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Les genres de Gargantua

Publié le 13/01/2020

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gargantua

retournons à nostre bon Gargantua... » (chap. xxviii, p. 232) imite clairement les formules stéréotypées de ce type de romans, qui passaient facilement d’un personnage à un autre.

Surtout, la division du livre en épisodes menant le héros depuis l’enfance jusqu'à la guerre reprend le schéma traditionnel de ces romans. La naissance, conformément aux règles du genre, est accompagnée de prodiges et de phénomènes surnaturels, signes du destin exceptionnel du héros (chap. vi). Elle est également précédée d’une généalogie (chap. i), imitant ainsi une caractéristique des chansons de geste, souvent élaborées sur des cycles familiaux.

La deuxième étape des récits de chevalerie était réservée aux prouesses. Outre les faits d’armes du géant, on retrouve dans Gargantua de nombreux détails typiques. Les compagnons du géant font penser aux amis fidèles entourant les chevaliers, comme les pairs de Charlemagne dans la Chanson de Roland. Gargantua récompense son entourage en distribuant des fiefs, à l’instar du roi Louis dans le Charroi de Nîmes. La bataille du gué de Vède fait écho à un important thème chevaleresque : le combat sur le gué, que l’on retrouve dans Le Roman de Thèbes, Girart de Roussillon...

[ Le détournement parodique

Lors de la troisième étape, le chevalier quittait le monde des hommes pour entrer en religion et finir sa vie. L’épisode de Thélème y fait allusion. Mais Gargantua, s’il édifie l’abbaye, n’y pénètre pas. Cette différence importante est le signe que le modèle des romans de chevalerie est parodié.

En tant que démarquage caricatural, la parodie rabelaisienne vise à faire rire aux dépens de l'univers chevaleresque. Le simple fait d’insérer un titre absurde comme Fessepinte (» vide-bouteille ») montre que le genre est ridiculisé. On entend ainsi la voix du lettré humaniste qui se moque de ces récits lorsqu’ils prétendent dire des vérités historiques.

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« Il ne faut donc pas s'étonner qu'Alcofribas, I'« auteur" affiché de Gargantua, soit souvent présenté comme un pédant ridicule.

Les romans mettent en outre trop souvent en scène des êtres chimériques, dont les existences sont impossibles (par exemple, un cochon volant dans le Quart Uvre de Rabelais).

Jugés non réalistes, ils ne peuvent être que de simples passe-temps, frivoles et vains, qui détournent des préoccupations sérieuses.

Rabelais adresse donc un clin d'œil à ses contemporains savants lorsque son narra­ teur leur demande de croire en la naissance fabuleuse d'un géant (chap.

vi, p.

88).

Enfin, les théoriciens grecs et romains, principales références des humanistes, ne pouvaient évidemment pas proposer d'ana­ lyse des romans issus de la culture médiévale.

Ces textes posent donc des difficultés aux lettrés de la Renaissance, qui manquent de cadres théoriques pour en rendre compte.

Cela explique en partie le soin qu'apporte Rabelais, dès le Prologue, à définir les conditions d'analyse et d'interprétation de son roman.

LE ROMAN DE CHEVALERIE 1 La conformité au modèle Dans le Prologue de Pantagruel, Alcofribas compare son récit à des romans de chevalerie tels que « Fessepinte, Orlando furioso, Robert le Diable, Rerabras ...

"· Le Prologue de Gargantua ne reven­ dique pas si nettement cet héritage, mais Fessepinte, titre fantaisiste d'un roman imaginaire, est de nouveau convoqué (Prologue, p.

48).

En outre, la comparaison entre Frère Jean et l'un des personnages de la geste des Quatre filz Aymon (chap.

xxvi1, p.

230) indique que le modèle des romans de chevalerie est bel et bien présent.

Ce modèle transparaît dans certaines tournures stylistiques.

Rabelais parsème en effet son livre d'archaïsmes (comme l'absence de pronom personnel sujet : « Ce fait, voulut estu­ dier •..

"• chap.

XXI, p.

172) et de formules empruntées aux romans de chevalerie.

Une phrase telle que : « Or laissons les là et 78 PROBL~MATIOUES ESSENTIELLES. »

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