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Peut-on définir le génie ?

Publié le 05/12/2005

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Mais le génie est lui-même un présent de la Nature : c'est donc la Nature qui se révèle dans et par l'art ; et elle ne se révèle jamais mieux que dans l'art, dans l'unicité des oeuvres du génie.     2) Le génie selon Schopenhauer.     Invoquant assez abusivement Platon, Schopenhauer appelle idées les formes sous lesquelles se diversifie et s'objective la volonté une. C'est ainsi que, comme l'étymologie le suggère, à chaque « espèce » animale du monde phénoménal correspond métaphysiquement une « idée ». Il en est de même des forces naturelles (distinguées des causes). Dans l'exemple de la pesanteur, la force est traduite aussi bien dans les lois de la physique que dans une construction architecturale. Dans un cas, elle est donnée à comprendre scientifiquement, techniquement, dans l'autre elle est donnée à voir intuitivement dans l'équilibre des colonnes et de l'entablement, comme elle le serait dans le spectacle sublime d'un paysage de montagne. La connaissance par les idées se distingue donc radicalement de la connaissance par les concepts, ces outils intellectuels subordonnés aux fins sans fin du vouloir- vivre individuel. L'homme ordinaire, toujours affairé, est le plus souvent incapable d'échapper à l'objectivité utilitaire des phénomènes, incapable de s'arrêter à la contemplation de la chose même, de son essence comme objectivation du vouloir. C'est au génie qu'il appartient, par un développement exceptionnel de l'intellect, d'accéder à l'idée et de devenir pur sujet de connaissance d'un pur objet.

Contrairement à d’autres objets de réflexion esthétique, le génie est difficilement réductible à une définition arrêtée. Comment, en effet, donner en quelque sorte la recette, répétable de ce qu’est le génie,alors que celui-ci est par définition quelque chose de transcendant, d’hors- norme, incommensurable aux restes des capacités humaines. On peut donner des exemples d’œuvres ou d’artiste géniaux, mais là encore l’écueil est de déterminer clairement par des critères ce qui peut être génial de ce qui ne l’est pas. A partir de quand est-on un génie ? Dans quels domaines les génies sont les plus identifiables ? Les intuitions géniales sont-elles plus frappantes dans l’art ou les sciences, y- a- t-il des génies en politiques, en philosophie, en sciences humaines ?

« Aussi le génie peut-il être défini plus précisément comme le talent naturel de « donner des règles à l'art ».

Il n'obéitdonc qu'aux règles qu'il se donne à lui-même.

Et puisque « le talent comme faculté productrice innée de l'artiste,appartient lui-même à la nature, on pourrait également s'exprimer ainsi: le génie est la disposition innée de l'esprit(ingenium) grâce à laquelle la nature donne des règles à l'art ».Sans doute doit-on trouver dans les produits de l'art « toute la ponctualité voulue dans l'accord avec les règles,d'après lesquelles seul le produit peut être ce qu'il doit être »; mais cela ne doit cependant pas être pénible« Il ne faut pas que le produit laisse transparaître la forme de l'école, c'est-à-dire qu'il porte trace apparente quel'artiste a eu la règle sous les yeux et que celle-ci a imposé des chaînes aux facultés de son esprit.

» Le génie doit donner l'impression de produire avec la même facilité et spontanéité que la nature.

Cependant l'art,contrairement à la nature, a toujours « l'intention de produire quelque chose ».

Mais si la finalité est intentionnelledans les produits des Beaux-Arts, elle ne doit pas le paraître, c'est-à-dire que « l'art doit avoir l'apparence dé lanature, bien que l'on ait conscience qu'il s'agit d'art ».Le naturel dans l'art est donc le génie produisant comme la nature, sans règle préétablie.

Il s'ensuit que la premièrequalité du génie doit être l'originalité.

Comme l'absurde ou l'insensé peut aussi passer pour de l'originalité, il faut queles produits du génie « soient en même temps des modèles, c'est-à-dire qu'ils soient exemplaires ».

Le génie estdonc aussi originaire.

Autrement dit, il doit être à l'origine d'une école à laquelle il transmet les diverses règles et lesprocédés de son art.Ainsi, le génie se distingue aussi bien de la simple imitation scolaire (l'élève qui reprend le procédé d'un maître pourlui-même, indépendamment de ce qu'il exprimait dans l'œuvre et sans lui donner une nouvelle signification) que dumaniérisme, cette «forme de singerie qui consiste à n'être personnel (singularité) que pour tâcher de s'éloigner leplus possible des imitateurs, sans posséder le talent d'être en même temps un modèle ».Tout artiste, au fond, commence par le pastiche, et s'éveille à son propre génie au contact des œuvres de sesprédécesseurs.

