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La morale s'apprend-elle ?

Publié le 04/02/2004

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Cette autorité peut être celle d'un précepteur : c'est la version que privilégie Montaigne dans ses Essais ; c'est encore celle qu'admet Rousseau dans Émile, où le précepteur, qui remplace les parents, a pour tâche, non pas comme on le dit volontiers en caricaturant quelque peu la pensée de Rousseau, de procéder à une éducation naturelle, mais de placer l'enfant dans des situations telles qu'il en vienne à comprendre le caractère obligatoire de certains comportements, et à retrouver ainsi, par ses propres réactions, les valeurs. Ainsi, lorsqu'on constate que l'enfant a tendance à ne pas encore comprendre qu'il faut respecter le bien d'autrui, le précepteur n'hésite pas à piétiner les plantations que son élève a eu beaucoup de mal à faire pousser : ainsi le jeune esprit devra-t-il intérioriser l'idée qu'il ne doit pas détruire ce qui ne lui appartient pas.L'éducation parentale est aussi, ou devrait être aussi, une éducation morale, puisque c'est dans sa famille que l'enfant passe le plus de temps dans ses premières années. L'organisation de la société assure ensuite le relais des parents par l'école, ou le catéchisme : il s'agit d'amener progressivement l'enfant à la connaissance de principes fondamentaux de la morale, dont on peut admettre que la version laïque ne diffère guère de la version religieuse. Dans un tel processus, on recourt volontiers à des exemples « historiques » ou traditionnels, pour que l'enfant acquière des modèles de conduite et puisse ensuite leur être fidèle. [II. L'ambiguïté de l'obéissance] L'enfant est ainsi progressivement habitué à obéir à des lois ou à des maximes qu'il admet comme bonnes, en raison même des autorités qui les lui ont enseignées. Les parents, les instituteurs, les prêtres sont a priori respectables et ont, d'une certaine manière, toujours raison. La preuve en est qu'en cas de désobéissance, les sanctions ne tardent pas à survenir. Àl'enfant obéissant, les jouets, les « bons points » et les gâteries en tout genre (sans oublier les anciens prix de « bonne conduite » du système scolaire) ; au garnement, les fessées, l'eau et le pain sec, et les réprimandes.
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« [III.

La supériorité de l'autonomie] Kant inscrit Montaigne comme exemple du premier (c'est-à-dire du plus simple) des principes hétéronomiques de lavolonté.

Il sait néanmoins parfaitement qu'un enfant est bien « mineur » et qu'une tutelle doit bien être exercée àson égard, dans le domaine de la morale comme ailleurs.

Ce qui le déçoit est donc moins l'idée que la morale doiveêtre apprise par l'enfant, que le principe selon lequel ce qui aura ainsi été appris suffira à garantir durablement lecomportement de l'individu devenu adulte.

Un tel adulte demeurerait sous tutelle, ce qui contredit l'idée formuléedans sa Réponse à la question : Qu'est-ce que les Lumières ? : les Lumières sont précisément le moment de l'histoireoù tout homme devient capable de sortir de la « minorité » et d'assurer sa maturité rationnelle, c'est-à-dire de sedégager de toute autorité extérieure pour décider de sa propre conduite. « Accéder aux Lumières consiste pour l'homme à sortir de laminorité où il se trouve par sa propre faute.

Être mineur, c'est êtreincapable de se servir de son propre entendement sans ladirection d'un autre.

L'homme est par sa propre faute dans cetétat de minorité quand ce n'est pas le manque d'entendement quien est la cause mais le manque de décision et de courage à seservir de son entendement sans la direction d'un autre.

Sapereaude! [Ose savoir!] Aie le courage de te servir de ton propreentendement! Telle est la devise des Lumières.[...] Il est donc difficile pour chaque homme pris individuellementde s'arracher à la minorité, qui est presque devenue pour lui unenature.

Il y a même pris goût et il est pour le moment réellementincapable de se servir de son propre entendement, parce qu'on nelui en a jamais laissé faire l'essai.

Préceptes et formules,instruments mécaniques permettant un usage raisonnable ouplutôt un mauvais usage de ses dons naturels, sont les entravesqui perpétuent la minorité.

Celui-là même qui les rejetterait nefranchirait le plus étroit fossé que d'un saut encore mal assuré,parce qu'il n'est pas habitué à une semblable liberté demouvement.

C'est pourquoi il n'y a que peu d'hommes qui soientparvenus à s'arracher à la minorité en exerçant eux-mêmes leuresprit et à marcher malgré tout d'un pas sûr.» KANT. Relever les procédés d'argumentation 1.

Identifiez et résumez en une phrase les trois moments de l'argumentation de Kant.2.

Quelle définition de la minorité se dégage de ce texte? Montrez, en vous appuyant sur des exemples, que laminorité dont parle Kant ne se confond pas avec la minorité au sens légal (avoir moins de dix-huit ans).3.

Explicitez l'argumentation qui conduit Kant à affirmer deux choses presque contradictoires: l'homme setrouverait dans l'état de minorité «par sa propre faute», mais le philosophe reconnaît un peu plus loin qu'il est«difficile pour chaque homme pris individuellement de s'arracher à la minorité».4.

En vous appuyant à la fois sur le texte et sur votre propre réflexion, commentez le jugement de Kant selonlequel l'homme est «incapable de se servir de son propre entendement, parce qu'on ne lui en a jamais laisséfaire l'essai.».

Illustrez cette affirmation de Kant par des exemples.5.

Kant utilise l'expression «liberté de mouvement» à propos de ceux qui arrivent à rejeter «les entraves quiperpétuent la minorité»: quels liens peut-on établir entre ce passage du texte et la formule latine citée plushaut – «.Sapere aude! (Ose savoir!) » ? Trouver les enjeux philosophiques 6.

Comment décririez-vous l'état de majorité, par opposition à celui de minorité analysé dans ce texte?7.

Quelle est la conception de la liberté sous-jacente à la thèse défendue par Kant? Pourquoi cette conceptiondécoule-t-elle naturellement de «l'esprit des Lumières»?8.

Ce texte décrit-il seulement la condition de la plupart des hommes «pris individuellement», ou permet-il aussid'expliquer le fonctionnement des sociétés humaines? Justifiez votre réponse en l'illustrant par des exemplesprécis. L'erreur de Montaigne et des autres partisans d'un enseignement de la morale (excusable pour Montaigne, puisqu'ilne participe pas encore des Lumières, mais moins excusable peut-être à partir du XVIII siècle) est ainsi de ne pasaccorder une confiance suffisante à la raison dans l'individu.

Car c'est bien cette dernière qui doit, une fois l'enfanceou l'adolescence terminées, juger l'enseignement qui a été proposé (rien ne prouve a priori que le précepteur soitautomatiquement un modèle de morale...), et découvrir par elle-même la réalité de la loi morale.

Le sujet passe ainside l'hétéronomie à l'autonomie de la volonté, et il devient ainsi, simultanément, son propre législateur et celui del'humanité dans son ensemble. Kant: L'autonomie de la volonté. »

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