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Le roman, qui tire son nom de la langue romane (par opposition au latin, langue savante), existe depuis le Moyen Âge.

Publié le 06/12/2013

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Le roman, qui tire son nom de la langue romane (par opposition au latin, langue savante), existe depuis le Moyen Âge. Mais la fiction romanesque n'est devenue le genre littéraire le plus prisé en Occident qu'au XIX e siècle. Polymorphe et divers, ouvert à tous les modes narratifs (voire non narratifs), le roman peut se définir par l'expérience du nouveau et la quête d'une identité, au-delà des multiples subdivisions qui le fractionnent en sous-genres qu'on aurait pu croire cloisonnés. ses débuts dans l'Occident chrétien du XIIe siècle, le nom de roman fut octroyé aux textes écrits en langue vulgaire (en roman), par opposition à la langue sacrée et littéraire qu'était le latin. La question des origines du roman et même de sa définition reste controversée. Il ne fait guère de doute qu'il occupe aujourd'hui, en tant que genre, une place prééminente, non seulement par la quantité des ouvrages imprimés chaque année, mais aussi par la valeur symbolique qu'on lui accorde. Il n'en fut pas toujours ainsi. Le roman semble bien être le dernier en date des grands genres littéraires, et il n'a acquis la même dignité que la poésie ou le théâtre qu'au cours du XIXe siècle, contemporain en cela de la constitution de ce que nous nommons littérature (voir ce mot). Même si c'est en Occident que ce succès s'est affirmé, et seulement dans les temps modernes, et même si la forme canonique du roman ne s'est imposée qu'avec les romans anglais de Samuel Richardson, Daniel Defoe et Henry Fielding, on ne saurait réduire le genre aux oeuvres européennes écrites depuis le XVIIIe siècle. Que faire, par exemple, des romans grecs de l'Antiquité tardive, tels que Daphnis et Chloé de Longus, ou de l'Âne d'or d'Apulée, de l'Amadis de Gaule (1508) ou du Don Quichotte de Cervantès (1605-1615), des romans en vers de Chrétien de Troyes ou du Roman de Renart au XIIe siècle, des grands monogatari japonais du XIe siècle, tel le Dit du Genji de Murasaki Shikibu, ou du Kim Vân Kiêu vietnamien, écrit en vers par Nguyên Dhu au début du XIXe siècle, mais reprenant un texte en prose du XVIe siècle ? Les appellations peuvent bien varier (le monogatari japonais possède ainsi une référence implicite à l'oral : on le traduit par « dit » ; l'anglais préfère novel à romance pour désigner ce que nous appelons « roman », mettant ainsi l'accent sur la nouveauté à la fois du genre lui-même et de ce que le récit rapporte), les formes peuvent bien évoluer, la comparaison entre les différentes sortes de « romans » à travers les âges et les pays offre sans doute plus de validité que la restriction au seul modèle occidental et moderne. Complétez votre recherche en consultant : Les corrélats Amadis de Gaule Apulée Cervantès (Miguel de) Chrétien de Troyes Defoe (Daniel Foe, dit Daniel) Don Quichotte de la Manche Fielding Henry Genji monogatari genre littéraire littérature Longus monogatari Murasaki Shikibu poésie - Poésie et prose Richardson Samuel Roman de Renart romanes (langues) Les livres roman - le Roman de Renart, page 4430, volume 8 roman - Don Quichotte, de Cervantès, page 4431, volume 8 Le temps de la fiction Le récit romanesque a un concurrent implicite, à savoir la narration historique : tous deux opèrent a priori selon le même principe temporel d'un récit linéaire qui va d'un avant vers un après. En cela, ils s'opposent à une conception cyclique du temps, ainsi qu'à la structure du mythe, dans la mesure où ce processus purement linéaire laisse en suspens le problème de sa fin : le temps cyclique nous ramène au point de départ, alors que le temps linéaire nous entraîne toujours plus loin sans qu'on sache en marquer le terme « à l'avance ». L'éclosion du roman participe donc d'une certaine conception de la temporalité qui tend à vider celle-ci de son sens (c'est-à-dire de son but, mais aussi de sa signification). En effet, dans un univers profondément marqué par la tradition sacrée, la fin des temps a déjà fait l'objet d'un récit, et le temps qui y conduit est chargé du sens de la création originelle autant que de cette fin. C'est pourquoi, dans le mythe, le sens est toujours immédiatement présent, alors que le roman va faire justement de la quête du sens sa dimension la plus intime, depuis l'« aventure » dans laquelle se lancent les chevaliers de la Table ronde (d'une certaine façon, la