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LA POÉSIE DIDACTIQUE ET LYRIQUE. ANDRÉ CHÉNIER

Publié le 20/05/2011

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I. — La Poésie didactique et satirique.

Louis Racine (1692-1763) est le dernier des enfants de Jean Racine. Il donna d'abord La Grâce (I730), puis, quelque vingt ans plus tard, La Religion (six chants, 1742), ouvrage de beaucoup supérieur au précédent. C'est sans doute bien moins poétique que la prose de Chateaubriand; mais il y a de l'élégance et de l'art. — Le meilleur titre de Louis Racine est dans les Mémoires qu'il nous a laissés sur la vie de son père.

Saint-Lambert (1716-1803) a publié, en 1769, les Saisons (quatre chants). Cet ouvrage monotone et compassé fut bien accueilli par les Encyclopédistes, qui ne demandaient à un poète que de la « philosophie «.

Roucher (1745-1794), qui devait périr sur l'échafaud avec André Chénier, fit paraître, en 5779, les Mois (douze chants). Boucher a certains dons du vrai poète : de l'éclat, du pittoresque et de la sensibilité. On citera toujours quelques brillants épisodes de son oeuvre.

Gresset (1709-1777). — Nous avons signalé ailleurs sa comédie du Méchant. Mais Gresset est surtout connu par un certain nombre de petits badinages en vers, qui l'apparentent à Marot, à Voiture et à Voltaire. Ce sont : Vert-Vert (1734), histoire d'un perroquet, au couvent des Visitandines de Nevers; le Carême impromptu, le Lutrin vivant, la Chartreuse (où il décrit la petite chambre qu'il occupait au collège Louis-le-Grand).

« Vie.

— André-Marie Chénier était le fils de Louis Chénier (d'abord employé dans une maison de commerce deConstantinople, puis consul de France au Maroc) et d'une Grecque, originaire de l'île de Chypre, Élisabeth Santi-Lomaca.Né à Constantinople le 3o août 1762, André vint terminer ses études à Paris, au collège de Navarre.

En 1782, il allacomme cadet au régiment d'Angoumois, mais il démissionna six mois plus tard.

En 1783, il voyagea en Suisse et enItalie.

Après un séjour de quelques années à Paris, il devint secrétaire de l'ambassade française à Londres (1787-179o).C'est pendant cette période (1783-1790) qu'André Chénier a composé, et le plus souvent ébauché, la plupart de sespoésies : élégies, bucoliques, idylles, poèmes didactiques.

Mais il ne publia presque rien; de son vivant ne paraîtrontque le Jeu de paume (dédié à David), et les Suisses de Chateauvieux.

En effet, à partir de 179o, André Chénier estsurtout journaliste.

Il collabore au journal de Paris.

Il est constitutionnel.

Partisan résolu de la Révolution, il voulaitpourtant sauver la royauté et la personne du Roi (il a aidé Malesherbes à préparer la défense de Louis XVI).Emprisonné à Saint-Lazare, le 7 mars 1794, il fut exécuté le 20 juillet à la barrière de Vincennes.

Une mêmecharrette emmenait avec lui Roucher, l'auteur des Mois. Publication des oeuvres.

— Deux pièces d'André Chénier, nous l'avons dit, parurent de son vivant (1791 et 1792).Tout le reste de l'oeuvre est de publication posthume.

— La première édition, tronquée et truquée, parut en 1819,par les soins d'Henri de Latouche; elle fit une sensation profonde.

Mais il faut arriver jusqu'à 1862 pour avoir unChénier à peu près complet.Les Élégies sont au nombre de quarante.

Chénier y chante ses amours, ses regrets, sa mélancolie.

Le style en estdélicat, précis, mais gâté par la périphrase et par la mythologie.

C'est souvent du style pseudo-classique.

D'ailleurs,il est très difficile d'y faire la part de la sincérité et de l'imitation.Les Bucoliques et les Idylles.

-- Là, on trouve le vrai Chénier, celui qui a le sentiment exquis de l'antique, à lamanière non pas de Racine, mais de Ronsard.

Chénier, sans pénétrer l'esprit ni la religion de la Grèce, s'est attachéaux paysages, aux lointains harmonieux et purs, et surtout aux attitudes, aux gestes, aux personnages formant desgroupes de bas-reliefs.

