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L'art se définit-il comme une imitation du réel ?

Publié le 09/04/2004

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  • Hegel, Esthétique, 1832 (posth.) « Le beau n'est véritablement beau que quand il participe de l'esprit et est créé par lui. « Hegel, Esthétique, 1832 (posth.)
  • Socrate : « Lequel de ces deux buts se propose la peinture relativement à chaque objet; est-ce de représenter ce qui est tel qu'il est, ou ce qui para, tel qu'il parue? Est-ce l'imitation de l'apparence ou de la réalité ? « Platon, La République, IVe s. av. J.-C. L'artiste, pour Socrate, n'est qu'un charlatan.

Lorsque nous parlons d’art, nous désignons en vérité deux réalités distinctes. Jusqu’au dix-huitième siècle, le terme « art « désignait l’ensemble des techniques de production d’artefacts : tel était encore le cas dans le Discours sur les sciences et les arts (1750) de Jean-Jacques Rousseau. Ainsi, l’activité de l’artiste et celle de l’artisan étaient recouvertes par le même terme. Or, il semble que ces deux activités ne soient pas entièrement réductibles l’une à l’autre, qu’elles possèdent chacune une spécificité à élucider. Par conséquent, il nous faudra au cours de ce travail préciser d’une part ce qui distingue l’art de l’horloger de celui du poète, l’activité du coutelier de celle du plasticien ; et toujours préciser à laquelle de ces deux activités singulières nous pensons lorsque nous employons le signifiant « art «.

Lorsque nous prétendons définir quelque chose, nous cherchons à en formuler le concept, c'est-à-dire a expliquer ce qu’une chose est en elle-même autant que par rapport aux autres, en nommant ses caractéristiques fondamentales.

Par « imiter « on entend l’action qui tend à reproduire la conduite d’un individu que l’on prend pour modèle, ou qui s’efforce de reproduire l’apparence extérieure aussi bien que la structure d’une chose pour donner l’apparence d’une réitération de cette dernière.

Lorsque nous parlons du « réel « sans d’autres précisions, nous faisons référence à l’ensemble des choses qui existent effectivement, ou du moins dont nos sens nous amènent à postuler l’existence indépendante de la notre. Le réel est donc un terme qui englobe une infinité de termes, ces derniers ayant pour point commun d’avoir une existence supposée avérée, tangible, dans le monde qui nous entoure.

A première vue, lorsque nous disons de l’art qu’il se définit comme une imitation du réel, il semble que nous soutenons une thèse assez évidente, qui ne pose guère de problèmes. En effet, l’art se rapporte a des objets qui lui sont extérieurs et, semble-t-il, s’efforce de les représenter aussi exactement que possible. Mais il faut bien voir que cette imitation est toujours insatisfaisante, de sorte que les produits de l’imitation ne parviennent jamais à égaler en tous points les objets qui se tiennent dans le réel. Allant plus loin, nous pouvons également nous demander si la véritable vocation de l’art n’est pas moins de reproduire ce qui existe dans le réel, que de recréer un autre univers, pourvu de ses propres lois et de sa propre logique.

La question au centre de notre travail sera donc de déterminer dans quelle mesure la fonction  définitoire de l’art est de reproduire ce qui existe dans le réel ou de recreer une réalité qui est propre au domaine de l’art.

« Comme nous le lisons dans la République : « L'art de l'imitation est assurément loin du vrai, et apparemment, s'il s'exerce sur toutes choses, c'est parce qu'il ne touche qu'à une petite partie de chacune, et qui n'est qu'un fantôme.

Ainsi le peintre, affirmons-nous, nous peindra un cordonnier, un menuisier, les autres artisans, alors qu'il ne connaît rien à leur art.Cependant, pour peu qu'il soit bon peintre, s'il peignait un menuisier et le leur montrait de loin, il pourraittromper au moins les enfants et les fous, en leur faisant croire que c'est véritablement un menuisier ».

