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L'Egypte en Méditerranée, 1798-1914 (Histoire)

Publié le 24/05/2011

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         L'Egypte occupe une place particulièrement importante dans l'histoire de la Méditerranée de 1798 à 1914 : il semble en effet qu'elle cristallise les nombreux paradoxes et ambiguïtés des impérialismes européens tout au long du XIXè siècle. C'est que le pays possède une grande importance stratégique : territoire-charnière entre les rives Nord et Sud de la Méditerranée, il devient aussi un point de passage obligé vers l'Asie avec la construction du canal de Suez. Mais l'Egypte se caractérise surtout par son ambivalence : premier territoire arabe à être éclairé par les « lumières « de l'Europe avec l'expédition d'Egypte en 1798, il entretient une fascination – d'ailleurs réciproque – pour la culture française ; toutefois, l'occidentalisation aura ses limites puisque l'identité égyptienne demeurera fermement arabe, comme nous le montrera la Nahda dans la seconde moitié du XIXè siècle. Il semble au fond que le pays oscillera sans cesse entre les volontés d'émancipation et les mises sous tutelle : ces premières se réalisent en effet via un effort modernisateur qui nécessite un endettement croissant auprès des banques européennes. Bref, l'Egypte est terre de contrastes et de métissages entre la culture occidentale et la tradition musulmane ; à cet égard, ne pourrions-nous pas penser qu'en cristallisant les ambivalences des impérialismes européens, l'Egypte entre 1798 et 1914 se caractérise par la recherche d'une identité qui synthétiserait les différentes influences auxquelles elle est soumise ?

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« ceci n'est pas un hasard vue l'importance géostratégique du territoire, mais surtout vue la façon dont l'Orientfascine les consciences occidentales.Il se développe en effet en Europe dans cette première moitié du XIXè siècle un véritable orientalisme de salonqu'exaltent les Romantiques (pensons aux Orientales de Hugo, ou aux voyages méditerranéens de Chateaubriand etde lord Byron).

L'expédition va d'ailleurs jeter les bases de l'égyptologie avec la découverte de la pierre de rosetteen 1798 ; bref, c'est également pour des raisons culturelles que Tayllerand réussit à convaincre la Chambre du bien-fondé de l'entreprise : il flotte en Europe une atmosphère orientale, véritable phénomène de mode parmi les élites.Mais il convient de signaler que cette fascination n'est pas à sens unique : les élites égyptiennes resteront en effetdurablement marquées par l'efficacité de la science et des techniques occidentales.

A l'intérêt des uns pour l'Egypteantique répond donc l'attirance des autres pour l'Europe moderne : la langue française va ainsi jouir d'unrayonnement important parmi les élites.

De fait, l'Egypte va donc très tôt se tourner vers l'Europe : elle cristallise lafascination qu'éprouveront les pays du Maghreb et du Mashrek face à l'efficacité européenne.

L'expédition montreaussi que les impérialismes du début du XIXè siècle ont une dimension culturelle prédominante : il s'agit pourl'Européen de retirer de la gloire de ces invasions souvent maquillées de principes humanistes.

Mais la dimensionéconomique est loin d'être absente : l'expédition d'Egypte est la source de sa politique moderniste quelques annéesplus tard.Le début du siècle voit l'arrivée au pouvoir de Mehemet-Ali (1804), à qui la Sublime Porte consent à accorder lafonction de wali (gouverneur) avec le titre de pacha (« Excellence ») en 1805.

Celui-ci, bien qu'il soutienne l'empirelors de l'affaire grecque (la flotte égyptienne est aux côtés de la turque lors de « l'incident » de Navarin, en 1827),n'hésite pas à prendre ses distances avec ce dernier : il envahit ainsi la Syrie en 1831, et obtiendra lors desCongrès de Londres (1840-1841) le gouvernement héréditaire de l'Egypte.

Bref, il crée une dynastie qui remplacecelle des mameluk (qu'il supprime en 1808-1809), mais dont la politique sera tout sauf traditionaliste : Mehemet-Ali,ayant pris conscience du retard technique de son pays lord de l'expédition de Bonaparte, entend bien moderniserl'Egypte jusqu'à en faire l'égale des nations européennes.

Citons donc des réformes dans l'enseignement etl'administration, mais surtout dans l'agriculture : il s'agit de faire de l'Egypte un pays compétitif sur le plancommercial.

Ainsi, des travaux d'irrigation à partir des années 1830 entendent émanciper l'agriculture du rythme descrues du Nil ; on met également l'accent sur la production de coton, produit qui sera particulièrement prisé par laGrande-Bretagne.