Queste del Saint Graal, XIIIe siècle, n'est autre que la quête du sens, également menée par Don Quichotte cherchant dans chaque aventure matière à confirmer, voire ressusciter, la tradition de la chevalerie et des romans qui s'y rattachent), jusqu'aux romans les plus modernes qui cherchent ce sens dans la temporalité de l'écriture romanesque elle-même. C'est ainsi que le cycle romanesque À la recherche du temps perdu (1913-1927), de Marcel Proust, se replie sur lui-même et narre l'histoire d'une vocation d'écrivain où le héros ne comprend qu'à la fin ce qu'il lui faut désormais écrire : une oeuvre qui ressemble justement à l'ensemble romanesque que nous venons de lire. De même, James Joyce commence brutalement son oeuvre majeure, Finnegans Wake (1939), par la seconde moitié d'une phrase tronquée dont la première moitié constitue en fait les derniers mots du récit, permettant ainsi de circuler dans le seul cercle de l'écriture. Complétez votre recherche en consultant : Les corrélats À la recherche du temps perdu Cervantès (Miguel de) chronique Don Quichotte de la Manche Joyce James mythe mythologie - Introduction mythologie - Les mythes de la création narration Proust Marcel Table ronde (romans de la) temporalité temps - Le concept philosophique - Définir le temps ? Les livres roman - le comte Robert de Montesquiou (1855-1921), page 4431, volume 8 L'autorité du roman À la différence des récits produits dans le domaine de l'histoire, le roman n'est pas un discours du vrai : il ne cherche pas à rapporter ce qui s'est « vraiment » passé. Il ne possède pas non plus l'autorité du mythe ou de l'épopée, qui reposent sur la tradition consacrée. Quelle légitimité sociale peut-il donc invoquer dès lors qu'il ne prétend ni dire le réel ni réaffirmer la tradition ? On a pu dire que le roman était issu d'une dégradation du mythe ou de l'épopée : il ne possède plus une seule voix, celle des héros légendaires ou des dieux, mais une multiplicité de voix parfois assimilables aux personnages, comme dans la plupart des romans européens du XIX e siècle, mais qui peut aussi provenir du mélange d'éléments hétérogènes (ce dont témoigne exemplairement l'Histoire des trois royaumes , au XIVe siècle, où s'entremêlent contes, légendes et poésie orale, surnaturel et réalité, ancienne et nouvelle Chine). Loin d'être figé en une forme aisément reconnaissable et réitérable, il fait sienne la diversité des discours, donnant la parole aussi bien à des poètes qu'à des princes, à des prêtres qu'à des paysans. Le roman trouve alors sa légitimité dans une configuration sociale qui fonctionne sur ce modèle d'une multiplicité de discours, tout en maintenant leur soumission à une perspective dominante. Ce n'est donc pas un hasard si le roman s'est surtout développé dans des sociétés de cour (la France du XIIe siècle, le Japon du XIe siècle) et s'il a connu son plus grand essor lorsque l'urbanisation s'est intensifiée : de la même façon que ces phénomènes drainent en un même lieu des personnes aux langues, aux cultures et aux habitudes souvent différentes, mais que le regard du souverain unit, la voix narrative du roman peut rassembler des discours hétérogènes. Que le roman ait été appelé ainsi, par opposition au pouvoir du latin et du clergé, témoigne de sa liaison étroite avec le développement de l'État-nation, car c'est dans la légitimité croissante de la langue vulgaire que l'administration royale a pu asseoir son autorité. C'est pourquoi, en un sens, il ne saurait y avoir de définition stricte du « roman », puisqu'il se manifeste dans la différenciation même des formes et des jeux de langage, dans la diversité irréductible des traditions et des cultures. C'est pourquoi, enfin, il a pu connaître et intégrer sans peine de multiples formes au cours des âges, jusqu'à sa négation même dans certaines recherches contemporaines (Thomas Pynchon, Entropy, 1960 ; Maurice Roche, Compact, 1965). Complétez votre recherche en consultant : Les corrélats épopée Pynchon Thomas Roche Maurice La pluralité des romans C'est par le recensement des diverses formes et emplois romanesques que l'on peut rendre compte de la dissémination à l'oeuvre dans ce « genre » narratif. Le roman d'analyse est sans doute un des plus courants aujourd'hui (François Mauriac, Thérèse Desqueyroux, 1927) ; les romans animaliers peuvent s'attacher à la vie de l'animal (Jack London, Croc-Blanc, 1905) ou à sa valeur symbolique (George Orwell, la Ferme des animaux, 1945). Les romans d'aventure peuvent être de cape et d'épée (Alexandre Dumas, les Trois