Le Général Dourakine
Publié le 05/04/2013
Extrait du document
La comtesse de Ségur puise souvent dans sa biographie pour enrichir ses romans. Soulignons que l'action du Général Dourakine (1866) est située dans la Russie natale de la comtesse. En effet, celle-ci, fille du comte Rostopchine, est née à SaintPétersbourg en 1799 et a vécu en Russie jusqu'à l'âge de dix-huit ans.
«
~- ------ EXTRAITS
« Ah ! mon oncle, je ne compte pas
hériter de vous.
»
Les méchants .•.
« Ma nièce, j'ai amené les enfants dans
leurs chambres ;
je vais leur envoyer les
bonnes, et
je ferme cette porte pour que vous
ne puissiez entrer chez
eux qu'en passant
par le corridor.
MADAME PAPOFSKI.
Non, mon oncle ; je
vous en prie, laissez
cette porte ouverte ; il
faut que j'aille les voir,
les corriger quand j'en
tends du bruit.
Jugez
donc, mon oncle, une
pauvre
femme sans
.
fi ' appui, sans ortune ....
je suis seule pour les
élever.
LE GÉNÉRAL.
- Ma chère
amie, ce sera comme
je
le dis, sans quoi je ne
vous viens en aide
d'aucune manière.
Et
si, pendant votre sé
jour ici, j'apprends que
vous avezfouetté, mal
traité vos enfants
ou
vos femmes, je vous en
témoignerai mon mécontentement...
dans
mon testament.
MADAME PAPOFSKI.
-Mon bon oncle, faites
comme vous voudrez ; soyez sûr que je
ne ...
»
Tr, tr, tr, la clef a tourné dans la serrure, qui
se trouve fermée.
Mme Papofski, la rage
dans le cœur, réfléchit pourtant aux six cent
mille roubles de revenu de son oncle,
à sa
générosité bien connue, à son âge avancé,
à sa corpulence, à ses nombreuses bles
sures.
Ces souvenirs la calmèrent, lui ren
dirent sa bonne humeur,
et elle commença
sa toilette.
On ne lui avait pas interdit de faire
enrager ses femmes de chambre : les
deux qui étaient présentes ne reçurent que
sottises
et menaces en récompense de leurs
efforts
pour bien faire ; mais, à leur grande
surprise
et satisfaction, elles ne reçurent ni
souffiets, ni égratignures.
•.• et les bons
« Natalia ! ma nièce ! dit le général en
ouvrant la portière.
- Mon
oncle! c'est vous! répondit Mme
Dabrovine (car c'était bien elle) en s 'élan
çant hors de la voiture
et en se jetant au cou
du général.
Oh ! mon oncle ! mon bon
oncle ! Quel terrible malheur depuis que je
ne vous ai vu ! Mon pauvre Dmitri ! mon
excellent mari ! tué ! tué
à Sébastopol ! »
Mme Dabrovine s'appuya en sanglotant sur
l'épaule de son oncle.
Le général, ému de
cette douleur si vive
et si
vraie, la serra dans ses
bras
et s'attendrit avec
elle.
LE GÉNÉRAL.
- Ma
pauvre
enfant! ma chère
Natalia ! Pleure,
mon
enfant, pleure dans les
bras de ton oncle, qui
sera ton père, ton ami ...
Pauvre
petite ! Tu as
bien souffert !
MADAME DABROVINE.
- -
Et je souffrirai toujours,
mon cher oncle ! Com
ment oublierai-je un
mari
si bon, si tendre ? ·
Et mes pauvres enfants !
Ils
pleurent aussi leur
excellent père, leur
meilleur ami ! Mon
chagrin augmente le
leur
et les désespère.
«Madame Dabrovine
s'appuya en sanglotant
sur l'épaule de son
oncle.,.
,
NOTES DE L'EDITEUR
« Autre trait d'époque qui est particuliè
rement accusé dans les romans de la
comtesse de
Ségur : le culte de la noblesse.
" Ses livres, écrit Montherlant, respirent
l'esprit de la conviction.
On y boit jusqu'à
la lie le malheur de n'être pas noble.
à
quelques réserves près, elle est parfaite
de justesse.
La séparation de la société
en deux groupes, les nobles et les autres,
constitue la structure de la morale
ségurienne.
»Introduction de l'Œuvre
complète
de la comtesse de Ségur,
Robert Laffont, 1990.
si l'on doit tenir compte, ce qui fut le cas
de Mme de
Ségur, du refus par l'éditeur
des
" incorrections
de langage
" des enfants
et de certains adultes.
Dès que
l'on prend
un peu de distance, on s'aperçoit que la
comtesse
s'est préoccupée non seulement
de raconter mais
d'écrire.
Tous les bons ont une particule et les
méchants
n'en ont pas.
Au moins, comme
cela, il est facile de
s'y reconnaître.
"
C'est Costals, dans Les Jeunes Filles,
qui se permet cette observation ;
1 Harlingue-Viollet 2, 3, 4, 5 gravures d'Émile Bayard, Hachette, 1876
« Le style rapide, vigoureux, économe et
précis, de la romancière est à l'opposé des
hésitations, des redites, des approximations
du récit oral.
Rien de plus difficile que de
rendre
" naturels " les dialogues, et surtout Il
est temps de lui attribuer un statut
qu'elle s'était bien gardée de revendiquer,
celui
d'un auteur à part entière.
»
Marie France Doray, La Comtesse
de
Ségur, une étrange paroissienne,
Éditions Rivage, 1990.
SÉGUR04.
»
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