— Parmi les plus célèbres morceaux de ce genre, il faut citer : l'Aveugle (Homère, après undialogue avec des pasteurs de Scyros, chante...

Et c'est une occasion pour le poète de parcourir tous les thèmesde l'ancienne poésie grecque); — le Mendiant (la fille de Lycus prie son père de donner l'hospitalité à un mendiantqu'elle a rencontré sur les bords du Crathis; ce mendiant raconte ses aventures : il est le père de Lycus); — laLiberté (dialogue entre un berger et un chevrier; le berger est esclave, et sa condition lui pèse; il n'aime rien.

C'estun des morceaux les plus achevés de Chénier); — le Malade, histoire d'un jeune homme qui meurt d'amour pour unejeune fille qu'il a aperçue; il avoue son mal à sa mère, et celle-ci va chercher la jeune fille qui l'épousera; — la JeuneTarentine ; — Néère, etc.Il y a de très nombreuses imitations dans ces idylles, et l'on pourrait dire que les moindres détails en sontempruntés.

Mais Chénier sait y exprimer des sentiments naturels, d'une façon à la fois française et grecque.

Ilpossède la mesure, l'élégance, le sens de la beauté mystérieuse des choses et des êtres.L'Hermès.

— André Chénier ne voulait pas se contenter de ces imitations antiques.

Il travaillait à un grand poèmedidactique sur la formation et sur le système du monde, l'Hermès.Il ne nous reste de l'Hermès que des fragments.

Mais il est possible d'en reconstituer à peu près le plan.

— ChantJet : Formation de la terre (d'après la théorie de l'éternité de la matière et des atomes); les grandes révolutions duglobe, apparition des végétaux et des animaux (du Buffon en vers); — Chant II : Apparition de l'homme, saphysiologie, sa psychologie; analyse des passions; — Chant III : Histoire de la civilisation mythologique et religieuse;superstition, fanatisme, guerres : tout cela raconté par un « sage magicien » (Chénier se serait inspiré à la fois deLucrèce, de J.-J.

Rousseau, et en général de l'Encyclopédie); — Chant IV : Histoire de la civilisation scientifique etphilosophique; exposé de la théorie du progrès ; — Chant V : La civilisation artistique.L'Invention.

— Nous avons un morceau qui devait servir de préface à l'Hermès, et qui est intitulé l'Invention.

C'estune théorie de la poésie forme et fond.

Chénier, qui a si bien imité et presque pastiché les anciens, demande qu'onrenonce à reproduire leurs sujets et leurs thèmes.

Il faut faire ce qu'ils feraient s'ils vivaient parmi nous, c'est-à-direpeindre les sentiments de notre temps, les inventions nouvelles ; la science a progressé, le domaine de l'humanités'est en tous sens étendu, et c'est là une matière que nous devons à notre tour exploiter.

— Mais, en revanche, ilfaut aux anciens emprunter leur art, qui est parfait : Sur des pensers nouveaux, faisons des vers antiques.Les Iambes.

— D'ailleurs, le moment allait venir où André Chénier ne serait plus ni un imitateur des Grecs, ni unversificateur de l'Encyclopédie.

Il allait se révéler poète au sens le plus profond du mot, c'est-à-dire tirer de sonâme, de ses colères, de ses indignations, des traits immortels et vengeurs.

A Saint-Lazare, il compose sans douteune élégie un peu fade, la Jeune Captive ; mais il écrit aussi ses Iambes, qui sont de la satire lyrique.

Il y a environcent vers, qui ne sont, cette fois, imités de personne, ni pour le fond ni pour la forme, et qui sont l'impérissablechef-d'oeuvre d'un poète qui devenait enfin lui-même.Chénier écrivain.

— C'est comme écrivain et versificateur que Chénier a été appelé l'ancêtre des romantiques.

Ilredonne à la langue poétique des qualités concrètes et pittoresques, absolument oubliées par les pseudo-classiques.Il assouplit l'alexandrin et pratique, le premier depuis Malherbe, le déplacement de la césure principale etl'enjambement.

Mais, beaucoup plus que des romantiques, il est l'ancêtre des Parnassiens.

Ses véritables disciplessont Théophile Gautier, Leconte de Lisle, et, dans la poésie philosophique, Sully Prudhomme.. »

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