Les oraisons funèbres
Publié le 10/04/2013
Extrait du document
Les oraisons funèbres de Bossuet - dont certaines ont été perdues - furent prononcées entre 1656 et 1687. La première à avoir été éditée fut celle consacrée à Henriette d'Angleterre en 1669. Vingt ans plus tard, Bossuet réunit en un seul volume la totalité de ses oraisons funèbres.
«
«Pourquoi m'es-tu
donné, ô corps mortel,
fardeau accablant,
soutien nécessaire,
ennemi flatteur, ami
dangereux, avec lequel
je ne puis avoir ni
guerre ni paix, parce
qu'à chaque moment il
faut s'accorder, et à
chaque moment il
faut
rompre?( ...
)
Malheureux homme
que
je suis ! qui me
délivrera de ce corps
mortel ?
» (Oraison
funèbre du
R.
P.
François Bourgoing.)
Oraison de M.
Le Tellier,
chancelier de
France.
« Possédez la
sagesse, et acquérez
la prudence ...
»
EXTRAITS
« Ni rois, ni princes, ni capitaines »
Enfin, après tout arrive la mort, qui, foulant
aux pieds l'arrogance humaine, et abattant
sans ressource toutes ces grandeurs ima
ginaires, égale
pour jamais toutes les
conditions différentes,
par lesquelles les
ambitieux croyaient s'être mis au-dessus des
autres : de sorte qu'il y a beaucoup de rai
son de nous comparer à des eaux courantes,
comme fait l 'Écriture sainte.
Car de même
que, quelque inégalité qui paraisse dans
le
cours des rivières qui arrosent la surface de
la terre, elles
ont toutes cela de commun,
qu'elles viennent d'une petite origine; que,
dans
le progrès de leur course, elles roulent
leurs flots en bas
par une chute continuelle,
et qu'elles vont enfin perdre leurs noms avec
leurs eaux dans
le sein immense de !'Océan,
où
l'on ne distingue point le Rhin, ni le
Danube,
ni ces autres fleuves renommés,
d'avec les rivières les plus inconnues: ainsi
tous les hommes commencent
par les mêmes
infirmités ; dans le progrès de leur âge, les
années se poussant les unes les autres
comme des flots : leur vie roule et descend
sans cesse à la mort
par sa pesanteur natu
relle; et enfin, après avoir fait, ainsi que des
fleuves, un peu plus de bruit les uns que les
autres, ils vont tous se confondre dans ce
gouffre infini du néant, où
l'on ne trouve
plus ni rois, ni princes, ni capitaines, ni
tous ces autres augustes noms qui nous sé
parent les uns des
autres; mais la corrup
tion et les vers, la cendre et
la pourriture qui
nous égalent.
Oraison
funèbre de
messire Henri
de Gournay,
Metz, 1658
ORAISON FUNEBRE
DE HENRIETTE ANNE
D' AN GLE TERRE,
DUCHESSE D'ORLEANS.
« Ô nuit désastreuse ! ô nuit
effroyable
! »
Madame se meurt! Madame est morte!( ...
)
Madame
cependant a passé du matin au
soir, ainsi que l'herbe des champs.
Le matin
elle fleurissait; avec quelles grâces, vous le
savez :
le soir, nous la vîmes séchée.
( ...
)Elle
va descendre à ces sombres lieux, à ces de
meures souterraines,
pour y dormir dans la
poussière avec les grands de la terre,
comme parle Job , avec ces rois et ces
princes anéantis, parmi lesquels à peine
peut-on la placer, tant les rangs y sont pres
sés, tant la mort est prompte à remplir ces
places.
Mais ici notre imagination
nous
abuse encore.
La mort ne nous laisse pas
assez de corps pour occuper quelque place,
et on ne voit là que les tombeaux qui fassent
quelque figure.
Notre chair change bientôt
de nature.
Notre corps prend un autre
nom;
même celui de cadavre, dit Tertullien, parce
qu'il nous montre encore quelqueforme hu
maine, ne lui demeure pas longtemps :
il de
vient un
je ne sais quoi, qui n'a plus de nom
dans aucune langue ; tant il est vrai que tout
meurt en lui,
jusqu'à ces termes funèbres
par lesquels on exprimait ses malheureux
restes!
Oraison funèbre de Henriette d'Angleterre,
duchesse d'Orléans, Saint-Denis,
21août1670
Oraison de
Henriette Anne
d'Angleterre,
duchesse
d'Orléans.
«Vanité des
vanités, a dit
1 'Ecclésiaste :
vanité des vanités,
tout est vanité ...
»
NOTES DE L'ÉDITEUR
«Il n'y a pas de meilleure preuve montrant
que Bossuet considérait l'oraison funèbre
comme un sermon que de rappeler que dans
certaines d'entre elles il a repris des
passages de ses sermons : sermon sur la
Providence dans l'oraison funèbre
d'Henriette de France, sermon sur la mort
dans celle d'Henriette d'Angleterre , sermon sur
l'im pénitence finale dans celle d'Anne
de Gonzague, sermon sur l'ambition dans
celle du prince de Condé.
» Abbé B.
V elat,
Œuvres de Bossuet, Gallimard, 1979.
« Bossuet, dans ses oraisons funèbres, a
excellé dans l'étude des caractères, et les
portraits d'une réalité pénétrante qu'il a
peints de ses personnages donnent une
beauté particulière
au discours.
Ceux de Condé,
de Marie- Thérèse, de Richelieu, de
Mazarin,
du cardinal de Retz sont les plus
célèbres.(
...
) Il s'avance d'un pas
majestueux, libre et naturel...
Théologien et
poète, l'orateur met sa vive imagination au
service de la doctrine, cherchant
à instruire,
à toucher par un enseignement efficace et
réaliste, sachant s'élever
au sublime et
redescendre
au familier sans déchoir.
» id.
1 Bossuet par H.
Rigaud, musée des Office s, Florenc e I Giraudon 2 grav.
de Lec lerc, B.N.
I coll.
Viollet 3, 4, 5 grav.
de Roullet d 'après dessins de Parosel, B.N.
/ Roger-Viollet BOSSU ET02.
»
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