Devoir de Philosophie

LA MAISON PERDUE

Publié le 17/01/2022

Extrait du document

Je devais avoir une quinzaine d'années, le jour où j'appris que la maison était vendue, que nous n'y retournerions plus, et je ne crois pas l'avoir regrettée. Mes parents sont partis en voiture, et mon frère les accompagnait. Il s'agissait de vider les armoires, de vendre les meubles dont on n'avait que faire. J'évitai cette corvée. J'ai souvent rêvé, depuis lors, à ce que durent être ces deux ou trois jours dans notre maison, les papiers qu'on brûle, les malles traînées au milieu des pièces, les brocanteurs qui font leur choix, et toutes les fenêtres ouvertes par où on passe des meubles. On devait manger sur un coin de table, dormir sur un matelas dans une pièce vide, et avoir hâte d'en finir. La maison de Bagnères, ce n'était pas seulement le petit salon, l'office, la chambre de maman, toutes ces pièces où nous avions joué, le jardin profond, le bassin avec son jet d'eau, les fleurs au pied de la terrasse, les gros bouquets d'hortensias bleus. C'était surtout, qui disparaissait pour toujours, ce lieu où nous nous retrouvions tous, mes parents, mes frères et soeurs, ma grand-mère, l'oncle Octave, et que rien ne pourrait remplacer, de telle sorte que nous ne serions plus jamais tous ensemble. José CABANIS, Les jeux de la nuit, Gallimard, 1964.

Liens utiles