De l'imitation scolaire se distingue « la filiation qui se rattache à un prédécesseur sans l'imiter ».Auquel cas on parle d'inspiration car « les Idées de l'artiste éveillent chez son disciple des Idées semblables, lorsquela nature a doté ce dernier d'une proportion semblable des facultés de l'esprit ».Il n'existe, sans doute, pas de meilleur exemple filiation que celui invoqué par Malraux dans Les Voix silence : latransformation des tableaux rouge et noir Caravage en l'œuvre nocturne de Georges de La Tour.

dernier prend auCaravage ses joueurs, son musicien, s miroir, sa Madeleine, son saint François, son Couronnement d'épines quideviendra le Christ de Pitié, son sain mais aussi et surtout sa relation d'un fond sombre étoffes rouges, et parfoisjusqu'à son rouge; il en éclairage semblable au sien.

Et, pourtant, il abouti presque opposé.

Tandis que, chez leCaravage, sombres sont là pour la lumière, la lumière pour ce qu'e éclaire, ce qui est éclairé pour devenir plus réelque ri pour prendre plus de relief, de caractère ou de drame, contraire, chez La Tour, la nuit règne sans partage etpré la forme séculaire du mystère pacifié.

Le monde devient semblable à la vaste nuit sur les armées endormies dejour, sous la lanterne des rondes, surgissaient, pas formes immobiles.Dire que « les Beaux-Arts sont les arts du génie » signifie donc que l'art exige un talent complètemtaire à l'espritd'imitation et qui ne peut être ramené à un savoir transmissible par enseignement.

La façon dont l'artiste réalise sonproduit ne peut être exposée scientifiquement même décrite :« Le créateur d'un produit qu'il doit à son génie ne sait pas lui-même comment se trouvent en lui les idées qui s'yrapportent et il n'est pas en son pouvoir ni de concevoir à volonté ou en suivant un plan de telles idées ni de lescommuniquer aux autres dans des préceptes, qui les mettraient à même de réaliser des produits semblables.

»En cela, l'art se différencie radicalement de la technique, mais aussi de la science dont les démarches sonttransmissibles :« Newton pouvait rendre parfaitement évidentes et réitérables, non seulement pour lui-même, mais aussi pour toutautre et pour ses successeurs, toutes les démarches menant des premiers éléments de la géométrie à ses grandeset profondes découvertes, mais aucun Homère, ou aucun Wieland ne peut montrer comment ses idées riches depoésie et cependant en même temps pleines de pensées surgissent et s'assemblent dans son cerveau, parce qu'il nele sait pas lui-même, et du même coup ne peut l'enseigner à personne.

»C'est pourquoi, dans le domaine scientifique ou technique, le plus remarquable auteur de découvertes ne sedistingue que par le degré de l'imitateur et de l'écolier le plus laborieux.« Même si un homme pense ou invente par lui-même au lieu de concevoir simplement ce que d'autres ont pensé,bien plus s'il fait maintes découvertes dans la technique ou la science, donc s'il est un « cerveau » [...], on n'estpas encore fondé par là à l'appeler génie, car tout cela précisément, il eût été également possible de l'apprendre...

»Mais cette faiblesse des sciences et de la technique est aussi ce qui fait leur force puisque les connaissances sonttoujours susceptibles de progrès.

Tandis que l'art rencontre une limite au-delà de laquelle il ne peut aller, «limite qu'ila d'ailleurs vraisemblablement atteinte depuis longtemps et qui .

ne peut être reculée ».

En outre, « l'aptitude propreau génie ne peut être communiquée » et « disparaît donc avec lui ».On retiendra que l'originalité doit être la première qualité du génie.

En tant que talent naturel de donner des règles àl'art, le génie ne peut se plier à aucune règle préexistante.

C'est en ce sens que toute création artistique estoriginale; mais elle l'est aussi en un autre sens, dans la mesure où le génie, en créant des règles, fait école: il peutêtre suivi ou imité.

L'histoire de l'art confirme cette vision de Kant, car il n'est pas de grand artiste qui n'ait eu, enses débuts, des maîtres avant de devenir lui-même un maître.

Tout artiste naît de l'art, participe au monde de l'art.Mais si on ne décide pas de devenir artiste comme on peut décider de devenir ingénieur ou médecin, nul n'est nonplus artiste impunément.

Car si le génie donne l'impression de la facilité, c'est au prix du travail et de la souffrance.Dans les lettres de Van Gogh, le mot travail revient sans cesse, et jusque dans la dernière, celle qu'il portait sur lui,le jour de juillet 1890 où il s'est suicidé: «Eh bien, mon travail à moi, j'y risque ma vie et ma raison y a sombré amoitié.

» Tout véritable artiste est poussé par une nécessité interne devant laquelle il est vain de se presser.Comme l'écrit si justement Rilke dans ses Lettres à un jeune poète « Être artiste, c'est ne pas compter, c'est croîtrecomme l'arbre qui ne presse pas sa sève.... »

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