Mousquetaires, 1844), d'anticipation (Jules Verne, De la Terre à la Lune, 1865) ou fantastiques (Howard Phillips Lovecraft, le Cauchemar d'Innsmouth, 1936). Goethe a lancé la vogue des romans de formation (Wilhelm Meister, 1795-1797) ; la comtesse de Ségur, celle des romans pour enfants (les Petites Filles modèles, 1858). On écrit des romans allégoriques (Guillaume de Lorris, Jean de Meung, le Roman de la Rose, 1230-1275), comiques (Charles Sorel, Histoire comique de Francion, 1623-1633), épistolaires (Samuel Richardson, Clarisse Harlowe, 1747-1748), érotiques (Tanizaki Junichir? , la Confession impudique, 1956), galants (Madeleine de Scudéry, Artamène ou le Grand Cyrus, 1649-1653), historiques (Walter Scott, Ivanhoé, 1820), naturalistes (Émile Zola, le Ventre de Paris, 1873), noirs (Hugh Seymour Walpole, le Château d'Otrante, 1764), pastoraux (Honoré d'Urfé, l'Astrée, 1607-1619), philosophiques (Mikhaïl Boulgakov, le Maître et Marguerite, 1966), policiers (Raymond Chandler, Sur un air de navaja, 1953), satiriques (Antoine Furetière, le Roman bourgeois, 1666), etc. On le voit, ces différentes catégories romanesques ne sont pas homogènes : certaines sont caractérisées par leur forme (par exemple épistolaire) ; d'autres, par leur matière (par exemple érotique) ; d'autres encore, par leur destinataire (par exemple les enfants). Qu'est-ce qui peut unifier cette pluralité et nous engager à regrouper tous ces textes sous le nom de roman ? Sans doute deux éléments : l'expérience du nouveau et la quête d'une identité. Complétez votre recherche en consultant : Les corrélats Astrée (l') Boulgakov Mikhaïl Afanassievitch Chandler Raymond Dumas - Dumas (Alexandre, dit Dumas Père) enfantine (littérature) épistolaire (littérature) érotisme érotisme - L'érotisme en littérature fantastique fantastique - Le fantastique en littérature Furetière Antoine Goethe (Johann Wolfgang von) Guillaume de Lorris Jean de Meung (Jean Clopinel ou Chopinel, dit) London (John Griffith, dit Jack) Lovecraft Howard Phillips Mauriac François naturalisme - 2.LITTÉRATURE Orwell (Eric Arthur Blair, dit George) policier (roman) Richardson Samuel Roman de la Rose (le) Scott (sir Walter) Scudéry (de) - Scudéry (Madeleine de) Ségur (Sophie Rostopchine, comtesse de) Sorel Charles Tanizaki Junichiro Urfé (Honoré d') Verne Jules Walpole (Robert, comte d' Orford) - Walpole Horace Zola Émile Les livres roman - Jack London, page 4432, volume 8 roman - Raymond Chandler, en 1959, page 4432, volume 8 L'expérience du nouveau Le roman traite souvent du voyage, dans l'espace terrestre (Jean Giono, le Hussard sur le toit, 1951 ; Jack Kerouac, Sur la route, 1957) ou cosmique (Cyrano de Bergerac, Histoire comique des États et empires de la Lune, 1657), mais aussi dans le temps (Robert Wace, Roman de Brut, 1155 ; Marguerite Yourcenar, Mémoires d'Hadrien, 1951), dans l'âme des personnages (Stendhal, la Chartreuse de Parme, 1840), dans l'imaginaire (Jonathan Swift, Voyages de Gulliver, 1726) ou dans les couches sociales (Vie de Lazarillo de Tormes, anonyme, 1554), voyage vers l'Autre (Herman Melville, Moby Dick, 1851) ou descente aux enfers (Juan Rulfo, Pedro Páramo, 1955) ; c'est que le voyage semble correspondre à l'organisation intime du roman (ce que Stendhal a exprimé en comparant le roman à « un miroir promené le long d'un chemin ») : à la découverte du nouveau, les personnages bougent, changent, s'épuisent ou se régénèrent dans une quête du sens. D'une certaine façon, tout roman est un Voyage au bout de la nuit (Céline, 1932). C'est cette expérience du nouveau qui inspire les romans de formation autant que le réalisme balzacien ou le roman-document (depuis Daniel Defoe, Journal de l'année de la peste, 1722, jusqu'à Truman Capote, De sang froid, 1966), à condition cependant de pouvoir renverser la formule et de percevoir aussi la nouveauté de l'expérience : dans les sociétés traditionnelles, l'expérience est une lente acquisition, conduite par les anciens ou les maîtres ; elle sert en quelque sorte de lien entre le savoir de la tradition et le monde. Mais, dans des sociétés de cour ou dans les sociétés modernes, l'expérience ne cherche plus à répéter la tradition, elle ne fonde plus la valeur du savoir de l'ensemble du groupe, elle se dissout en expérimentations scientifiques ou en expériences individuelles. Il ne s'agit plus désormais d'acquérir peu à peu l'expérience des anciens, mais de faire le plus vite possible l'expérience du nouveau (c'est tout le débat de la querelle des Anciens et des Modernes). Il n'est alors plus de totalisation