Devoir de Philosophie

Nietzsche et le génie (Humain, trop humain). ?

Publié le 30/10/2009

Extrait du document

nietzsche

Nietzsche et le génie (Humain, trop humain).

L'activité du génie ne paraît pas le moins du monde quelque chose de foncièrement différent de l'activité de l'inventeur en mécanique, du savant astronome ou historien, du maître en tactique. Toutes ces activités s'expliquent si l'on se représente des hommes dont la pensée est active dans une direction unique, qui utilisent tout comme matière première, qui ne cessent d'observer diligemment leur vie intérieure et celle d'autrui, qui ne se lassent pas de combiner leurs moyens. Le génie ne fait rien que d'apprendre d'abord à poser des pierres [...]. D'où vient donc cette croyance qu'il n'y a de génie que chez l'artiste, l'orateur ou le philosophe ? qu'eux seuls ont une « intuition « ? (mot par lequel on leur attribue une sorte de lorgnette merveilleuse avec laquelle ils voient directement dans l'« être « !). Les hommes ne parlent intentionnellement de génie que là où les effets de la grande intelligence leur sont le plus agréables et où ils ne veulent pas d'autre part éprouver d'envie. Nommer quelqu'un « divin « c'est dire : « ici nous n'avons pas à rivaliser «. En outre : tout ce qui est fini, parfait, excite l'étonnement, tout ce qui est en train de se faire est dépréciée Or personne ne veut voir dans l'oeuvre de l'artiste comment elle s'est faite ; c'est son avantage, car partout où l'on peut assister à la formation, on est un peu refroidi. L'art achevé de l'expression écarte toute idée de devenir ; il s'impose tyranniquement comme une perfection actuelle. Voilà pourquoi ce sont surtout les artistes de l'expression qui passent pour géniaux, et non les hommes de science. En réalité cette appréciation et cette dépréciation ne sont qu'un enfantillage de la raison. NIETZSCHE

Quelle est l'idée fondamentale du texte? Le génie (du latin genius, génie, divinité présidant à la naissance, dieu particulier attaché à toute la destinée d'un homme), défini classiquement depuis la fin du xviie siècle comme une aptitude supérieure de l'esprit, élevant un homme au-dessus de la commune mesure et le rendant capable d'inventions apparemment extraordinaires ou surhumaines, serait, selon Nietzsche qui démystifie cette notion, non point le fruit d'une heureuse inspiration et d'une faculté naturelle d'intuition, mais le produit d'une grande aptitude à la patience et au travail. Rien n'est donné, dans la sphère du génie artistique, mais, bien au contraire, tout représente une activité laborieuse. Quant au concept d'« intuition « pure dans le génie, Nietzsche en fait une étude psychologique pour en montrer les racines humaines profondes.  Le problème que pose ces lignes est donc essentiellement celui de la création artistique en général, celui de son origine et de sa nature.  Le texte proposé à notre étude peut être divisé en deux parties. Dans la première partie (L'activité du génie... poser des pierres), Nietzsche rapproche l'activité du génie des autres formes de travail et de recherche et montre le dénominateur commun, le labeur, à toutes ces opérations de l'esprit. Dans la seconde (D'où vient... raison), il procède à une démystification du mythe du génie. Cette seconde partie elle-même se subdivise en plusieurs sous-parties.

nietzsche

« fondamental dans toutes les disciplines que Nietzsche examine.

Le peintre comme l'historien sont avant tout desobservateurs au sens dynamique du terme.

Nulle trace de « don divin » dans tout cela, mais, au contraire,beaucoup de diligence, c'est-à-dire de soin attentif et appliqué.

En somme, il s'agit surtout d'être un bon artisan, unbon « maître » au sens médiéval du terme, faisant preuve de soin et d'activité empressée, montrant de l'application.Être bon élève et bon maître.

Ce n'est point l'inspiration des dieux qui fait l'astronome et le poète, mais la vertubesogneuse ! Voici qui n'est point élégant, mais qui est à tout le moins efficace...

Qu'observe avec diligence notrecréateur? Sa vie intérieure, c'est-à-dire le flux de son écoulement psychique, et aussi celle d'autrui, celle duprochain, considérée comme matière même de toute investigation.

Ici encore, le modèle de Nietzsche sembleparfaitement exact.

Ainsi Proust élabore-t-il progressivement La recherche du temps perdu en soumettant à uneobservation très subtile la société de son temps.

La recherche du temps perdu, c'est d'abord un témoignageminutieux sur le milieu des Verdurin, celui des Guermantes, les différentes microsociétés de l'époque.

Le génie, endéfinitive, observe et combine astucieusement des moyens divers d'analyse, c'est-à-dire qu'il réunit des élémentsvariés dans un arrangement déterminé, organisant de bons procédés et des méthodes judicieuses d'exploration duréel.En somme, le génie devient ici une activité de bricolage, une observation et un tâtonnement minutieux.

Nietzschepeut ainsi conclure son premier paragraphe, en écrivant que le génie en fait rien que d'apprendre d'abord à poserdes pierres.

On combine ainsi des matériaux, que ce soit en science, en histoire ou dans le roman. B) Seconde partie. La seconde partie se subdivise en plusieurs sous-parties.

