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Labrador proteste anxieusement que c'est là « opposer aux grâces de la Nature une laideur artificieuse », il se contredit uisque, quelques lignes plus loin, il affirme que les plus belles tapisseries ne sauraient rivaliser avec ces peintures.

Publié le 06/01/2014

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Labrador proteste anxieusement que c'est là « opposer aux grâces de la Nature une laideur artificieuse », il se contredit uisque, quelques lignes plus loin, il affirme que les plus belles tapisseries ne sauraient rivaliser avec ces peintures. amais, sans doute, l'effet érotique des fards n'a été aussi systématiquement et consciemment exploité. Par leurs peintures faciales, comme par leur usage de l'avortement et de l'infanticide, les Mbaya exprimaient une ême horreur de la nature.     L'art indigène proclame un souverain mépris pour l'argile dont nous sommes pétris ; en ce sens il confine au péché. De on point de vue de jésuite et de missionnaire, Sanchez Labrador se montrait singulièrement perspicace en y devinant le émon. Lui-même souligne l'aspect prométhéen de cet art sauvage, quand il décrit la technique selon laquelle les ndigènes se couvraient le corps de motifs en forme d'étoiles : « Ainsi chaque Eyiguayegui se regarde comme un autre tlante qui, non plus seulement sur les épaules et dans ses mains, mais par toute la surface de son corps, devient le upport d'un univers maladroitement figuré. » Serait-ce l'explication du caractère exceptionnel de l'art caduveo, que par on intermédiaire l'homme refuse d'être un reflet de l'image divine ?   Fig. 16 - Décor de cuir peint.   En considérant les motifs en forme de barres, de spirales et de vrilles pour lesquels cet art semble avoir une rédilection, on pense inévitablement au baroque espagnol, à ses fers forgés et à ses stucs. Ne serions-nous pas en présence d'un style naïf emprunté aux conquérants ? Il est certain que les indigènes se sont approprié des thèmes, et nous connaissons des exemples de ce procédé. Lorsqu'ils visitèrent leur premier navire de guerre occidental, qui naviguait en 1857 sur le Paraguay, les marins du Maracanha les virent le lendemain, le corps couvert de motifs en forme d'ancres ; un Indien s'était même fait représenter sur tout le buste un uniforme d'officier parfaitement reconstitué, avec les outons, les galons, le ceinturon et les basques passant par-dessous. Tout ce que cela prouve, c'est que les Mbaya avaient déjà la coutume de se peindre et qu'ils avaient acquis dans cet art une grande virtuosité. Au surplus, pour rare qu'il soit ans l'Amérique précolombienne, leur style curvilinéaire offre des analogies avec des documents archéologiques xhumés en divers points du continent, certains antérieurs de plusieurs siècles à la découverte : Hopewell, dans la vallée de l'Ohio, et la poterie caddo récente dans celle du Mississippi ; Santarem et Marajo, à l'embouchure de l'Amazone et Chavin au Pérou. Cette dispersion même est un signe d'ancienneté. Le véritable problème est ailleurs. Quand on étudie les dessins caduveo, une constatation s'impose : leur originalité ne tient pas aux motifs élémentaires, qui sont assez simples pour avoir été inventés indépendamment plutôt qu'empruntés (et probablement les deux procédés ont-ils existé côte à côte) : elle résulte de la façon dont ces motifs sont combinés entre eux, elle se place au niveau du résultat, de l'oeuvre achevée. Or, les procédés de composition sont si raffinés et systématiques qu'ils dépassent de loin les suggestions correspondantes que l'art européen du temps de la Renaissance aurait pu fournir aux Indiens. Quel que soit le point de départ, ce développement exceptionnel ne peut donc s'expliquer que par des raisons qui lui sont propres. J'ai jadis essayé de dégager certaines de ces raisons en comparant l'art caduveo à d'autres, qui offrent avec lui des analogies : Chine archaïque, côte ouest du Canada et Alaska, Nouvelle-Zélande (2). L'hypothèse que je présente ici est assez différente, mais elle ne contredit pas l'interprétation antérieure : elle la complète. Comme je le notais alors, l'art caduveo est marqué par un dualisme : celui des hommes et des femmes, les uns culpteurs, les autres peintres ; les premiers attachés à un style représentatif et naturaliste, malgré les stylisations ; tandis que les secondes se consacrent à un art non représentatif. Me bornant maintenant à la considération de cet art féminin, je voudrais souligner que le dualisme s'y prolonge sur plusieurs plans. Les femmes pratiquent deux styles, également inspirés par l'esprit