possible des expériences comme dans le savoir traditionnel ; on ne peut que multiplier les expériences fragmentaires. Tel est bien ce que proposent les romans : ils permettent d'éprouver et de connaître rapidement la multiplicité des expériences des sociétés nouvelles. Complétez votre recherche en consultant : Les corrélats Balzac (Honoré de) Capote (Truman Streckfus Persons, dit Truman) Céline (Louis-Ferdinand Destouches, dit Louis-Ferdinand) Cyrano de Bergerac (Savinien de) Defoe (Daniel Foe, dit Daniel) expérience Giono Jean Kerouac (Jean-Louis, dit Jack) Lazarillo de Tormes Melville Herman querelle des Anciens et des Modernes Rulfo Juan Stendhal (Henri Beyle, dit) Swift Jonathan Wace Robert Yourcenar (Marguerite de Crayencour, dite Marguerite) Les livres roman - Voyage au bout de la nuit, de Céline, page 4432, volume 8 roman - Jack Kerouac à Manhattan, en 1953, page 4432, volume 8 La quête d'une identité La fragmentation des expériences trouve en même temps dans le roman la possibilité d'une identité imaginaire. Il ne fait guère de doute que l'essor récent du roman policier y participe, dans la mesure où il s'agit toujours d'y établir une identité (au moins celle du coupable), d'y affirmer une position de savoir face à la diffraction des expériences, d'affirmer une certaine stabilité des êtres au-delà de l'instabilité des apparences. À moins que le roman policier, participant de l'Ère du soupçon (Nathalie Sarraute), ne permette justement de thématiser l'instabilité des identités et d'interroger ce qui fait le sens d'un message, voire son identification comme message (Agatha Christie, Rideau, 1976 ; Paul Auster, la Trilogie new-yorkaise, 1985-1986). Le succès de la science-fiction ou du fantastique témoigne du même phénomène (Stanislaw Lem, la Voix du maître, 1963). Le roman de masse (des romans-feuilletons à la série « Harlequin »), qui s'est développé avec les sociétés industrielles ne proposant plus un modèle convergent d'expérience, affirme au contraire l'identité à coups de stéréotypes et joue de la nécessaire identification du lecteur (ou souvent de la lectrice) aux héros et héroïnes romanesques. Si cette quête d'une identité est ainsi façonnée par la lecture d'une histoire au fond toujours identique, elle n'est pas fondamentalement différente de celle qui anime ce qu'on a pu appeler la « grande littérature », au moment où celle-ci s'absorbe de plus en plus dans la mise en évidence de sa construction littéraire et de ses jeux d'écriture (Maurice Blanchot, l'Arrêt de mort, 1948 ; Alain Robbe-Grillet, les Gommes, 1953). À cette différence près que le roman de masse se contente d'assener une identité par la répétition tranquille des lieux communs, comme une sorte d'arpentage méthodique de la topographie idéologique de nos sociétés, alors que les romans plus expérimentaux font de la fouille inquiète des signes, des choses et des êtres le lieu même de leur identité (Witold Gombrowicz, Cosmos, 1961 ; Gabriel García Márquez, Cent Ans de solitude, 1967 ; Hubert Aquin, Trou de mémoire, 1968). Lors même que les écrivains ou les critiques ont pu parler parfois d'une « mort du roman » ou d'« antiroman », il semble que la structure romanesque lui permette de tout intégrer, jusqu'à son contraire. Complétez votre recherche en consultant : Les corrélats Auster Paul Blanchot Maurice Christie (Agatha Mary Clarissa Miller, dite Agatha) fantastique García Márquez Gabriel Gombrowicz Witold Lem Stanislaw nouveau roman personnage policier (roman) Robbe-Grillet Alain Sarraute Nathalie science-fiction - La littérature de science-fiction Les livres roman - Nathalie Sarraute écrivant, page 4433, volume 8 roman - Marguerite Yourcenar à la Petite Plaisance (Maine, États-Unis), en 1987, page 4433, volume 8 Complétez votre recherche en consultant : Les corrélats personnage réalisme - Le réalisme en littérature Les médias roman - personnages et matière romanesque Les livres roman - le Roman de la Rose, page 4430, volume 8 roman - page manuscrite de Lamiel, roman de Stendhal, page 4431, volume 8 Les indications bibliographiques M. Bakhtine, Esthétique et théorie du roman, Gallimard, Paris, 1987. G. Genette, Figures III, Seuil, Paris, 1972. J. Gracq, En lisant, en écrivant, José Corti, Paris, 1988 (1981). H. James, Du roman considéré comme un des beaux-arts, C. Bourgois, Paris, 1987. G. Scarpetta, l'Âge d'or du roman, Grasset, Paris, 1996.
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« opèrent a priori selon le même principe temporel d'un récit linéaire qui va d'un avant vers un après.