De fait, la seconde moitié du XIXè siècle verra la croissance exponentielle des bénéfices del'exportation égyptienne.

Bref, l'industrialisation est certes progressive et inégale, mais fortement décidée : lesambitions de Mehemet-Ali dénotent une volonté d'appliquer les méthodes – vues comme des « recettes » -européennes.

Or ce modernisme sera loin d'atteindre ses objectifs : en jetant l'Egypte dans l'engrenage des dettesvis-à-vis des partenaires occidentaux, il va paradoxalement aboutir à sa mise sous tutelle.

Bref, si l'on peut voir lapremière moitié du siècle comme une tentative d'émancipation progressive de l'Egypte, celle-ci sera de courte durée: c'est un phénomène que l'on retrouvera avec beaucoup d'autres pays (Maroc, Tunisie, etc.). L'Egypte symbolise ainsi bien d'autres aspects des relations entre Orient et Occident en Méditerranée.

Nous verronstout d'abord qu'elle suscite de plus en plus d'appétits stratégiques et commerciaux.

Cela nous mènera à analyser samise sous tutelle économique ; cette dernière conduira, comme partout ailleurs, au contrôle politique du pays.L'Egypte est incontestablement une place géostratégique de choix pour les Etats européens : non seulement ellefait la charnière entre les rives Nord et Sud de la Méditerranée, mais elle peut aussi offrir un point de passage versla mer Rouge (et donc les Indes) via l'isthme de Suez.

Les intérêts économiques en jeu sont donc particulièrementimportants pour la France et la Grande-Bretagne ; ces appétits seront symbolisés par la construction, de 1859 à1869, du canal de Suez (sous l'autorité de Ferdinand de Lesseps).

La Grande-Bretagne était cependant assezréticente à cette construction : rien d'étonnant donc à ce que le canal soit inauguré par l'impératrice Eugénie, àbord de l'Aigle.

Celui-ci ne fera pas réaliser de bénéfices énormes avant la fin du siècle ; toutefois, son poidssymbolique comme preuve des volontés européennes de domination sera grand – et le colonel Nasser, en 1956, ensera bien conscient quand il décidera de le nationaliser.

Les intérêts économiques ont donc vite pris le pas sur lesidéaux humanistes : l'instrumentalisation du territoire égyptien par les nations européennes est ouverte : de là,l'influence économique de ces dernières ne fera qu'augmenter.

Mais petit à petit, c'est la présence anglaise qui vasupplanter la française : le canal de Suez sera la dernière grande œuvre du IId Empire.De fait, les efforts modernistes de l'Egypte vont conduire à sa mise sous tutelle, économiquement parlant.

C'est queMehemet-Ali a voulu faire passer directement une économie d'Ancien régime sur le marché international des paysdits industrialisés.

Or il faut des capitaux pour moderniser de fond en comble cette économie archaïque : et voicil'Egypte prise, dès les années 1860, dans l'engrenage des prêts aux banques françaises et britanniques.

Or, toutcomme au Maroc et en Tunisie, la domination économique va logiquement conduire au contrôle politique.

La Francesera à cet égard éliminée du jeu diplomatique dès 1882 : la Grande-Bretagne prend en effet comme prétexte uneinsurrection pour intervenir militairement en Egypte, mais la France ne le peut pas pour des raisons de politiqueintérieure.

Les années 1890 verront donc la Grande-Bretagne diriger – ou presque – la politique égyptienne.Soulignons ainsi que le pays a connu deux types d'impérialismes : l'un traditionnel, fondé sur la gloire de la patrie àapporter les lumières de sa culture à une race inférieure (ou pour le mieux à une civilisation en retard) ; l'autre plusmoderne, basé sur des préoccupations économiques et qui mène à l'instrumentalisation du territoire comme marchépar la puissance colonisatrice.

Ce passage d'un type de domination à l'autre est symptomatique de la « course auclocher » qui concerne les Etats européens après la conférence de Berlin (1878).

Mais à plus petite échelle, il fautaussi voir à quel point l'évolution des transports a contribué à ce changement.En effet, le début du XIXè siècle coïncide également avec des progrès techniques – par exemple l'invention dubateau à vapeur (le premier, le Ferdinando primo, navigue en 1818).

Certes, il faut du temps pour que l'usage decelui-ci se banalise ; mais dès lors, des voies de communications et des systèmes de transport quotidien ouhebdomadaire vont commencer à relier les rives Nord et Sud de la Méditerranée.

Les élites vont profiter de cettefacilité à voyager pour s'installer dans les différentes nations colonisées, se substituant ainsi petit à petit à partir du. »

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