décoratif et l'abstraction. L'un est angulaire et géométrique, l'autre curviligne et libre. Le plus souvent, les compositions sont fondées sur une combinaison régulière des deux styles. Par exemple, l'un est employé pour la bordure ou l'encadrement, l'autre pour le décor principal ; plus frappant encore est le cas de la poterie, où l'on trouve généralement un décor géométrique sur le col, et un décor urviligne sur la panse, ou inversement. Le style curvilinéaire est plus volontiers adopté pour les peintures de visage, et le tyle géométrique pour celles du corps ; à moins que, par une division supplémentaire, chaque région ne porte un décor ui procède lui-même d'une combinaison des deux. Dans tous les cas, le travail achevé traduit un souci d'équilibre entre d'autres principes allant aussi par couples : un écor primitivement linéaire est repris en fin d'exécution pour être partiellement transformé en surfaces (par remplissage e certains secteurs, comme nous faisons quand nous dessinons machinalement) ; la plupart des oeuvres sont fondées sur 'alternance de deux thèmes ; et presque toujours, la figure et le fond occupent approximativement une égale superficie, e sorte qu'il est possible de lire la composition de deux manières, en inversant les groupes invités à jouer l'un ou l'autre ôle : chaque motif peut être perçu en positif ou en négatif. Enfin, le décor respecte souvent un double principe de ymétrie et d'asymétrie simultanément appliquées, ce qui se traduit sous la forme de registres opposés entre eux, arement partis ou coupés, plus souvent tranchés ou taillés, ou encore écartelés ou gironnés. C'est à dessein que 'emploie des termes héraldiques ; car toutes ces règles évoquent irrésistiblement les principes du blason.   Fig. 17-18. Peintures corporelles : en haut, recueillie par Boggiani (1895) ; en bas, par l'auteur (1935).   Poursuivons l'analyse au moyen d'un exemple : voici une peinture de corps qui paraît simple (fig. 17-18.). Elle consiste n pals ondulés et accostés déterminant des champs fuselés et réguliers dont le fond est occupé par un semis de petits eubles à raison d'un par champ. Cette description est trompeuse : regardons de plus près. Elle rend peut-être compte de l'apparence générale, une fois le dessin terminé. Mais la dessinatrice n'a pas commencé par tracer ses rubans ondulés pour orner ensuite chaque interstice d'un meuble. Sa méthode a été différente, et plus compliquée. Elle a travaillé comme un paveur, construisant des rangées successives au moyen d'éléments identiques. Chaque élément est ainsi composé : un secteur de ruban, lui-même formé par la partie concave d'une bande et la partie convexe de la bande djacente ; un champ fuselé ; un meuble au centre de ce champ. Ces éléments s'imbriquent par décrochement les uns sur es autres et c'est seulement à la fin que la figure trouve une stabilité qui confirme et dément tout ensemble le procédé ynamique selon lequel elle a été exécutée. Le style caduveo nous confronte donc à toute une série de complexités. Il y a d'abord un dualisme qui se projette sur es plans successifs comme dans un salon de miroirs : hommes et femmes, peinture et sculpture, représentation et abstraction, angle et courbe, géométrie et arabesque, col et panse, symétrie et asymétrie, ligne et surface, bordure et motif, pièce et champ, figure et fond. Mais ces oppositions sont perçues après coup ; elles ont un caractère statique ; la dynamique de l'art, c'est-à-dire la façon dont les motifs sont imaginés et exécutés, recoupe cette dualité fondamentale sur tous les plans : car les thèmes primaires sont d'abord désarticulés, ensuite recomposés en thèmes secondaires qui font intervenir dans une unité provisoire des fragments empruntés aux précédents, et ceux-là sont juxtaposés de telle manière que l'unité primitive réapparaît comme par un tour de prestidigitation. Enfin, les décors complexes obtenus par ce procédé sont eux-mêmes redécoupés et confrontés au moyen d'écartelures pareilles à celles des blasons où deux décors se répartissent entre quatre cantons opposés deux à deux, simplement répétés ou colorés de l'un en l'autre. Il devient alors possible d'expliquer pourquoi ce style évoque en plus subtil celui de nos cartes à jouer. Chaque figure de carte obéit à deux nécessités. Elle doit d'abord assumer une fonction, qui est double : être un objet, et servir au dialogue - ou au duel - entre deux partenaires qui se font face ; et elle doit aussi jouer un rôle, dévolu à chaque carte en tant qu'objet d'une collection : le jeu. De cette vocation complexe découlent plusieurs exigences : celle de symétrie qui

