Devoir de Philosophie

Le terme "utopie"

Publié le 10/09/2018

Extrait du document

Le terme \"utopie\", néologisme forgé à partir du grec topos (lieu) et signifiant littéralement \"pays de nulle part\", est dû à Thomas More, qui décrit dans son livre L’Utopie (1516) un pays idéal: le bonheur des Utopiens, ses habitants, ne vient pas d’une nature bienfaisante comme dans les mythes de l’Âge d’or; il procède des mœurs et des efforts des hommes, et surtout de l’organisation politique de la cité. Le sous-titre du livre est explicite : \"Du meilleur gouvernement possible ». L’utopie est donc d’abord un exercice littéraire visant à définir une organisation politique parfaite ; comme chez More, elle prend souvent la forme d’une fable décrivant un pays imaginaire.

 

Est-ce à dire que l’utopie est par définition irréalisable ? Le terme même est ambigu, car on peut aussi le dériver de eu-topie, \"le pays du bien vivre », ce qui ne suggère rien de déraisonnable. L'utopie est-elle un réel projet politique ? L’ambiguïté est constitutive de la notion ; les utopistes croient néanmoins que la perfection qu’ils décrivent dans leurs fables est réalisable en ce monde. S’ils ne placent pas une confiance immense dans la nature humaine, ils considèrent que l’homme est amendable, notamment par une planification rationalisée à l’extrême de la vie en commun. Cette planification s’appuie sur une confiance totale dans la science et une maîtrise parfaite de la nature ; chez More, les villes et les maisons sont toutes semblables et les rues bien rectilignes ; rien n’est laissé au hasard, ni même à la vie privée, car chacun est en permanence soumis au regard de tous. Quant aux « sages » qui gouvernent la cité idéale de La Nouvelle Atlantide (1627), de Francis Bacon, ils opèrent des manipulations génétiques avant la lettre sur les végétaux et les animaux. Les utopistes prônent un communisme total qui englobe parfois les relations sexuelles et l’éducation des enfants ; dans La Cité du Soleil (1623), Campanella défend ainsi une forme extrême de contrôle des naissances.

 

Mais l’utopie ne s’arrête pas à la littérature. Dès 1598, Campanella provoque une révolte en Sicile dans le but d’établir une république théocra-tique et communiste. Au siècle, l’influence de la pensée de Saint-Simon est réelle, qui recommande une sorte de despotisme éclairé des chefs d’entreprise et des gouvernants. En Angleterre, Charles Owen fonde les premières communautés ouvrières autogérées. Charles Fourier imagine peu après ses Phalanstères, communautés de vie autant que de travail réunissant 1620 personnes exactement, où la copropriété et la cogestion de l’entreprise se substituent au salariat. Dans le Manifeste du parti communiste, Marx et Engels prendront leurs distances avec ces \"socialistes utopistes\", à qui ils reprochent de n’envisager de révolution que par le haut, et de nourrir des espoirs teintés de foi religieuse et de millénarisme. Au xxe siècle, la perfection utopiste prend un visage menaçant et devient synonyme de totalitarisme, comme dans Le Meilleur des mondes d’Aldous Huxley (1932) ou 1984 de George Orwell (1949).

Liens utiles