En cela, ils s'opposent à une conception cyclique du temps, ainsi qu'à la structure du mythe, dans la mesure où ce processus purement linéaire laisse en suspens le problème de sa fin : le temps cyclique nous ramène au point de départ, alors que le temps linéaire nous entraîne toujours plus loin sans qu'on sache en marquer le terme « à l'avance ». L'éclosion du roman participe donc d'une certaine conception de la temporalité qui tend à vider celle-ci de son sens (c'est-à-dire de son but, mais aussi de sa signification).

En effet, dans un univers profondément marqué par la tradition sacrée, la fin des temps a déjà fait l'objet d'un récit, et le temps qui y conduit est chargé du sens de la création originelle autant que de cette fin.

C'est pourquoi, dans le mythe, le sens est toujours immédiatement présent, alors que le roman va faire justement de la quête du sens sa dimension la plus intime, depuis l'« aventure » dans laquelle se lancent les chevaliers de la Table ronde (d'une certaine façon, la Queste del Saint Graal , XIII e siècle, n'est autre que la quête du sens, également menée par Don Quichotte cherchant dans chaque aventure matière à confirmer, voire ressusciter, la tradition de la chevalerie et des romans qui s'y rattachent), jusqu'aux romans les plus modernes qui cherchent ce sens dans la temporalité de l'écriture romanesque elle-même.

C'est ainsi que le cycle romanesque À la recherche du temps perdu (1913-1927), de Marcel Proust, se replie sur lui-même et narre l'histoire d'une vocation d'écrivain où le héros ne comprend qu'à la fin ce qu'il lui faut désormais écrire : une œuvre qui ressemble justement à l'ensemble romanesque que nous venons de lire.

De même, James Joyce commence brutalement son œuvre majeure, Finnegans Wake (1939), par la seconde moitié d'une phrase tronquée dont la première moitié constitue en fait les derniers mots du récit, permettant ainsi de circuler dans le seul cercle de l'écriture. Complétez votre recherche en consultant : Les corrélats À la recherche du temps perdu Cervantès (Miguel de) chronique Don Quichotte de la Manche Joyce James mythe mythologie - Introduction mythologie - Les mythes de la création narration Proust Marcel Table ronde (romans de la) temporalité temps - Le concept philosophique - Définir le temps ? Les livres roman - le comte Robert de Montesquiou (1855-1921), page 4431, volume 8 L'autorité du roman À la différence des récits produits dans le domaine de l'histoire, le roman n'est pas un discours du vrai : il ne cherche pas à rapporter ce qui s'est « vraiment » passé.

Il ne possède pas non plus l'autorité du mythe ou de l'épopée, qui reposent sur la tradition consacrée.

Quelle légitimité sociale peut-il donc invoquer dès lors qu'il ne prétend ni dire le réel ni réaffirmer la tradition ? On a pu dire que le roman était issu d'une dégradation du mythe ou de l'épopée : il ne possède plus une seule voix, celle des héros légendaires ou des dieux, mais une multiplicité de voix parfois assimilables aux personnages, comme dans la plupart des romans européens du XIX e siècle, mais qui peut aussi provenir du mélange d'éléments hétérogènes (ce dont témoigne exemplairement l' Histoire des trois royaumes , au XIV e siècle, où s'entremêlent contes, légendes et poésie orale, surnaturel et réalité, ancienne et nouvelle Chine).

Loin d'être figé en une forme aisément reconnaissable et réitérable, il fait sienne la diversité des discours, donnant la parole aussi bien à des poètes qu'à des princes, à des prêtres qu'à des paysans.

Le roman trouve alors sa légitimité dans une configuration sociale qui fonctionne sur ce modèle d'une multiplicité de discours, tout en maintenant leur. »

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