« de l’Ohio, etlapoterie caddorécente danscelleduMississippi ; SantaremetMarajo, àl’embouchure del’Amazone et Chavin auPérou.

Cettedispersion mêmeestunsigne d’ancienneté. Le véritable problème estailleurs.

Quandonétudie lesdessins caduveo, uneconstatation s’impose :leuroriginalité ne tient pasaux motifs élémentaires, quisont assez simples pouravoir étéinventés indépendamment plutôt qu’empruntés (etprobablement lesdeux procédés ont-ilsexistécôteàcôte) : ellerésulte delafaçon dontcesmotifs sont combinés entreeux,elleseplace auniveau durésultat, del’œuvre achevée.

Or,lesprocédés decomposition sontsi raffinés etsystématiques qu’ilsdépassent deloin lessuggestions correspondantes quel’art européen dutemps dela Renaissance auraitpufournir auxIndiens.

Quelquesoitlepoint dedépart, cedéveloppement exceptionnelnepeut donc s’expliquer quepardes raisons quiluisont propres. J’ai jadis essayé dedégager certaines deces raisons encomparant l’artcaduveo àd’autres, quioffrent avecluides analogies : Chinearchaïque, côteouest duCanada etAlaska, Nouvelle-Zélande (2) .

L’hypothèse quejeprésente iciest assez différente, maisellenecontredit pasl’interprétation antérieure :ellelacomplète. Comme jelenotais alors,l’artcaduveo estmarqué parundualisme : celuideshommes etdes femmes, lesuns sculpteurs, lesautres peintres ; lespremiers attachésàun style représentatif etnaturaliste, malgrélesstylisations ; tandis que lessecondes seconsacrent àun art non représentatif.

Mebornant maintenant àla considération decet artféminin, je voudrais souligner queledualisme s’yprolonge surplusieurs plans. Les femmes pratiquent deuxstyles, également inspirésparl’esprit décoratif etl’abstraction.

L’unestangulaire et géométrique, l’autrecurviligne etlibre.

Leplus souvent, lescompositions sontfondées surune combinaison régulièredes deux styles.

Parexemple, l’unestemployé pourlabordure oul’encadrement, l’autrepourledécor principal ; plus frappant encoreestlecas delapoterie, oùl’on trouve généralement undécor géométrique surlecol, etun décor curviligne surlapanse, ouinversement.

Lestyle curvilinéaire estplus volontiers adoptépourlespeintures devisage, etle style géométrique pourcelles ducorps ; àmoins que,parune division supplémentaire, chaquerégionneporte undécor qui procède lui-même d’unecombinaison desdeux. Dans touslescas, letravail achevé traduitunsouci d’équilibre entred’autres principes allantaussiparcouples : un décor primitivement linéaireestrepris enfin d’exécution pourêtrepartiellement transforméensurfaces (parremplissage de certains secteurs, commenousfaisons quandnousdessinons machinalement) ; laplupart desœuvres sontfondées sur l’alternance dedeux thèmes ; etpresque toujours, lafigure etlefond occupent approximativement uneégale superficie, de sorte qu’ilestpossible delire lacomposition dedeux manières, eninversant lesgroupes invitésàjouer l’unoul’autre rôle : chaque motifpeutêtreperçu enpositif ouennégatif.

Enfin,ledécor respecte souventundouble principe de symétrie etd’asymétrie simultanément appliquées,cequi setraduit souslaforme deregistres opposésentreeux, rarement partisoucoupés, plussouvent tranchés outaillés, ouencore écartelés ougironnés.

C’estàdessein que j’emploie destermes héraldiques ; cartoutes cesrègles évoquent irrésistiblement lesprincipes dublason.  . »

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