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Laurent-Désiré Kabila : la mort d'un dictateur

Publié le 17/01/2022

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16 janvier 2001 LAURENT-DÉSIRÉ Kabila, soixante et un ans, a été assassiné, mardi 16 janvier, au Palais de marbre, la présidence congolaise sur les hauteurs de Kinshasa. Peu après 16 heures locales, une intense fusillade a éclaté aux abords du bâtiment, aussitôt bouclé par des militaires. Deux versions sur la fin du successeur du maréchal Mobutu au pouvoir depuis le 17 mai 1997 ont été avancées, l'une par le ministre belge des Affaires étrangères, l'autre par un membre de la sécurité rapprochée de Kabila. Selon Louis Michel, à Bruxelles, un garde du corps du chef de l'Etat congolais aurait ouvert le feu sur Kabila, dans des circonstances mal élucidées, le blessant mortellement de deux balles tirées dans le dos et dans la jambe droite. Selon le membre de la sécurité rapprochée, qui a livré son témoignage à l'agence Belga, sous couvert d'anonymat, une explication orageuse sur la conduite de la guerre aurait « mal tourné ». Limogé par Kabila, le vice-ministre de la Défense, le colonel Kayemba, aurait dégainé son arme quand le fils du président congolais, Joseph Kabila, chef d'état-major général de l'armée gouvernementale, aurait tenté de s'emparer de lui. Le colonel aurait alors abattu le chef de l'Etat et blessé son fils, ensuite évacué par hélicoptère dans un hôpital de Kinshasa. Dans la soirée de mardi, aucune confirmation officielle de la mort de Laurent-Désiré Kabila, annoncée par des sources diplomatiques à Bruxelles, Paris et Washington, n'est intervenue de la part des autorités congolaises. A la suite de la fusillade, l'aide de camp du président, le colonel Eddy Kapend, était brièvement apparu à la télévision congolaise pour appeler la population au calme et à la « sérénité », annonçant par ailleurs la fermeture des frontières terrestres et aériennes. « Il est interdit de recourir aux armes sans ordre préalable », avait-il ajouté. Vers 20 heures, le ministre de l'Intérieur, Gaëtan Kakudji, a expliqué par le même canal que le président Kabila aurait « ordonné » l'imposition d'un couvre-feu nocturne. Interrogé, hors antenne, sur l'attentat meurtrier révélé depuis Bruxelles, il a répondu : « Les Belges peuvent dire ce qu'ils veulent, je ferai une déclaration plus tard. » Mercredi matin, après une nuit calme, la radio nationale a ouvert son premier bulletin d'informations en commentant l'assassinat de... Patrice Lumumba, le père de l'indépendance, éliminé le 17 janvier 1961. « Laurent-Désiré Kabila a décidé de reprendre le flambeau de Lumumba », affirmait un commentaire, apparemment préenregistré pour la commémoration du 40e anniversaire du héros national. Samedi dernier, la radio d'Etat s'était montrée tout aussi prémonitoire. Elle affirmait ainsi que « l'année 2001 ne sera pas une année comme les autres, après deux ans et demi d'indicibles souffrances vécues quotidiennement par le peuple congolais » depuis le début de la guerre régionale, en août 1998, mobilisant ses auditeurs pour « l'assaut final contre les agresseurs ». La veille, le commandant de la Mission d'observation des Nations unies en République démocratique du Congo (Monuc), le général Mountaga Diallo, avait pour sa part mis en garde, dans une déclaration publique, contre « un embrasement généralisé des fronts ». MENACE SUR KINSHASA Depuis la reprise de la guerre à grande échelle, début décembre, la situation militaire s'était singulièrement détériorée pour Laurent-Désiré Kabila. La fraction du Rassemblement congolais pour la démocratie (RDC) militairement soutenue par le Rwanda s'était approchée de moins de 300 km de Lubumbashi, la capitale de la riche province minière du Katanga et fief du défunt chef de l'Etat. Elle poussait également son avantage au centre, vers les provinces diamantifères du Kasaï. De son côté, implanté dans le nord-est et exerçant une menace directe sur Kinshasa, situé à 600 km en aval du fleuve Congo, le maquis de Jean-Pierre Mbemba s'était également réveillé en relançant des attaques autour de Mbandaka, la ville constituant le principal verrou sur la voie fluviale vers la capitale. Le jour de la mort de Kabila, Jean- Pierre Mbemba a signé, à Kampala, un accord d'union avec deux petites factions du RDC, appuyées par l'Ouganda, le pays voisin qui exerce, de ce fait, son influence sur l'extrême nord et le nord-est du Congo-Kinshasa. Pour l'Angola et le Zimbabwe, les principaux alliés du pouvoir en place, qui ont envoyé d'importants contingents expéditionnaires dans l'ex-Zaïre, l'assassinat de Laurent-Désiré Kabila ouvre une phase particulièrement périlleuse. A moins de retirer leurs troupes dans la confusion et d'abandonner le bras de fer régional pour l'hégémonie en Afrique centrale, ils doivent organiser, au plus vite et d'un commun accord, une relève au sein d'un régime qui n'est resté uni que par la terreur exercée par Laurent-Désiré Kabila. Si l'hypothèse d'un attentat commis par l'un de ses gardes du corps se confirmait, attestant l'infiltration de l'entourage le plus proche du défunt chef de l'Etat, une relance immédiate des activités militaires sur tous les fronts deviendrait le scénario le plus vraisemblable.

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