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MONTAIGNE, Les Essais, III, VI: Après avoir fait selon votre préférence un résumé ou une analyse de la page de Montaigne, commentez-en un ou plusieurs thèmes qui vous paraissent essentiels.

Publié le 16/02/2011

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montaigne

Notre monde vient d'en trouver un autre [...] non moins grand, plein et membru que lui, toutefois si nouveau et si enfant qu'on lui apprend encore son a, b, c ; il n'y a pas cinquante ans qu'il ne savait ni lettres, ni poids, ni mesure, ni vêtements, ni blés, ni vignes. Il était encore tout nu au giron, et ne vivait que des moyens de sa mère nourrice. Si nous concluons bien de notre fin, et ce poète de la jeunesse de son siècle, cet autre monde ne fera qu'entrer en lumière quand le nôtre en sortira. L'univers tombera en paralysie; l'un membre sera perclus, l'autre en vigueur. Bien crains-je que nous aurons bien fort hâté sa déclinaison et sa ruine par notre contagion, et que nous lui aurons bien cher vendu nos opinions et nos arts. C'était un monde enfant ; si ne l'avons-nous pas fouetté et soumis à notre discipline par l'avantage de notre valeur et forces naturelles, ni ne l'avons pratiqué par notre justice et bonté, ni subjugué par notre magnanimité. La plupart de leurs réponses et des négociations faites avec eux témoignent qu'ils ne nous devaient rien en clarté d'esprit naturelle et en pertinence. L'épouvantable magnificence des villes de Cusco et de Mexico, et, entre plusieurs choses pareilles, le jardin de ce roi où tous les arbres, les fruits et toutes les herbes, selon l'ordre et grandeur qu'ils ont en un jardin, étaient excellemment formés en or ; comme, en son cabinet, tous . les animaux qui naissaient en son État et en ses mers ; et la beauté de leurs ouvrages en pierrerie, en plume, en coton, en la peinture, montrent qu'ils ne nous cédaient non plus en l'industrie. Mais, quant à la dévotion, observance des lois, bonté, libéralité, loyauté, franchise, il nous a bien servi de n'en avoir pas tant qu'eux : ils se sont perdus par cet avantage, et vendus, et trahis eux-mêmes. Quant à la hardiesse et au courage, quant à la fermeté, constance, résolutions contre les douleurs et la faim et la mort, je ne craindrais pas d'opposer les exemples que je trouverais parmi eux aux plus fameux exemples anciens que nous avons aux mémoires de notre monde par deçà. MONTAIGNE, Les Essais, III, VI.

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« inférieur au leur.

Malgré le développement politique et artistique de ces peuples, les conquérants ont donc eul'impression de se trouver en face d'un pays neuf.

C'est cette jeunesse apparente de la civilisation américaine quifait réfléchir Montaigne.

A côté d'elle la civilisation européenne prend un air de maturité qui semble annoncer sondéclin.

Mais on ne peut pas en conclure à la fin du monde, puisque d'autres pays sont très jeunes.

Il déduit alorslogiquement que l'Europe va vers sa fin mais que d'autres civilisations la remplaceront.

C'est là une idée neuve quecette notion de mort des civilisations.

A notre époque, Valéry a dû reconnaître à regret : « Nous autres,civilisations, savons à présent que nous sommes mortelles.

» En fait, voilà plusieurs siècles que nous devrions lesavoir, comme Montaigne l'avait compris.

Mais s'il est assez simple de souscrire à cette idée sur le plan théorique, ilest beaucoup plus difficile d'admettre que tout ce qui fait notre civilisation, tout ce qui la rend originale, peut êtrecaduc et voué à une disparition probable.

Pourtant, nous avons été notre propre maître en cette matière. II - CONSÉQUENCES DE L'EXPÉRIENCE AMÉRICAINE D'autres civilisations, avant la nôtre, avaient connu des périodes extrêmement florissantes.

Pensons à l'EmpireChinois par exemple, à l'Égypte, etc.

dont le «degré de raffinement était bien supérieur au nôtre en ce XVIe siècleensanglanté par des luttes sauvages.

Mais la civilisation américaine elle-même était beaucoup moins « enfant » quene le pensait Montaigne.

S'il lui manquait l'alphabet, elle possédait un système très subtil de mesure, par exemple.L'Empire Inca avait créé des structures politiques singulièrement élaborées.

Cependant les civilisations Inca etAztèque étaient déjà ébranlées lors de l'arrivée des Espagnols.

Nous assistons alors à la première entrepriseeuropéenne de destruction systématique d'une civilisation.

Celle-ci s'est poursuivie pendant plusieurs siècles et noussavons dans quel état se trouvent les descendants actuels des Indiens.

Mais du même coup nous avons appris qu'ilétait possible de «tuer une civilisation.

C'est donc notre propre arrêt de mort que nous avons signé et c'est bienainsi que Montaigne a compris la leçon américaine. III.

- UNE PRISE DE CONSCIENCE RÉCENTE Devant ce phénomène les arguments traditionnels du colonialisme paraissent bien faibles : la « mission civilisatrice »de l'Europe consiste le plus souvent à « éduquer » un nombre assez restreint d'indigènes selon des critères qui noussont familiers, mais qui ne correspondent pas à leur façon de vivre ou de penser, et à se servir des autres commede main-d'oeuvre à bon marché.

Si les Européens apportent leur technique, développent parfois l'économie du pays,les indigènes n'en tirent pas le moindre profit.

C'est en effet « vendre bien cher » nos connaissances.

Nouscommençons juste à nous rendre compte qu'« être civilisé » ce n'est pas forcément adopter les coutumeseuropéennes.

Nous sommes aussi attirés par d'autres civilisations pour des valeurs spirituelles que nous n'avons passu créer ou conserver.

Ainsi nous prenons conscience aujourd'hui du rôle néfaste que notre civilisation a tenu dansde nombreux pays ; c'est peut-être cette lucidité nouvelle qui peut nous empêcher de disparaître un jour. CONCLUSION Nous nous apercevons que Montaigne a une attitude très moderne face au problème de la colonisation.

Au début duxxe siècle encore, ses affirmations eussent choqué nombre de personnes.

Non seulement il a fait oeuvre d'humanisteet témoigné de sympathie intelligente, mais sa lucidité l'a rendu prophète, à une époque où les passions étaientexacerbées.. »

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