Devoir de Philosophie

L’art, les arts

Publié le 25/01/2020

Extrait du document

LE MOT ET LES CHOSES

Le mot « art » est susceptible d’emplois si variés qu’il est à l’évidence impossible de le définir par l’énumération des objets* auxquels il s’applique : je puis parler de l’art d’un rugbyman aussi bien que de celui d’un peintre, et rien ne peut m’obliger, a priori, à convenir qu’il s’agit là de deux mots différents. Aussi l’utilisation du mot « art » est-elle fréquemment l’objet d’un débat (la bande dessinée est-elle un art? et la photographie? et la pop-musique ?...). Que l’on n’aille pas dire qu’il existe au moins un certain nombre d’objets (selon la liste la plus courante des beaux-arts : l’architecture, la peinture, la sculpture, la musique, la danse et la pantomime, la littérature) pour lesquels l’emploi du mot est indiscutable et qui peuvent servir de critères : je peux très bien, m’appuyant sur Hegel (« L’architecture est l’art le plus pauvre quant à l’expression des idées1 »), refuser de considérer l’architecture comme un art, et, me fondant sur la notion de plaisir gratuit, considérer tel cuisinier comme un grand artiste ; il ne s’agit pas d’un mauvais emploi du mot, comme si j’employais le mot « table » pour désigner un chat, car tout le monde comprendra ce que je veux dire.

« L'ART ET LES BEAUX~ARTS Les controverses auxquelles peut prêter cet emploi montrent assez qu'il inclut un jugement* : une simple désignation ne se discute pas ; l'usage du mot «art» ressemble donc à celui de mots comme «bon» ou «vrai», d'une façon que nous tenterons d'analyser.

Il vaut la peine de remarquer qu'il n'en a pas toujours été ainsi en français : ce mot a longtemps désigné une technique, le savoir d'un artisan, toute activité raisonnée permettant de produire des objets (comme il apparaît encore aujourd'hui dans l'École des Arts et J\1étiers, par exemple, ou lorsqu'on dit d'un pont qu'il est un «ouvrage d'art»).

La valeur de jugement était alors dévolue à l'expression «beaux-arts», avec l'extension déjà indiquée; c'est cette expression que remplace généralement aujourd'hui le mot «art"· Cette évolution donne une première idée de l'emploi actuel : nous utilisons le mot «art» pour désigner un produit de l'activité humaine et lui attribuer une valeur* (qualité esthétique).

Il existe au moins un cas limite où le mot peut être utilisé sans désigner un objet produit.

En effet, le paléontologiste A.

Leroi-Gourhan voit les premières traces accessibles d'un comportement artistique de l'humanité dans des collections de fossiles ou de cailloux « curieux ,, (des curios) retrouvés dans des habitats du Moustérien (50000 ans avant notre ère).

Ce cas vaut la peine d'être relevé, car il jette des lueurs, dès les origines, sur cette «qualité esthétique,, qu'exprime l'usage du mot «art•>.

Aucun sens descriptif n'est sensible dans ces vestiges constitués par des sphéroi'des et une spirale, mais c'est le premier témoin attesté de la reconnaissance de formes.

C'est aussi le premier signe, très important, de la quête du fantastique naturel.

Le sentiment esthé­ tique qui pousse vers le mystère des formes bizarres, doquilles, pierres, dents ou défenses, empreintes de fossiles, appartient certainement à une strate très profonde du comportement humain : non seulement c'est le premier attesté dans l'ordre chronologique, mais c'est aussi une forme d'adolescence des sciences naturelles car dans toutes les civilisations l'aurore scientifique débute dans le bric-à-brac des « curios "· Il est facile d'établir les liens de cette 59. »

↓↓↓ APERÇU DU DOCUMENT ↓↓↓

Liens utiles