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Le bonheur relève-t-il de l'espace privé ou de l'espace public ?

Publié le 17/09/2011

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La recherche du bonheur semble être ce qui motive, directement ou indirectement, toutes nos actions. L'homme, guidé par une sorte d'instinct, cherche en effet naturellement à être heureux. Chacun recherche donc à sa façon, et sans même se soucier des autres, son propre bonheur, lequel est donc original, instinctif, voire même unique. Dans ce cas, le bonheur serait bien l'affaire de chacun, un projet personnel qui ne regarde personne d'autre. Être affairé signifie en effet être en action, agir, rechercher activement son bonheur et ne pas seulement l'espérer.

« contrairement aux actions qui ont leur but en dehors d'elles-mêmes, le bonheur est bien ce qui est recherché pourlui-même et ce qui se suffit à lui-même.

Il est donc le Souverain Bien, autrement dit le bien que nous recherchons àtravers tous les autres (richesse, honneur, plaisir...), tandis que tous les autres ne sont recherchés en revanchequ'en vue du bonheur. On ne peut plus, de ce fait, se contenter de concevoir le bonheur comme l'expression de notre sensibilité, laquelleest subjective et variable d'un individu à l'autre.

Il semble même, au contraire, que le bonheur soit l'expression de cequ'exige notre humanité, c'est-à-dire de notre finalité raisonnable et morale.

Ainsi, comme l'explique Aristote, larecherche du bonheur, autrement dit du Souverain Bien qui peut commander toutes nos actions, ne peut consisterqu'en « une activité de l'âme et dans des actions accompagnées de raison ».

Le bonheur n'est donc pas l'expressiond'un plaisir égoïste et de la satisfaction pure et simple de tous nos désirs, puisque ce serait laisser insatisfaite lapart de raison qui, en nous, exige quelque chose de plus élevé.

Pour preuve, le fait qu'en cherchant leur bonheurdans le mal, les méchants ne peuvent pas être heureux car une partie d'eux seulement est satisfaite alors quel'autre est pleine d'amertume ; tandis qu'au contraire, les hommes vertueux sont heureux car, en agissant bien, ilssont en accord avec la raison et car leur action s'accompagne d'un réel plaisir : le plaisir de se sentir en accordavec la partie la plus achevée de leur être. Dès lors, on comprend que le bonheur devienne l'affaire de la société tout entière et puisse prendre une formepolitique.

S'il devient en effet possible de définir le bonheur de façon objective, comme pouvant être perçu et réalisépar tous les hommes de la même façon, il devient alors l'affaire de tous.

Qui plus est, comme la nature morale dubonheur suggère qu'il y est question de justice et de droit, on peut donc penser que c'est à la société de contribuerà rendre les hommes vertueux et donc heureux.

On pourrait même aller jusqu'à dire que ce serait à l'État d'imposer,à travers sa législation, un droit juste qui permettrait aux hommes qui le suivraient d'être justes et d'accomplir lamoralité qui est en eux.

En posant que « l'homme est un animal politique », Aristote suggère justement que ce n'estqu'au sein de la cité que l'homme peut s'accomplir moralement et humainement, atteignant par là même le SouverainBien.

Dans ces conditions, le bonheur comme vertu n'est pas une affaire privée, mais il devient l'affaire de la sociétéet même de l'État, à travers la mise en place de lois justes.

La recherche de la constitution idéale montre qu'il s'agitbien d'une affaire politique et que rien n'est moins simple que de rendre les hommes heureux en créant une sociétéparfaitement juste au sein de laquelle ils n'auraient plus qu'à accomplir leur moralité. Si l'on définit le bonheur comme accomplissement moral ou comme vertu, et non plus comme satisfactionpersonnelle, voire égoïste, de ses désirs, le bonheur apparaît comme une affaire politique et publique.

Cependant, lebonheur comme vertu ne suppose-t-il pas l'obtention de certaines conditions matérielles ? Le bonheur comme démarche personnelle peut et doit être soutenu par !a société.

Ne pourrait-il pas en effetdépendre à la fois de la sphère publique de la société et de notre propre liberté ?Il semble que le bonheur ne puisse guère être réduit à l'instinct égoïste, ni à la perfection morale.

En effet, si,comme l'affirmait Stewart.

Mill, il « vaut mieux être un homme insatisfait qu'un porc satisfait », il n'en demeure pasmoins que l'on peut également retourner cette phrase pour affirmer que le sage peut aussi être moins heureux que leporc.

Aristote souligne aussi que l'exercice de la vertu suppose des conditions extérieures et matérielles qui larendraient possible.

Ce que Kant confirme lorsqu'il suggère que l'accomplissement de son devoir est menacé si l'on setrouve dans une certaine misère, laquelle consiste par exemple à « ne pas être content de son état, se trouveraccablé de soucis, et cela au milieu de besoins insatisfaits».

Il s'ensuit que pour devenir heureux, en devenant bon,il faut donc aussi et d'abord être relativement satisfait du point de vue de ses besoins et de ses désirs égoïstes.

Enoutre, en étant heureux, on se met en condition pour rendre les autres heureux.

La conciliation difficile entre cesdeux formes antagonistes de biens que sont, d'un côté, notre part d'égoïsme et, de l'autre côté, notre aspirationmorale, suggère que le bonheur ne réside peut-être que dans la recherche de cet équilibre : en recherchant le bienqui nous rend digne d'être heureux (et donc de satisfaire plus superficiellement nos désirs), nous nous élevons à lavertu sans renoncer à nos désirs. L'importance du rôle que chaque individu a à jouer dans la recherche du bonheur est alors préservée puisqu'ilappartient à chacun de faire valoir son aptitude à rechercher le bien.

Et, certes, on ne peut attendre cela de l'Étatcar cela reviendrait à ne plus faire son devoir par soi-même mais à le faire en obéissant à des intérêts qui seraientétrangers à notre volonté, ce qui reviendrait, comme le montre Kant, à enlever à notre acte moral ce quiprécisément le rend moral.

En effet, si le bonheur conçu comme vertu devenait l'affaire de l'État, il perdrait alors soncaractère de vertu puisqu'on n'agirait que « conformément à la loi (morale) » et non plus « par devoir », c'est-à-direen puisant en soi-même la volonté d'agir bien.

Il s'ensuit que c'est à l'individu de s'occuper lui-même de sonaccomplissement moral, même si cela ne peut se faire | qu'au sein de la société, dans la mesure où ce n'est queparmi ses semblables que I l'homme peut faire valoir sa moralité. Cependant, c'est à l'État d'assurer à l'homme le respect de certains droits qui satisferont ses besoins fondamentauxet matériels et que l'individu ne pourrait satisfaire seul.

Sans cela, l'homme risquerait d'être trop malheureux pourêtre vertueux.Ainsi, il revient à l'État, par exemple, de permettre à ses citoyens de vivre dignement, en leur donnant droit à toutce qui peut contribuer à rendre leur vie convenable (logement, travail, éducation, santé, etc.).

L'État et laconstitution devront ainsi favoriser un bonheur qui, sinon, serait entravé par des conflits égoïstes et des inégalités.Et à supposer que l'État se révèle imparfait et inefficace, la société civile (la communauté) pourrait et devraitfavoriser le bonheur commun en mettant en œuvre d'autres moyens (réseaux d'associations, entraide, solidarité)afin de permettre aux individus de vivre dignement.

Enfin, c'est par le biais des lois que l'État pourra contribuer à. »

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