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MALEBRANCHE: Raison universelle et raisons particulières

Publié le 18/04/2009

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malebranche
Il n'y a personne qui ne convienne que tous les hommes sont capables de connaître la vérité ; et les philosophes même les moins éclairés demeurent d'accord que l'homme participe à une certaine Raison qu'ils ne déterminent pas. [...] Je vois par exemple que 2 fois 2 font 4, et qu'il faut préférer son ami à son chien ; et je suis certain qu'il n'y a point d'homme du monde qui ne le puisse voir aussi bien que moi. Or je ne vois point ces vérités dans l'esprit des autres : comme les autres ne les voient point dans le mien. Il est donc nécessaire qu'ils y ait une Raison universelle qui m'éclaire, et tout ce qu'il y a d'intelligences. Car si la raison que je consulte, n'était pas la même qui répond aux Chinois, il est évident que je ne pourrais pas être aussi assuré que je le suis, que les Chinois voient les mêmes vérités que je vois. Ainsi la Raison que nous consultons quand nous rentrons dans nous-mêmes, est une Raison universelle. Je dis quand nous rentrons dans nous-mêmes, car je ne parle pas ici de la raison que suit un homme passionné. Lorsqu'un homme préfère la vie de son cheval à celle de son cocher, il a ses raisons, mais ce sont des raisons particulières dont tout homme raisonnable a horreur. Ce sont des raisons qui dans le fond ne sont pas raisonnables, parce qu'elles ne sont pas conformes à la souveraine Raison, ou à la Raison universelle que tous les hommes consultent. MALEBRANCHE

Dans la première phrase du texte, l'auteur utilise deux exemples: l'un d'ordre scientifique, l'autre d'ordre moral. Malebranche amène ces deux exemples comme des vérités. Ce sont deux vérités générales que tous les hommes connaissent ou appliquent. Ces deux exemples ne sont pas discutables ("il faut"). Dans la deuxième phrase du texte, l'auteur dit: "or, je ne vois point ces vérités dans l'esprit des autres". Ces vérités doivent donc venir de quelque chose de propre à tous les hommes. La vérité n'est pas dans l'esprit des hommes. On ne voit pas dans l'esprit des autres pourtant on est certain qu'ils possèdent ces mêmes vérités. Mais on ne sait pas pourquoi on est sûr que tout le monde les connaît.  

Comment comprendre que le bon sens soit "la chose du monde la mieux partagée"? Comment déterminer la raison de la raison humaine? Dans ce texte Malebranche s'interroge sur les conditions de la pensée vraie en nous incitant à remonter jusqu'à sa source. Il établit dans un premier temps que la raison dont nous nous prévalons, la lumière naturelle, participe d'une raison universelle, dont il affirme, en second lieu, que l'esprit en est illuminé au plus secret de l'intériorité. Cette raison universelle m'apprend ce qu'il faut penser et me dicte ce que je dois faire. Par elle, la connaissance humaine est objective et garantie ontologiquement et par elle, les fins de l'action sont cohérentes et justifiées. Ainsi ce texte ouvre la possibilité d'une métaphysique chrétienne en introduisant à un fondement supra-naturel de la lumière que nous croyons naturelle et en soulignant la passivité de l'esprit qui , pour le vrai et le juste, adhère à une "vision en dieu".

malebranche

« 3.

La fin du texte (à partir de « Ainsi la Raison...

») précise ce que Malebranche entend par « Raison universelle», c'est-à-dire commune à tous, en tous temps et en tous lieux.

Elle est essentiellement à distinguerde la raison particulière comprise comme motif de l'acte, et qui résulte le plus souvent d'un emportementpassionnel (cf question 2b).Le texte de Malebranche est donc parfaitement construit, en entonnoir : il part d'une thèse générale pourarriver à la sienne, particulière. QUESTION 2 a.

« la Raison que nous consultons quand nous rentrons dans nous-mêmes, est une Raison universelle ».

Il y adeux niveaux de compréhension de cette formule : un niveau général, et un niveau plus malebranchiste.

Dupoint de vue général, l'on comprend que la Raison n'est pas quelque chose d'extérieur qu'il nous suffirait deregarder ou d'attraper, mais bien une ressource de notre âme et plus précisément de notre coeur.

Ellenécessite donc, pour être reconnue, une attention et une concentration toutes particulières, que Malebranchedésigne par un mouvement de plongée en soi-même, d'écoute absolue de ce que nous recelons au plus profondde nous-mêmes, le plus souvent sans nous en apercevoir.

