mais le rien de tout.

Il ne fautpas comprendre ici le rien comme quelque chose de négatif.

« L'essence du rien consiste à se détourner de l'étant,à prendre ses distances de l'étant.

Dans ce distancement seul, l'étant peut devenir manifeste comme tel...

l'êtrelaisse être l'étant » (Heidegger, Questions IV, p.

296 et 299).

La philosophie ou métaphysique repose ainsi sur ladifférence entre l'être et l'étant sans jamais cependant s'interroger explicitement sur une telle différence comme lefera Heidegger.

Nous disions plus haut que la philosophie avait une date et un lieu de naissance.

« La philosophieproprement dite commence par nous en Grèce » (Hegel, Leçons sur l'histoire de la philosophie, « Idées », Gallimard,t.

2, p.

239).

Précisons encore : la philosophie proprement dite voit le jour avec Platon.

Le mot philosophia auraitété forgé selon Diogène Laërce (I, 12) par Pythagore lui-même, c'est-à-dire antérieurement à Platon.

Nous pouvonsen tout cas présumer qu'il est employé par des auteurs familiers de la doctrine pythagoricienne comme ce Timée deLocres dont parle Platon (cf.

Timée 20 a).

Ainsi Platon ne crée sans doute pas le mot philosophia, mais c'est bel etbien avec lui que la philosophie commence à se déployer sous l'aspect de ce qui s'appellera plus tard métaphysique.L'événement qu'est la séparation (ou le chôrismos) du sensible et de l'intelligible, le second fondant le premier, estdu même coup l'avènement de la métaphysique.

« Que visaient les anciens avec la métaphysique ? La connaissancedu suprasensible.

Cette distinction est aussi ancienne que la philosophie » (Kant, Les Progrès de la métaphysique, p.101).

Mais alors cela veut-il dire qu'Héraclite et Parménide, qui vivaient avant Socrate-et Platon, n'étaient pas, àproprement parler, des philosophes ? Certes.

Doit-on pour autant se hâter de conclure qu'ils s'en tenaient à desdistinctions plus grossières et qu'il leur arrivait même parfois de tomber dans l'indistinction ? Certainement pas.

Parexemple, l'« Un-Tout » n'est pas pour Héraclite une parole confuse, mais une parole qui dit au coeur même de l'éclatdu cosmos « l'unité duelle de l'étant et de l'être » (Jean Beaufret, Dialogue avec Heidegger, I, p.

94).L'interprétation du cosmos (monde) comme taxis (univers ordonné, ordre) et la préfiguration de la raison dans lelogos sur la base d'une restriction du sens originaire de ce terme qui toutes deux apparaissent avec la métaphysiqueconstituent le fondement même de la double opposition ordre-désordre et rationnel-irrationnel.

Retenons que laphilosophie est une façon de penser propre à l'Occident (au sens philosophique, c'est-à-dire par exemple en yincluant l'U.R.S.S., et non au sens politique actuel).

Le déploiement de la philosophie est en quelque sorte l'histoireprofonde de l'Occident.Si la philosophie ou métaphysique est ainsi le déploiement de notre histoire en ce que celle-ci a de plus fondamental,comment alors peut-on philosopher sans lire les philosophes ? Mais l'un des plus grands philosophes, Kant, n'a-t-ilpas dit qu'il était impossible d'apprendre la philosophie et qu'il fallait au contraire « apprendre à philosopher »(Annonce du programme des leçons..., p.

68-69 ; cf.

aussi Critique de la raison pure, p.

561) ? Que faut-ilprivilégier, la recherche personnelle ou la lecture des auteurs ? Nous voudrions indiquer brièvement pourquoi unetelle alternative, selon nous ne se pose pas.

Elle est en effet tout à fait artificielle.

Il n'y a pas à choisir entrepenser par soi-même et penser en méditant les écrits des autres.

Le choix, à vrai dire, intervient entre la pensée etla fuite devant la pensée, mais c'est là une autre question.On s'appuie souvent sur la phrase de Kant citée plus haut, ainsi que sur certains passages de Descartes, pourinsister sur le fait que l'on doit avant tout avoir une pensée « personnelle ».

Tout recours aux textes de la traditionphilosophique semble suspect, voire dérisoire.

Mais d'abord qui lit les philosophes et qui est supposé avoir unepensée personnelle ? En premier lieu les élèves et les étudiants (pour ne pas parler de leurs professeurs) et aussi lespersonnes qui éprouvent le besoin de « s'y mettre », comme l'on dit familièrement.

Cela nous éclaire déjà sur ce quecachait le « on » du sujet.

Ensuite, s'appuyer sur ces deux auteurs pour fustiger le contact des textes, c'est sansdoute aller un peu vite en besogne.

Bien sûr que Descartes s'en prend à la fausse science et au verbiage despédants, bien sûr qu'il déclare que « des maximes et des opinions de Philosophes ne font pas d'emblée unenseignement du fait seul qu'on les débite » (Lettres, p.

14), mais cela ne signifie nullement dans son esprit que l'onpuisse faire de la philosophie sans avoir lu les philosophes.

Il conseille même au père d'un jeune étudiant de bienchoisir l'établissement scolaire dans lequel celui-ci va poursuivre ses études.

Il lui recommande de l'envoyer auCollège de La Flèche, où lui-même a été élève, plutôt qu'à Leyde en Hollande car, dit-il, « la philosophie nes'enseigne ici que très mal : les professeurs n'y font que discourir une heure le jour, environ la moitié de l'année,sans dicter jamais aucun écrit, ni achever le cours en temps déterminé ».

Et il ajoute, en parlant de la philosophie,. »

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