La République, Livre X, 598b. De ceci nous pouvons tirer que l'art se définit effectivement comme une imitation du réel, c'est-à-dire comme uneactivité qui s'efforce de produire une image des choses existantes aussi fidele que possible.

Mais il faut bien voir quecette entreprise est nécessairement vouée a l'imperfection, dans la mesure où les artefacts produits par l'artistesont toujours éloignes de plusieurs degrés de la vérité, et irrémédiablement voues a l'imperfection. II.

Cependant, l'art se veut moins une imitation du réel que la recréation de celui-ci Le regard de l'artiste, un milieu réfractant a. Cependant, nous ne pouvons en rester à cette thèse : il semble en effet que les artistes s'efforcent bien souventde ne pas représenter le réel, de ne pas chercher à l'imiter, pour au contraire s'efforcer de le transfigurer.

Nouspouvons en effet considérer le regard de l'artiste sur le monde comme un milieu réfractant qui modifie, transfigure ledonné naturel.

Par exemple, quand Gustav Klimt représente une foret, il la représente telle qu'il l'a vue lui-même,identique à la vision singulière qu'il a posée sur elle, et nous la donne a voir ainsi au moyen de ses œuvres qui sontla matérialisation et l'objectivation de ses œuvres.

Le regard de l'artiste transfigure donc la nature en modifiantinsensiblement la représentation que nous en avons et en nous la donnant à voir d'une manière différente, sinonoriginale ou inouïe, qui correspond à celle de l'artiste lui-même. L'artiste embellit la nature en proposant une nouvelle manière de la regarder b. D'autre part, nous pouvons dire que l'artiste transfigure, embellit le réel plus qu'il ne l'imite, en proposant unenouvelle manière de regarder ce qui nous entoure.

En effet, alors que la nature n'est que rarement un objet decontemplation pour les hommes, qui se contentent de la traverser ou d'entretenir un rapport pratique avec elle, lesartistes nous apprennent par leurs œuvres à la considérer, d'une part, mais aussi a la considérer chargée designifications nouvelles.

Telle est la thèse de Marcel Proust dans cet extrait de « A la recherche du temps Perdu » : « Et voici que le monde (qui n'a pas été crée une fois, mais aussi souvent qu'un artiste original est survenu) nousapparait entièrement différent de l'ancien, mais parfaitement clair Des femmes passent dans la rue, différentes decelles d'autrefois, puisque ce sont des Renoir, ces Renoir ou nous nous refusions jadis à voir des femmes ».

Marcel Proust, Le côté de Guermantes . Les artistes transfigurent le réel en nous permettant de le voir différemment, en nous apprenant à le considérer nonavec les yeux de l'habitude, mais avec ceux qu'ils ont posés sur elle.

Nous dirons donc que l'art se définit moinscomme une imitation du réel que comme une tentative pour le transfigurer. III. L'art se définit comme une entreprise de création d'un réel nouveau L'artiste rivalise avec le monde en créant un univers parallèle obéissant à ses lois propres a. Nous finirons par dire que l'art ne se définit pas comme une imitation du réel, mais plutôt comme une entreprise decreation d'un réel nouveau, sans rapport avec ce dont nous avons l'expérience dans la réalité.

Pour appuyer cettethèse, nous ferons référence à ce propos de Julien Gracq : « J'ai toujours été étonné de la méprise qui fait du roman, pour tant d'écrivains, un instrument de connaissance,de dévoilement ou d'élucidation (même Proust pensait que sa gloire allait se jouer sur la découverte de quelquesgrandes lois psychologiques).

Le roman est addendum à la création, addendum qui ne l'éclaire ni ne la dévoile enrien : ce qu'un enfant de sept ans sait parfaitement dès qu'il a mis le nez dans son premier vrai livre (il aura toutle temps de ses études pour tenter de l'oublier laborieusement).

Que le roman soit création parasitaire, qu'il naisseet se nourrisse exclusivement du vivant ne change rien à l'autonomie de sa chimie spécifique, ni à son efficacité :. »

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