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Peut-on définir ce qu'est le temps ?

Publié le 11/02/2004

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temps
Ainsi, dans la Critique de la raison pure, Kant, qui présente d'abord le temps comme forme pure indépendamment de tout avant et de tout après, est conduit, quand il analyse la causalité, à introduire l'idée d'un avant et d'un après. Ainsi, dirai-je, par exemple, que l'eau bout à 100 °C : pour saisir le rapport entre la température et l'ébullition, il faut bien que j'énonce l'irréversibilité de l'avant et de l'après; la croissance de la température précède obligatoirement l'ébullition. Autrement, mon rapport resterait inintelligible. Par conséquent, pas de causalité vraie sans succession irréversible. Mais alors surgit dans notre analyse une face du temps liée au destin de l'homme. Kant retrouve ici ce temps qui nous défait et nous meurtrit, le temps de l'irréversibilité qui est la marque de mon impuissance. Le temps n'est pas seulement, pour lui, un instrument dans la construction du monde : il me renvoie aussi à mon irrémédiable contingence.« Si dans un phénomène contenant un événement, j'appelle A l'état antérieur de la perception, et B le suivant, B ne peut que suivre A dans l'appréhension, et la perception A ne peut pas suivre B, mais seulement le précéder. Je vois, par exemple, un bateau descendre le courant d'un fleuve. Ma perception du lieu où le bateau se trouve en aval du fleuve, succède à celle du lieu où il se trouvait en amont, et il est impossible que, dans l'appréhension de ce phénomène, le bateau soit perçu d'abord en aval, et ensuite en amont.

Il est impossible de définir le temps dans ses trois dimensions (passé, présent et avenir) ; définir le temps, ce serait dire : « le temps, c'est... «. Or, on ne peut demander ce qu'est le passé (qui n'esf plus) ou l'avenir (qui n'esf pas encore) : seul le présent est, mais le pré­sent n'est pas la totalité du temps. Plus qu'une chose à définir, le temps est la dimension de ma conscience, qui se reporte à partir de son présent vers l'avenir dans l'attente, vers le passé dans le souvenir et vers le pré­sent dans l'attention (Saint Augustin).

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« mystère à qui cherche à l'expliquer.

Pourquoi ? D'abord, que sais-je à propos du temps ? Je sais qu'il y a troisdimensions temporelles : le passé, le présent, l'avenir.

Partant de là, je peux affirmer « hardiment » que :« Si rien ne se passait, il n'y aurait point de temps passé; que si rien n'arrivait, il n'y aurait point de temps à venir;que si rien n'était, il n'y aurait point de temps présent.

»Mais que puis-je dire de ces deux temps : le passé et l'avenir, sinon que l'un n'est plus et que l'autre n'est pasencore ? Ce qui n'est plus, ce qui n'est pas encore, ne sont-ce pas là deux purs néants ? Ainsi le temps, considérédans ces deux dimensions du passé et du futur, est privé d'être.

Et le présent ? Je serais tenté de répondre quec'est le seul temps qui soit.

Mais notre présent ne se transforme-t-il pas, sans cesse, en passé ? Sa seule raisond'être, n'est-ce pas de n'être plus ? Le présent n'existe donc pas comme tel puisqu'il ne saurait demeurer présent.Et si le présent était toujours présent, alors il ne serait plus une dimension du temps, mais il serait éternité : « Leprésent même, s'il était toujours présent, sans se perdre dans le passé, ne serait plus temps; il serait éternité.

Doncsi le présent, pour être temps, doit se perdre dans le passé, comment pouvons-nous affirmer qu'il est aussi, puisquel'unique raison de son être, c'est de n'être plus ? »Ainsi, dès que nous cherchons à comprendre et à saisir en pensée ce qu'est le temps, nous découvrons sonétrangeté.

C'est que rien de déterminé, de réel ne semble se manifester en lui.

Le temps est privation d'être.

Etpourtant nous parlons de « temps long » ou de « temps court », comme si le temps était une réalité.

Cent ans,dirons-nous, c'est un temps long.

Mais comment peut être long ce qui n'est pas, c'est-à-dire ce qui n'est plus ou cequi n'est pas encore ? Quel est le temps que nous pourrions qualifier de long ? Est-ce le passé ? Mais :« Ce long temps passé, fut-il long quand il était déjà passé ou quand il était encore présent ? Il ne pouvait être longque quand il était quelque chose susceptible d'être long.

Une fois passé, il n'était plus : il ne pouvait donc être longpuisqu'il n'était absolument plus.

Ne disons donc plus "le temps passé a été long" [...] Disons plutôt "le tempsprésent a été long ", car c'est en tant que présent qu'il était long.

Il ne s'était pas encore perdu dans le non-être; ilétait donc quelque chose qui pouvait être long.

