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L'art nous apprend-il à percevoir ?

Publié le 11/01/2010

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 L'art par son étymologie tekné renvoie à une forme de savoir-faire. L'art médical, l'art de la rhétorique ou encore l'art culinaire nécessitent une habileté que l'on peut acquérir par un apprentissage. L'art est en ce sens nécessairement didactique puisqu'il est un savoir qui se transmet : l'art nous apprend alors à faire quelque chose. Mais l'art désigne, en un autre sens plus récent, ce que l'on appelait au 18e siècle les « beaux-arts «, c'està- dire les arts du beau. L'art comme la peinture, la sculpture, ou encore la musique, plutôt que de nous inviter à « faire «, nous inviterait à « voir « ou « entendre «. L'art nous apprend-il donc à percevoir ? La perception implique une certaine organisation des sensations et, selon les arts, ce ne sont pas les mêmes sens qui sont touchés. Une oeuvre d'art, se caractérise d'abord comme représentation d'un objet de la réalité (le modèle de l'artiste). Or, si l'artiste puise dans la réalité son matériel qu'il nous donne à voir, qu'il nous apprend à percevoir, il peut aussi faire acte d'originalité et puiser en lui-même, dans son imagination, les sources de sa créativité. En ce sens, l'art n'oriente-t-il pas, voire ne trompe-t-il pas, notre perception ? L'art provoque un plaisir esthétique qui est bien celui de la perception, mais d'une perception qui n'est pas celle de l'ordinaire. La question est alors de savoir ce que nous montre l'art exactement, ce qu'il nous apprend à percevoir : est-ce quelque chose du réel que le quotidien masque (deuxième partie) ou est-ce, non pas un objet perçu, mais ce qu'est l'acte même de percevoir en développant ainsi notre faculté perceptive, au-delà même de la présence d'une oeuvre d'art (troisième partie) ?

« sensation sans l'exclure par la réflexion.

Il est produit par une perception qui élève la sensation à un sentiment quitouche tout l'individu.

L'art en ce sens nous permet de percevoir le monde indépendamment de sa fonctionnalité.

Ence sens, Kant qualifie le jugement de goût de « désintéressé ».

Ce qui fait l'objet d'une satisfaction esthétique, « lebeau », plaît parce qu'il ne vient satisfaire aucune attente, aucune finalité ou fonction, il fait l'objet d'un jugement «sans concept ».

Il se distingue ainsi du jugement scientifique.

Ainsi, ce qui émane de l'oeuvre d'art plaît mais tend àplaire de manière universelle, justement parce qu'elle est détachée de tout concept, de toute fonction, de toutesensiblerie ou sensualité.

Une fois dégagé de tout cela, l'art peut nous apprendre à percevoir, nous apprendre àfaire abstraction des intérêts personnels qui viennent troubler notre perception.

3.

L'art apprend à développer la faculté perceptive L'art nous permet donc de percevoir ce que les artistes pointent du doigt, soulignent, encadrent (que ce soit sur le monde extérieur ou sur leur propre intériorité dans la mesure où elle estuniversalisable).

Mais l'art n'est-il alors que la transmission d'une information que nous n'avions tout simplement pasremarquée ? Ce que l'art nous apprend à percevoir se limite-t-il à un objet sélectionné par l'artiste ? L'art n'est pasasservi à la transmission d'une information sur le réel, il nous donne au contraire la capacité de mieux le percevoir,même lorsqu'il se retire.

En effet, l'art qui serait au service d'un message à transmettre s'apparenterait à de lapublicité ou de la propagande, il ne serait plus désintéressé, et perdrait donc sa qualité essentielle.

De la mêmemanière, vouloir faire de l'art simplement ce qui nous informe sur le passé, sur le contexte dans lequel a été produittelle ou telle oeuvre, c'est le réduire à un documentaire.

Ainsi, Guernica de Picasso fait bien plus que de nousinformer sur l'horreur de la guerre d'Espagne.

Un documentaire justement pourrait y pouvoir aussi bien sans être uneoeuvre d'art.

Sa valeur est donc ailleurs.

Un tableau va figer quelque chose d'éphémère et va nous permettre de lepercevoir, mais il va au-delà de l'apparence sensible.

L'art rend compte de la vie, du mouvement de quelque chose.L'art est l'expression de l'Esprit pour Hegel.

Il fait prendre conscience à son spectateur de sa dimension spirituelle.L'art permet de transmettre la perception d'un artiste à un spectateur.

Mais en quoi cette perception n'est-elle paspure subjectivité ? Qu'est-ce qui distingue par exemple les Confessions de Rousseau ou le Journal d'Anaïs Nin dujournal que n'importe quel quidam peut tenir ? Dans une interview sur le réalisme, Rodin explique que l'artiste n'estpas seulement celui qui « regarde », mais celui qui « voit ».

Il est capable de saisir l'âme, la vie, l'Esprit de sesmodèles et d'en rendre compte dans ses sculptures bien plus, finalement, que de simples moulages qui ne feraientque figer l'apparence extérieure d'un instant.

La surface a un sens pour l'artiste parce qu'elle exprime l'émergenced'un volume.

L'artiste est un voyant privilégié pour Merleau-Ponty, car il perçoit avec son corps qui est directementengagé par sa chair dans le monde.

Le peintre voit avec son pinceau.

Sa perception n'est donc pas un exercice desynthèse intellectuelle de différentes sensations comme pourrait le faire un observateur extérieur, un scientifiquepar exemple.

L'art permet donc à l'artiste de déployer sa capacité à percevoir le monde et cette manière depercevoir le monde nous est transmise à travers son oeuvre.

Mais plus qu'une information sur un objet perçu,l'artiste nous montre ce que c'est que « percevoir ».

L'art devient alors un mode de vie, celui de l'esthète quiapprend à percevoir sans même qu'une oeuvre soit présente.

Ainsi, le héros du Temps retrouvé de Proust se met àaimer Odette parce qu'il la trouve belle comme une figure de Botticelli.

Cette perception esthétique du réel va mêmejusqu'à se faire en l'absence de référence artistique consciente.

Oscar Wilde, dans l'article « Le déclin du mensonge» (Intentions), explique que si les couchers de soleil sont à la mode, c'est parce que Turner en a peint beaucoup !Le réel est lui-même imprégné et revisité par le regard des artistes, et notre regard, sans que nous en ayonsnécessairement conscience, s'en trouve modifié.

Ainsi, l'art apprend à développer cette capacité à percevoir le réelde manière désintéressée, par une approche globale des sens.

La perception esthétique ne se réduit donc pas à lajouissance d'un seul organe ni à l'analyse purement intellectuelle.

Conclusion L'art, en troublant nos sens, semble dans un premier temps tromper notre perception.

Mais la perception engendrée par l'art se distingue de laperception froide d'un observateur intellectuel extérieur à la réalité.

Aussi, l'art nous apprend-il à percevoir dans lesens où il nous permet d'avoir une approche sensible et globale du réel, débarrassée de toute visée pragmatique.L'enseignement de l'art n'est pas qu'une instruction, c'est-à-dire la transmission d'un savoir précis sur un objet.

L'artest source d'éducation esthétique, c'est-à-dire qu'il forme la capacité à percevoir, quel que soit l'objet, et même lacapacité à percevoir sans avoir d'objet prédéterminé ou attendu.

L'art nous apprend à nous étonner.

En ce sens,l'art rejoint la philosophie.

Sujet désiré en échange : a quels besoins l\'art peut il répondre?. »

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