La première de ces sous-parties va de « D'où vient donccette croyance » à « être ».

Dans cette première sous-partie, Nietzsche se dirige droit vers le problème.

Si toutesles formes de création sont de véritables activités de bricolage, des travaux minutieux de fourmi, d'où vient que leterme de génie soit réservé à la sphère de l'activité artistique, à l'art du discours et à la philosophie, en bref à troissortes d'expressions qui se situent manifestement du côté de l'art, et non point du côté de la science? Pourquoil'artiste, c'est-à-dire le créateur d'une œuvre d'art, l'orateur, c'est-à-dire celui qui compose et prononce desdiscours, qui manie l'art de la parole, qui joue avec le logos et, enfin, le philosophe, c'est-à-dire le penseur qui tented'exprimer le réel par le discours au plus haut niveau de synthèse, semblent-ils aux yeux du commun, porter lamarque du génie, conçu comme ensemble de dispositions naturelles, et non point comme faculté créatrice liée aulabeur? Le problème est de comprendre pourquoi ces trois formes expressives sont liées, pour tous, à quelque «génie » mystérieux.

Notons d'ailleurs que, jusqu'à présent, nous avons parlé du génie comme concept « d'aptitudessupérieures et innées ».

Mais le génie, c'est aussi la divinité tutélaire (latin genius).

Les deux sens se combinentdans notre esprit quand nous parlons de génie.

Implicitement, nous nous référons, en effet, au génie comme divinitéprésidant à la naissance.Pourquoi donc la croyance au génie (notion si ambiguë)? Avant d'élaborer la réponse, Nietzsche note que lacroyance au génie, c'est aussi la conviction que Y intuition joue un rôle fondamental.

L'intuition, c'est, nous lesavons, la connaissance sans intermédiaires, sans médiations, le savoir direct.

Nietzsche, très ironiquement, parlede l'intuition comme d'une lorgnette pour saisir immédiatement l'Être, c'est-à-dire la réalité ultime, le substrat detoutes choses.Dans les sous-parties qui suivent, Nietzsche donne les réponses au problème posé.La seconde sous-partie va de « Les hommes ne parlent » jusqu'à « ici nous n'avons pas à rivaliser ».

Le génie estattribué à l'artiste, à l'orateur et au philosophe dans la mesure où il permet à l'admirateur de ne pas éprouverd'envie, c'est-à-dire un sentiment de tristesse et de haine contre celui qui possède un bien qu'il n'a pas.

En effet, sile poète ou l'orateur expriment des dons que leur communique leur dieu protecteur, leur divinité tutélaire, alors nousn'avons nulle raison de convoiter leur œuvre.

Ces premières raisons (plaisir dénué de toute envie) nous paraissentcertainement moins profondes que celle qui est ensuite soulignée par Nietzsche à la fin du paragraphe.De « En outre » jusqu'à la fin du paragraphe, Nietzsche développe, en effet, un thème très profond, qui joue un rôlecentral dans la psychologie de « l'amateur d'art » et peut expliquer la croyance au génie, au divin dans l'art : leparfait, c'est-à-dire ce qui est accompli, achevé, parfaitement fait et totalement réussi, provoque chez l'homme uneviolente émotion et une admiration.

Au contraire, ce qui est dans le devenir, en genèse, en accomplissement, perdde sa valeur et se trouve déprécié.

Le processus de formation, c'est-à-dire d'accomplissement de l'œuvre, conçuecomme ensemble organisé mis en forme par un artiste, ne peut que laisser froid.

A la totalité parfaite et achevée, àla perfection, c'est-à-dire à l'excellence totale, s'oppose, en somme, ce qui est de l'ordre du devenir, du corruptible,du temporel.

Les hommes aiment une totalité achevée, mais non point un processus temporel : ils ne goûtent pas letemps, le devenir, qui les angoissent et préfèrent l'éternité! Voilà pourquoi ils parlent de génie.

Ils lient l'art à laperfection immobile, ce qu'ils ne peuvent faire pour la science (ce serait ridicule : la science, d'évidence, se fait etse crée).

Ainsi les arts de l'expression, qui emploient mots et symboles achevés extériorisant et évoquant un sens,passent-ils de préférence pour géniaux.

En eux la perfection totale et immobile paraît prédominer, la manifestationdu sens par le signe semble donc donnée immédiatement.

Mais les jugements qui lient les formes d'art au don divinne sont que les produits d'une raison encore puérile. Intérêt philosophique du texte Si ce texte possède un très grand intérêt sur le plan philosophique, c'est essentiellement parce qu'il démonte demanière remarquable les mécanismes psychologiques qui ont abouti à la théorie de l'inspiration et du génie.

Notonstout d'abord la fréquence de ces conceptions.

Si elles sont chères au sens commun, néanmoins le philosophe ne lesméprise pas toujours et Platon leur a donné une expression célèbre : le poète est chose légère, sacrée, c'est dansl'inspiration et le délire divin qu'il compose.En vérité, invoquer l'inspiration, les dieux, c'est dissimuler des éléments que Nietzsche énumère judicieusement ici :. »

↓↓↓ APERÇU DU DOCUMENT ↓↓↓

Liens utiles