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Peut-on justifier que l'homme voit mieux s'il est amoureux ?

Publié le 18/12/2005

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VII). Aimer relève donc de l'action et peut être lié à un certain savoir. -Pour Platon, l'amour se porte d'abord sur la beauté du corps, puis sur la beauté de l'âme, de sorte que l'on est porté du sensible vers l'intelligible. Au départ, l'amoureux ne voit que la beauté sensible de l'être aimé, puis il découvre sa beauté intelligible, la beauté de son âme. L'amour lui ouvre donc les yeux et lui donne accès aux monde des Idées, à ce qui ne se voit pas immédiatement. Aimer donnerait donc accès à une certaine connaissance, et élargirait considérablement le champ de vision de l'amoureux, qui s'élèverait de l'amour des corps à l'amour des âmes, puis à l'amour des sciences et de la vertu absolue. L'amour permettrait donc de s'élever intellectuellement, donc d'étendre sa connaissance et de découvrir des savoirs jusqu'alors inconnus. -On constate en effet par l'expérience que le sentiment amoureux élargit notre champ de perception : on voit plus de chose chez la personne aimée que ce que peuvent en voir les autres. Il y a une puissance de dévoilement dans l'acte d'aimer qui fait que celui qui aime voit plus que celui qui n'aime pas. Le regard amoureux est une perception différente.

Aimer, c’est éprouver de l’affection, de l’attachement pour quelqu’un. L’action d’aimer relève du sentiment et des passions. Par conséquent, il semble que la raison soit bien en peine de contrôler et de définir le fait « d’aimer «. « Il dit qu’il l’aime. Elle dit qu’elle l’aime. Mais l’amour, nul ne l’a vu «, s’amuse à raconter St-Exupéry. Si l’amour ne se voit pas pour celui qui n’aime pas, l’amoureux aurait-il la capacité de voir ce que les autres ne voient pas ? Peut-on justifier que l’homme voit mieux s’il est amoureux ?

« Diotime : « Celui qu'on aura guidé jusqu'ici sur le chemin de l'amour, après avoircontemplé les belles choses dans une gradation régulière, arrivant au terme suprême,verra soudain une beauté d'une nature merveilleuse, beauté éternelle, qui ne connaît nila naissance ni la mort, qui ne souffre ni accroissement ni diminution, beauté qui n'estpoint belle par un côté, laide par un autre, belle en un temps, laide en un autre, bellesous un rapport, laide sous un autre, belle en tel lieu, laide en tel autre, belle pour ceux-ci, laide pour ceux-là ; beauté qui ne se présentera pas à ses yeux comme un visage, nicomme des mains, ni comme une forme corporelle, ni comme un raisonnement, ni commeune science, [...] la vraie voie de l'amour, qu'on s'y engage de soi-même ou qu'on s'ylaisse conduire, c'est de partir des beautés sensibles et de monter sans cesse vers cette beauté surnaturelle en passant comme par échelons d'un beau corps à deux, dedeux à tous, puis des beaux corps aux belles actions, puis des belles actions aux bellessciences, pour aboutir des sciences à cette science qui n'est autre chose que lascience de la beauté absolue et pour connaître enfin le beau tel qu'il est en soi.

» Platon, Le Banquet, trad.

E.

Chambry, Flammarion Ce que défend ce texte: Cet extrait du Banquet de Platon s'ouvre sur le discours de Diotime, prêtresse (sans doute imaginaire) de Mantinée,qui doit révéler à Socrate les mystères de l'amour.

Le terme « mystère » doit d'ailleurs être pris ici au sens fort carcette scène évoque ce genre d'initiation que les Grecs connaissaient, comme dans les mystères d'Éleusis parexemple, où les initiés parvenaient finalement à une ultime révélation et contemplation mystique après toute unesérie d'étapes préparatoires.

Toutefois, malgré le parallèle sur lequel joue Platon dans cette scène, il ne s'agit pas icid'une révélation mystique mais d'un mouvement graduel et philosophique (ou « dialectique ») vers l'Idée du Beau,dans toute sa pureté.

Ce mouvement doit nous révéler qu'à son stade ultime, l'amour aboutit à la contemplation decette Idée.

L'amoureux est, en définitive, toujours amoureux du Beau absolu, à travers l'attraction qu'il éprouve pourses incarnations sensibles, que ce soit la beauté des corps, des âmes ou des connaissances, et où il ne perçoitencore que confusément la splendeur de l'Idée qui se révèle dans tout son éclat hors de toute participation à lamatière.