L'on comprend en outre que cette Raison commecette capacité d'attention sont propres à tout homme sans exception, quel que soit son âge, son lieu et sadate de naissance : c'est ce que signifie l'adjectif « universelle ».

D'un point de vue plus malebranchistemaintenant, cette « Raison universelle », aussi nommée « Verbe intérieur », désigne la capacité spécifiquementhumaine de « participer » à la Raison divine, de « voir en Dieu », comme le dit encore Malebranche, les véritésthéoriques et pratiques les plus simples.

Si nous la possédons tous également, c'est donc parce que Dieu nousl'a donnée à tous également en partage, faute de quoi nous ne serions pas des hommes, mais peut-être desanimaux ou des pierres ou, si nous n'avions pas de corps, des anges.b.

Cette Raison universelle s'oppose donc aux raisons particulières (cf les distinctions de la dernière partie dutexte, entre la Raison au singulier et avec une majuscule, et les raisons au pluriel avec une minuscule), de lamême façon que la vérité s'oppose au simple motif ou à la simple raison d'agir qui n'est pas clairement justifiée.Malebranche montre ainsi que souvent, les hommes préfèrent suivre leurs passions plutôt que leur Raison.

Ilsprennent donc pour de véritables raisons la simple force de leurs désirs, et non l'examen critique de ce qui doitêtre.

Ainsi, un individu pourra bien avoir une foule de raisons de s'adonner à la boisson ou d'abandonner unefamille pour vivre une passion sans lendemain.

Mais selon Malebranche, il ne s'agira pas de la véritable « Raison», de celle sur laquelle tous les hommes devraient tomber d'accord, s'ils avaient le courage et la patience del'écouter malgré le tumulte des passions.

QUESTION 3 [Introduction] Chacun s'accorde aisément à reconnaître que les individus diffèrent entre eux par leur physique ou parcertaines aptitudes : l'un est blond et l'autre brun, l'un fort et l'autre plutôt faible, l'un mémorise vite tandisque l'autre a plus d'aptitude pour l'imagination, etc.Mais en va-t-il de même pour la Raison ? Si l'on accepte, à la suite d'une longue tradition philosophique, quel'homme est un animal raisonnable, que c'est donc la Raison – et elle seule – qui le rend homme, alors on voitmal comment on pourrait contester que la Raison soit commune à tous les hommes, c'est-à-dire que chacundispose également de la capacité de distinguer le vrai du faux et le bien du mal.

Affirmer le contraire reviendraità nier l'humanité de certains hommes et à sombrer dans des excès intolérants et discriminatoires dont l'histoirea donné, et continue de donner, de bien tristes exemples.Cependant, la vie quotidienne fourmille d'exemples d'actions humaines irrationnelles (dans le domaine théorique)et déraisonnables(dans le champ de la pratique).

Comment comprendre alors cette apparente contradiction ? Comment se fait-ilque tous les hommes possèdent la Raison et s'en servent pourtant si différemment et, souvent, si mal ?L'enjeu de ce questionnement n'est rien moins qu'une pensée démocratique, c'est-à-dire ouverte et communeà tous, sans être pour autantdémagogique, c'est-à-dire complaisante et manipulatrice des passions humaines. [I.

La Raison est commune à tous les hommes, puisqu'elle définit l'essence de l'homme] Si l'on admet que l'homme est un animal raisonnable, et n'est homme que parce qu'il est raisonnable, alors il estimpossible de nier que la Raison soit commune à tous les hommes, c'est-à-dire que chacun possède la mêmecapacité que son voisin ou son ancêtre à distinguer le vrai du faux et le bien du mal.

Lorsque Descartes affirmeainsi que « le bon sens est la chose du monde la mieux partagée », il veut dire non seulement que chacun lepossède, mais que chacun le possède de façon égale.

La Raison est tout entière ou n'est pas : il n'y a pasd'homme plus ou moins raisonnablequ'un autre, et seul l'homme possède la raison (l'animal n'en a pas du tout).Que la Raison soit « commune » à tous les hommes signifie ainsi qu'il existe un « sens commun », c'est-à-direune possibilité, pour tous leshommes, de tomber d'accord sur des vérités universelles et indubitables (dont on ne peut pas douter), que cesoit dans le domaine théorique ou dansle domaine pratique (Malebranche en donne deux exemples : 2 X 2 = 4, et « il faut préférer son ami à son chien. »

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