Devoir de Philosophie

Le groupe Manouchian

Publié le 17/01/2022

Extrait du document

19-21 février 1944 - Le 19 février 1944 s'ouvre à Paris, devant une cour martiale allemande, et à grand renfort de publicité, le procès de 23 militants communistes, plus connus sous le nom de groupe Manouchian, et que dénonce dans toute la France une immense affiche rouge intitulée " L'armée du crime ". Ce procès n'est que l'épilogue d'une histoire longue et tragique : celle de la lutte que le PCF a menée, à Paris, les armes à la main contre l'occupant. C'est l'attaque de Hitler contre l'URSS, le 22 juin 1941, qui a poussé le PCF à se lancer, dès juillet 1941, dans cette lutte ouverte. Immédiatement, les autorités allemandes et collaboratrices concentrent les forces de répression contre les communistes à Paris, ces forces sont principalement les tristement célèbres brigades spéciales (BS1 et BS2) des renseignements généraux. Dès l'été 1941, le PCF réussit à organiser quelques dizaines de militants dans des groupes de combat recrutés soit dans la Jeunesse communiste, soit parmi les membres du service d'ordre du parti (l'OS, l'Organisation spéciale), soit, enfin, parmi des militants immigrés, souvent anciens des Brigades internationales. Mais une première vague d'arrestations détruit ces groupes fin 1941-début 1942 et aboutit à un premier procès public, qui, en avril 1942, envoie au poteau d'exécution 25 combattants. La direction du PCF décide alors de regrouper ses forces armées au sein des FTP (Francs-tireurs et partisans), dont Charles Tillon est le chef. Durant l'été et l'automne 1942, les FTP disposent de trois groupes sur Paris. Le premier, celui de Le Berre, sera détruit en août 1942. Le deuxième, le groupe Valmy, chargé aussi de l'exécution des " traîtres " au parti, tombe en novembre-décembre 1942. Reste le troisième groupe, celui des FTP-MOI, qui nous mène tout droit à l' " affaire Manouchian ". Les FTP-MOI parisiens La MOI ( Main-d'oeuvre immigrée) est une structure qui, dès avant la guerre, place sous l'autorité du PCF tous les groupes de communistes étrangers qui se trouvent sur le sol français. Elle dispose de sa propre direction, qui est en contact direct avec Jacques Duclos, le chef du PC clandestin. En mars 1942, la MOI, qui en a reçu l'ordre, organise quatre détachements FTP-MOI sur Paris : le premier, composé de Roumains et de Hongrois (presque tous juifs) le deuxième, entièrement juif et reconnu comme tel le troisième, italien le quatrième comprenant des Espagnols et des Arméniens. Bientôt, le deuxième détachement va se signaler par son activité exceptionnelle en effet, le 16 juillet 1942, la police française lance contre les juifs parisiens la rafle du Vel' d'Hiv'. Immédiatement, de nombreux jeunes qui ont pu échapper à la rafle affluent dans les organisations communistes juives. Le dos au mur, ils brûlent de venger leurs parents et amis, et de combattre le nazisme. La fin de 1942 et le début de 1943 sont marqués par la multiplication des attentats, qui deviennent de plus en plus audacieux. Mais déjà la Gestapo et les BS préparent la riposte. Mises en échec par le cloisonnement rigoureux de l'organisation clandestine, les BS pratiquent une technique de filature qui leur permet de repérer les militants, de " loger " leurs planques, de reconstituer l'organigramme. En mars 1943, les BS frappent : en une seule nuit, plus de 80 arrestations les Jeunesses communistes juives sont démantelées Henri Krasucki, leur chef, est arrêté. La direction de la section juive s'inquiète, comme le rappelle son dirigeant, Adam Rayski : " Le 2 mai 1943, la direction de la section juive s'est réunie et a demandé deux choses à la direction du PCF.D'abord, que l'organisation, qui se sentait encerclée par la police, se replie afin de couper les filatures, de sauver nos cadres et donc de préserver l'avenir du combat. Ensuite, d'envisager le transfert progressif en zone sud des organisations juives, politiques et militaires, afin que nos combattants retrouvent un soutien auprès des juifs de zone sud. La réponse de la direction fut très nette : on nous répondit que " les cadres communistes ne sont pas faits pour rester en conserve " et l'on nous reprocha notre attitude " capitularde " . En communistes disciplinés, nous nous sommes inclinés ". Vague d'arrestations Les résultats ne se firent pas attendre : en juin et juillet 1943, presque toute la direction de la section juive tomba aux mains de la police, ainsi qu'environ 150 militants sur près de 550 militants actifs au début de 1943, il en restait moins d'une centaine. La vague d'arrestations de juin 1943 marque un tournant dans la guerre cruelle que se livrent combattants de la MOI et BS. Si les résistants conservent l'initiative " militaire ", la police, en ayant désormais une idée assez précise des structures et du fonctionnement de l'organisation, a renversé à terme le rapport des forces. La direction FTP-MOI décide en juillet une réorganisation : les quatre détachements initiaux sont dissous et remplacés par un groupe de dérailleurs-dirigé par le juif roumain Boczov-et une équipe spéciale (un groupe de choc) avec à sa tête Manouchian et Marcel Rayman. Les attentats reprennent de plus belle : 70 de juin à octobre. L'équipe spéciale va mener deux opérations particulièrement audacieuses : le 28 juillet 1943, elle attaque à la bombe la voiture du général von Schaumburg, commandant du Grand Paris le 28 septembre, elle exécute le Docteur Julius von Ritter, chargé de superviser le départ forcé en Allemagne de milliers de jeunes Français dans le cadre du STO. L'étau de la police se referme inexorablement. Fin octobre, la BS s'empare de Joseph Davidovitch, commissaire politique des FTP-MOI de la région parisienne, dont Manouchian est désormais le commissaire militaire. Et Davidovitch parle : la BS décide de simuler une évasion pour que Davidovitch, désormais manipulé, pénètre à nouveau dans l'organisation communiste mais les responsables de la MOI ont senti le piège : ils attirent le traître, lui font avouer sa trahison et le liquident. Voyant disparaître leur dernier espoir de remonter jusqu'à la direction du PCF, les BS passent à l'offensive générale à partir du 13 novembre 1943 : au total, 108 arrestations, dont " 58 juifs de diverses nationalités, 29 étrangers et 21 Français aryens " (sic). Le 15 novembre, Marcel Rayman est arrêté, le 16 Manouchian l'est à son tour en même temps que le chef de l'ensemble des FTP de la région parisienne, Joseph Epstein. Le 27, Boczov tombe à son tour. Le 21 février 1944, les 23 du groupe Manouchian sont exécutés. C'est la fin des FTP-MOI parisiens. STEPHANE COURTOIS Le Monde du 2 juin 1985

Liens utiles