Ces derniers exemples forment d'ailleurs les degrés successifs qui nous rapprochent progressivement del'Idée pure : « la vraie voie de l'amour [...] c'est de partir des beautés sensibles et de monter sans cesse vers cettebeauté surnaturelle en passant comme par échelons d'un beau corps à deux, de deux à tous, puis des beaux corpsaux belles actions, puis des belles actions aux belles sciences ».

L'amoureux qui atteindra cette Idée est donc celuiqui s'affranchira graduellement de sa participation à la singularité des corps sensibles et l'embrassera dans toute sagénéralité, avec à chaque fois plus d'ampleur et à un niveau toujours plus abstrait.

C'est pourquoi l'amour des bellessciences, qui vient après celui des beaux corps est un progrès vers la connaissance de l'Idée, puisque les sciencessont intelligibles et moins incarnées dans la matière que les corps.Le dernier degré de l'amour, celui que peut atteindre par exemple le philosophe, amoureux du Bien et du Beau,puisque son titre signifie précisément « amoureux de la sagesse », est celui où l'on pourra enfin contempler le Beaudans toute sa pureté intelligible.

Cette dernière expression signifie que cette contemplation se fera non pas avecl'oeil mais avec l'esprit ou, comme l'écrivait Platon, avec l'intelligence ou « oeil de l'esprit ».

Il contemplera alors uneréalité qui ne possède aucun des caractères de la matière sensible, une « beauté qui ne se présentera pas à sesyeux comme un visage, ni comme des mains, ni comme une forme corporelle ».

Elle ne se présentera pas même «comme un raisonnement, ni comme une science », lesquels, malgré leur abstraction, restent encore trop pris dans ledomaine du sensible auquel ils se réfèrent.

Cette beauté, purement intelligible, nous permet enfin de sortir de larelativité des jugements que ses incarnations sensibles suscitaient auparavant.

Alors que la beauté des corps esttoujours relative à ce à quoi on la compare, comme l'avait montré le dialogue de Platon intitulé Hippias (la beautéd'un humain est relative à celle d'autres humains et inférieure à celle d'une déesse), il se trouve aussi toujours despersonnes pour affirmer laid ce qu'une autre trouvera beau.

Or, la beauté intelligible échappe à cette relativité carelle n'est pas matérielle : « beauté qui n'est point belle par un côté, laide par un autre, belle en un temps, laide enun autre, belle sous un rapport, laide sous un autre, belle en tel lieu, laide en tel autre, belle pour ceux-ci, laide pourceux-là ».

On dira alors qu'elle n'est pas relative mais absolue. Ce à quoi s'oppose cet extrait: Ce discours de Diotime décrit une expérience qui n'est pas sans rappeler l'ascension de l'esprit vers l'Idée du Bienque décrivait Platon dans l'allégorie de la caverne.

Or, il ne s'agit pas seulement d'une analogie car, pour Platon, leBien, réalité suprême, est aussi le Beau, ce qui signifie que le Beau est la splendeur du Bien.

Derrière cetteconception se cache l'idée que la beauté existe de manière absolue et qu'elle n'est pas qu'une simple affaire de goûtsubjectif.

Aussi, ce texte s'oppose aux mêmes penseurs déjà mis en cause dans l'allégorie de la caverne, à tousceux qui, comme Protagoras, font de l'homme la mesure de toute chose, y compris pour les jugements portant sur lebeau.

La doctrine de Platon est à rapprocher de la conception très mathématique que les Grecs se faisaient de labeauté, considérée comme règle de juste proportion « objectivement » formulable selon des lois mathématiquespurement intelligibles.

Toutefois, Platon va encore plus loin, car nous pouvons ne pas être tous d'accord sur lavaleur esthétique de l'harmonie qui se dégage de la forme d'un objet sensible.

Ici, Diotime dépasse la référencemême à toute réalité sensible, ce qui sauve la conception d'une beauté absolue de toutes les difficultés liées à laconsidération de beautés matérielles.

Ainsi Platon espère fonder absolument l'Idée du Beau, en la protégeant detoutes les contestations qui proviennent de la relativité des jugements portant sur le sensible et qu'impliquel'expression « chacun son goût ».. »

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