Mais aussitôt qu'il a passé, il a, du même coup, cessé d'être long,en cessant d'être.

»Mais un temps présent peut-il être long, puisque le présent n'est que le passage même du « n'être pas encore » au« n'être déjà plus » ? Autrement dit, le présent est emporté si rapidement de l'avenir au passé « qu'il n'aaucune extension de durée ».

Dirons-nous alors que le seul temps que nous puissions qualifier de long est l'avenir ?«Alors quand le sera-t-il ? Si, pour l'instant, il est encore l'avenir, il ne peut être long, rien en lui n'étant encoresusceptible d'être long.

S'il ne doit être long qu'au moment où, de l'avenir qui n'est pas encore, il aura passé à l'êtreet sera devenu le présent, afin de devenir susceptible d'être long, — voici que le présent même nous crie, nousl'avons entendu tout à l'heure, qu'il ne peut être long ! »Lorsque nous mesurons le temps, que mesurons-nous ? On ne peut mesurer ce qui n'est pas.

Or le passé et l'avenirne sont pas.

Et le présent ? Comment pouvons-nous le mesurer puisqu'il n'a pas d'étendue, qu'il n'est, au fond, quele passage évanescent d'un non-être à un autre ? Et pourtant, nous mesurons les intervalles du temps, nous lescomparons entre eux.

Nous déclarons tel temps plus long, tel autre plus court.

Que mesurons-nous, au juste, sinonle temps dans un certain espace ?« Quand nous parlons de durées simples, doubles, triples, égales et d'autres rapports analogues, c'est d'espacestemporels qu'il s'agit.

»Mais dans quel espace mesurons-nous donc le temps en train de s'écouler ?« Est-ce dans l'avenir d'où il vient pour passer ? Mais ce qui n'est pas encore ne saurait être mesuré.

Est-ce dans leprésent par où il passe ? Mais là où il n'y a pas d'espace toute mesure est impossible.

Est-ce dans le passé, où il vase perdre ? Mais comment mesurer ce qui n'est plus ? »Ainsi, nous découvrons qu'une réflexion sur le temps se heurte à des paradoxes.

Formé du passé qui n'est plus, del'avenir qui n'est pas encore et de l'instant présent qui n'est qu'une limite ou une durée nulle entre deux tempsirréels, le temps reste paradoxalement insaisissable, alors que nous y sommes plongés sans pouvoir jamais en faireabstraction.

Si l'analyse ne peut appréhender la réalité du temps, c'est sans doute que ce dernier n'a pas de vraieréalité.

Mais le fait que nous ne puissions rien concevoir en dehors de lui ne nous montre-t-il pas qu'il fait partie denous-mêmes ? Au lieu de dire que le temps est, ne faudrait-il pas dire qu'il n'y a de temps que par et pour notreesprit ? N'est-ce pas la mémoire qui nous permet de retenir ce qui n'est plus et l'imagination qui nous permetd'anticiper sur ce qui n'est pas encore ?« Que l'avenir ne soit pas encore, qui le nierait ? Pourtant l'attente de l'avenir est déjà dans l'esprit.

Que le passé nesoit plus, qui en doute ? Mais le souvenir du passé est encore dans l'esprit.

Que le présent soit sans étendue,n'étant qu'un point fugitif, qui le contesterait ? Mais ce qui dure, c'est l'attention par laquelle s'achemine vers len'être plus ce qui va y passer.

»Cela signifie que quand nous nous souvenons du passé, ce ne sont pas les réalités elles-mêmes, tombées dans lenon-être, qui nous reviennent, mais les images que nous nous formons de ces réalités.

De même, la conscience peutpercevoir par anticipation les images déjà existantes de choses qui ne sont pas encore, qui sont à venir.

Oncomprend dès lors ce que signifie un temps long :« Ce n'est donc pas l'avenir qui est long, puisqu'il n'existe pas; un long avenir, c'est une attente de l'avenir, qui leconçoit comme long; ce n'est pas le passé qui est long, puisqu'il n'existe pas; un long passé, c'est un souvenir dupassé qui se le représente comme long.

»On comprend aussi que la tripartition communément admise du temps en présent, passé, avenir, est une manièrevulgaire de parler.

Il n'existe, au fond, qu'un seul temps : le présent.

Le passé et le futur, n'étant nulle part ailleursque dans notre esprit, n'existent qu'au présent.

C'est donc improprement qu'on dit qu'il y a un passé et un futur, ilfaudrait dire qu'il y a trois modes du présent : le présent du passé, le présent du présent, le présent du futur.Autrement dit :« Le présent des choses passées, c'est la mémoire; le présent des choses présentes, c'est la vision directe ; leprésent des choses futures, c'est l'attente.

»C'est bien parce que la conscience (ou l'esprit) est souvenir, attention à la vie, attente, qu'on peut parler du temps.. »

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