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Montesquieu a écrit: L'étude a été pour moi le souverain remède contre les dégoûts de la vie, n'ayant jamais eu de chagrin qu'une heure de lecture n'ait dissipé. Que pensez-vous de cet aveu ? Vous semble-t-il caractéristique de l'esprit de Montesquieu ? Ce genre de diversion vous paraît-il s'appliquer à toute sorte de chagrins et résulter de n'importe quelle lecture ?

Publié le 10/02/2012

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montesquieu

On omet parfois, en citant cette confidence de Montesquieu, la première

partie de la phrase. C'est à tort, car cette omission peut conduire à une

interprétation erronée. En effet, le mot étude éclaire le mot lecture, comme

dégouts définit chagrin. Si l'on ne tient compte de cette relation voulue,

on s'expose à fausser le caractère de l'auteur. La lecture est pour lui une

véritable étude. Les chagrins qu'elle dissipe ne sont pas ces peines profondes,

ces deuils déchirants contre lesquels le temps même est parfois

impuissant, mais les dégoûts dont les vies les plus heureuses ne sont pas

exemptes.

Montesquieu nous apparaît, dans cet aveu, ce qu'il fut réellement : un

passionné de la lecture et de l'étude, un homme heureux, un tempérament

de sensibilité médiocre.

montesquieu

« domestique : une femme ~ui s'efface; des enfants dociles.

Il souhaite ne tenir sa fortune que des dieux; la fortune lui sourit, le voici bientôt indé­ pendant, honoré, illustre, à la .tête de 60.000 livres dç rente.

On recherche sa société, il est ·entouré d'amis fidèles.

Ses· richesses lui procurent la satisfaction de se montrer généreux.

Il n'est point envieux : «Si on ne voulait qu'être heureux, cela serait bientôt fait; mais on veut être plu's heureux que les autres, et cela est pres9;ue toujours difficile, parce que nous croyons les autres plus heureux qu ils ne le sont.

» Enfin, dans cette pensée .

sur la lecture, d'une .

sagesse toute cérébrale, se tràduit une certaine sécheresse de cœur, bien caractéristique de l'homme '{Ui « préfère 'être tourmenté par son cœur que par son esprit».

Bienfai­ J~Qnt, humain, il est pourtant peu.

sensible Les chagrins., les d~goût~ de la vie, les contrariétés que lui valent ses ouvrages, parfois violemment atta­ qués, ne réussissent pas à le troubler profondément, à lui faire P.erdre la maîtrise de lui~même : «Ma machine est si heureusement constrmte que je suis frappé par tous les objets assez vivement pour qu'ils puissent me donner du plaisir, pas assez pour qu'ils puissent me donner de la peine.

» Nous sommes loin, avec lui, de la sensibilité frémissante d'un Sully Pru­ .dhom,me: J'ai voulu tout aimer, et je suis malheureux, Car j'ai de mes tourments multiplié les causes .•.

...

Et je suis le captif des mille êtres que j'aime : Au moindre ébranlement qu'un souffle cause en eux, Je sens un peu de moi s'arracher de moi-même ...

Ne concluons pas pourtant à l'égoïsme de Montesquieu.

Deux autres confi­ dences serviront de correctif à ce jugement : «Je n'ai jamais vu couler de larmes sans en être attendri.

» ...

«Pour mes amis, à l'exception d'un seul, je les ai tous conservés.

» Ses camarades d'enfance : le Président Barbot et Jean-Jacques Bel furent les confidents de tous ses travaux; il fut lié étroitement avec les Pères Desmolets et Castel, deux Jésuites; Lord Chesterfield l'honora de son amitié; -enfin l'abbé Guasco lui voua un véri­ table culte, et, après l'avoir secondé dans ses travaux littéraires et agri­ coles, porta sa gloire aux quatre coins de l'Europe.

Amitié tranquille et ~ans fi evre que celle de Montesquieu, et qui ne se mua jamais eri souffrance! ., * ** Si l'on isole la pensée de son auteur, il est n_écessaire, pour qu'el~e con­ serve quelque valeur, de ~istinguer diverses catégories de tempéraments, de chagrins et de lectures.

- · II est des gens qui n'aiment pas la lecture.

D'eux il ne saurait- être ques­ lion : la ledure est incapable de les consoler.

Si elle agit sur d'autres,- est-ce par sa vertu propre, ou en raison de l'humeur d'un chacun? C'est, croyons­ nous, beaucoup plus par nos dispositions d'âme, habituelles ou passagères, que par une efficacité intrinsèque et universelle.

On a dit, avec une cer­ taine justesse : « La vie est une tragédie pour ceux qui sentent et une comédie ·pour ceux qui pensent.

>> On peut, en effet, diviser les hommes en deux classes : ceux qui vivent plus par le cœur que par l'esprit et ceux qui vivent plus par l'esprit que par le cœur.

Le type exclusive~ent sen­ sitif, pas plus que le type purement cérébral n'existent; mais il est assez rare aussi que les deux éléments s'équilibrent parfa~tement.

Tandis que chez un Montesquieu l'esprit prédomine, chez un Rousseau la sensibilité l'emporte.

Même remarque pour Corneille et Racine.

En Bossuet, il serait difficile, tant est remarquable l'équilibre de son génie, de déterminer une prédominance quelconque.

Les effets de la lecture varieront donc selon ce dosage : un intellectuel oubliera plus aisément, au contact des livres, les peines de la vie, que ne saurait le faire un émotif, bouleversé de fond en comble à la moindre -contrariété.

.

Dans nos chagrins il est ·aussi des distinctions, une sorte d'échelle à êtablir.

Si la lecture agit aux plus bas degrés, elle devient bientôt impuis­ sante.

Songez à vos chagrins passés.

Le jeune âge n'en est pas exempt; l'imagination, exerçant sur l'enfant un empire tyrannique, provoque à chaque instant ses larmes.

Un jouet brisé, une privation de friandises, de. »

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